Accueil > La relation franco-turque "s’apaise" peut-être ce matin (zaz)

La relation franco-turque "s’apaise" peut-être ce matin (zaz)

par Ocséna, contre le système-ENA

Publie le samedi 31 décembre 2011 par Ocséna, contre le système-ENA - Open-Publishing
4 commentaires

Avertissement

 Comme le lecteur le sait déjà, la mention "zaz" accompagnant nos textes indique une manière
de faire délibérément décalée, qui ambitionne par un éclairage oblique à plus de perspicacité
dans le traitement des questions politiques.

 C’est dans l’humour raté que, selon nos plus brillants détracteurs,
nous sommes de loin franchement les meilleurs.

**************************************************

Ref. anté

SUBJECT : ARMENIE, FRANCE, TURQUIE : DOULEURS DES AMITIES

http://ocsena.ouvaton.org/article.p...

*************************************************

La relation franco-turque se trouve presque "arrangée" ce matin par deux ou trois trucs dont on ne fera pas explicitement l’analyse, on vous en laisse le soin : La presse de chez nous semble-t-il "écrase" discrètement en effet dans le sens de l’apaisement sans doute, vous ne trouverez même plus en Une de titre du genre "Erdogan hausse le ton", ou La "Turquie menace la France de représailles", etc., etc. Google même a supprimé de ses rubriques hier la mention générale qui fâche : "Génocide arménien".

Donc tout devrait aller pour le mieux : au milieu du blabla relativement "déconnant" sur les lois mémorielles, le travail des historiens, la liberté de réfléchir et le qualificatif supposément exact de génocide, on commence peut-être à s’y retrouver un peu. Le Monde a sorti même quelques articles intellectuellement de qualité, ce qui rassure beaucoup sur l’avenir cérébral du pays (On ne les donne pas en lien, pour ne pas avoir l’air de faire déjà préalablement des options pour vous influencer et faire pencher la balance.).

A titre heuristique, l’Ocséna a décidé néanmoins de faire ce matin trois tentatives modestes de réflexion dans le style bien connu qui est de sa manière :

 Génocides versus massacres à haute dimension,

 Loi dites mémorielles,

 Qu’est-ce qui surnage dans les hautes marées de la pensée ?

1. Le concept de génocide fâche, on penchera donc pour celui de "grand massacre", plus simple, plus sympa, plus universel et plus vrai.

Si on veut démarrer la question, on a une vaste possibilité aléatoire sans remonter jusqu’à la lointaine antiquité et aux Hittites.

Prenons Jules César, tiens, c’est pour nous assez récent.

1.1 Le génocide humaniste fractionnaire ou encore en d’autres termes le massacre morceleux fragmentaire

D’abord tout de suite on voit qu’il y a des degrés nuancés dans le massacre, dans la destruction, qui peut-être subtile et notoirement simplement partielle. Dans sa "Guerre des gaules", on voit que Julius est un humaniste, il évite de tuer des foules quand il peut s’en dispenser. Il lui plaît, même si ça lui en coûte, de ne couper par exemple que le bras droit des 30 000 hommes d’une tribu agitée, ou d’en crever les yeux, étant entendu qu’on laissera un oeil valide à un type sur dix.

1.2 Le simili-génocide ultra-massacrant mais non exactement génocidaire.

Autre degré supérieur moins bricolé petit que le précédent.

Un des exemples les plus célèbres est celui des Cimbres.

Les Cimbres arrivent du Jutland, las d’y crever de faim, ils sont au départ 65 000, ils récupèrent les Teutons et quelques autres. Leur nombre monte sans doute alors à 300 000 et plus (500 000 peut-être), de -120 -115 à -102 ils écument l’Europe et la Gaule, infligent des défaites spectaculaires aux Romains rencontrés sur leur chemin.

Mais qu’à cela ne tienne, en 101 av. J.-C., les Cimbres arrivent en Italie et se retrouvent face à 10 légions romaines dirigées par Marius, (vainqueur des Teutons peu de temps avant). À la bataille de Verceil, les troupes Cimbres sont décimées, la scène finale est désormais historiquement très célèbre, les femmes cimbres étranglent leurs enfants sur le post champ de bataille et se pendent par les tresses aux roues de leurs charriots.

Les Cimbres disparaissent du coup définitivement, les mecs, les gosses et les gonzesses, quouick, rayés de l’histoire.

Bon ben vous l’avez compris, bien qu’ils soient morts jusqu’au dernier, ceci n’est pas du tout un génocide mais seulement un massacre complet. Et puis d’abord les Cimbres c’est eux qu’ont commencé, ensuite ils ont beaucoup aidé à s’autodétruire eux-mêmes dans le travelling final comme on racontait , enfin l’intention malveillante là n’était pas de détruire un peuple mais seulement un ennemi. C’est donc très différent.

2. Lois mémorielles

L’idée de loi mémorielle a beaucoup plu en négatif aux cogitateurs français grands, petits, connus et anonymes qui ont décidé unanimement que c’était très mauvais.

Ce n’est pas totalement ni exactement notre position à nous : nous estimons en particulier que la dernière loi 2011 de décembre que l’on sait cogitée à la va-vite pas l’assemblée nationale n’est pas seulement mauvaise au seul motif qu’elle serait mémorielle, simplement elle est très conne parce qu’elle est très conne dans son essence. Plus kérosène comme loi, selon nous, tu meurs ! La cata de la loi concernée c’est son son inflammabilité UMP.

Il y a des lois mémorielles en vérité en dehors de celle-là auxquelles à l’Ocséna nous tenons pour notre part beaucoup. Par exemple nous tenons énormément à Noël, bien que les historiens te démontrent facile que Noël est à tous égards super-discutable, notamment le sapin allemand et le père Noël qui est lui en fait au départ un chomdu US de Chicago.

Il est sûr que si l’on faisait un jour solennel particulier pour chaque génocide honorablement connu (ou pour nous chaque grand odieux massacre pour historien et péquin), outre le 8 mai ou le 11 novembre, nous serions constamment en congés.

D’autant que certains viennent de penser à Paris à la Saint-Barthélémy et au Mans aux massacres de Vendée, les fosses communes d’époque mises au jour au Mans dernièrement montrent uniquement en guise de dangereux Chouans des femmes des femmes et de très jeunes enfants tués d’une balle de l’époque, ,tu sais celle qui fait pas de trou mais qui détruit tout là-dedans.

Mais que veux-tu, on refait pas l’histoire : le jeune Français d’aujourd’hui n’est pas responsable, c’est pas sa faute si la chouannerie avait choisi le roi et le Vatican.

Le jeune Turc non plus, il a massacré personne, hein !, il y a cent ans. Il n’a qu’une idée approximative du mal terrible infligé par ses ancêtres.

Sur les lois mémorielles on n’est donc pas clair dans cette affaire, tu noteras qu’on ne fête plus Bouvines et Fontenoy. On ne fête plus guère non plus dans le recueillement le mur de nos fédérés au Père Lachaise.

Tout va et passe finalement, on boira pas de communards "Au temps des Cerises" demain au printemps ! La tragédie a même perdu son folklore.

3. Qu’est-ce qui surnage en définitive dans les hautes marées de la pensée ?

Ok c’est le sujet le plus délicat de notre bidule d’aujourd’hui on ne va pas s’y attarder exagéré (On y reviendra).

Finalement tu t’aperçois qu’on ne sait pas très bien comment se constitue la pensée communément chez nous.
Dans les contes scolaires qu’on nous racontait à l’école, les choses étaient simples. Les idées arrivaient par elles-mêmes sur le marché des idées, se battaient en quelque sorte toutes seules entre elles et triomphaient par leur intrinsèque qualité.

Ce n’est pas du tout vrai en réalité, et le libre jeu qui allait supposément avec ce vibrant vibrillonage spermatozoidien n’a pas de consistance sérieuse. Le jeu des idées n’est pas une juste course Gurkha. Tout y est différent. Tout y est pipé ou plus exactement tout idée a une charge préalable de notoriété spécifique personnelle, clanique ou familiale au sens large. Même E=MC2 n’a sans doute pas triomphé de la façon qu’on croit.

Les idées ne sont pas encore démocratiques si jamais il faut qu’elles le deviennent et le logos aussi, les filles d’aristo dans la pensée ont un incontestable avantage. Une idée est invisiblement affectée d’une pondération terrible qui lui donne sa pente et trace son avenir !

En ce sens nos idées sont empêtrées de forces conservatrices, de société établie, de puissance prédigérée, de tricherie, de fausseté.

Le débat sur le génocide-massacre que nous évoquons complique spécifiquement ici encore tout, car par chance il n’y a pas encore eu vraiment vrai faux-débat, l’intention collective en France -on ne sait pas comment et par quels mécanismes- a voulu délibérément calmer utilement le jeu franco-turc. Elle va peut-être un temps y parvenir à titre exceptionnel. Le vrai débat s’il y a lieu on le fera plus tard.

Tout le monde connaît le livre d’image méchant des sociétés dictatoriales et de pensée unique.

Nos sociétés sont elles des sociétés de pensée médiatique éclatée, agitée par l’actu, le bruit, la notoriété gueularde. Un sondage récent vient de montrer que les Français ne se sentent pas intellectuellement pris en charge correctement par leurs politiques (ni leur presse.).

4. Conclusion rapide

 Mais je vois d’après Fredo qu’il convient de remettre à demain le présent sujet dans sa malheureuse complexité.

Nous allons conclure provisoirement net, carré, simpliste si vous voulez, vu du populo à supposer que l’on en soit propriétaire, ce qui n’est pas.

 Sarko et l’UMP ont eu totalement tort avec leur loi stupide incandescendante.

 Erdogan a eu tort avec son jeu bruyant d’absurde matamore.

 Les peuples turc et français ont eu raison jusqu’à présent de garder convenablement leur sang-froid. Bravo !

Pourvu que ça dure !

************************************************************

Ocséna, Organisation contre le système-ENA et pour la démocratie avancée

http://ocsena.ouvaton.org

Messages

  • Le côté "modéré" et peut-être moins délirant qu’à l’accoutumée du "fait" franco-turc que nous mettions en relief supra ne doit pas nous leurrer toutefois.

    Nous sommes bien ici chez nous dans une société médiatique brownienne, éclatée, où "Descartes" est peu présent : les "analyses systématiques" puis les "synthèses obligées" ne sont pas le fort de notre monde d’actualité en permanence bousculée.

    Non pas théoriquement que les journaux et les journalistes ne sachent pas faire ces choses, ils le savent parfaitement en théorie, quand ils le veulent mais il le veulent rarement. Un bel article complet synthétique est une rareté anomalique, on pense que le Saint Esprit ou le spenta minou, y est pour quelque chose.

    Bref ! pour diverses raisons on constate que le Débat a fui nos sociétés, que les journaux n’en font pas, qu’ils ne savent pas faire de la vraie critique méthodique. Intellectuellement nous sommes techniquement au moyen âge

    Bref la presse ne sert à rien sauf marginalement.

    Dans le débat franco-turc une bien bonne nous est venue par la presse de la diffusion d’une pensée particulière de Pierre Nora lequel a l’estime de tout le monde et la nôtre : Il faut laisser d’après ce qu’on comprend l’histoire aux historiens. Allons bon !?

    Tout le monde est certes d’évidence ok pour que les historiens s’occupent particulièrement eux-mêms d’historiographie pour quoi ils sont formés, il vaut mieux même. Mais enfin l’histoire ne se réduit pas du tout à l’historiographie.

    Il y a dans l’Histoire, du vécu, du tragique, du rêve, du mythe, etc. qui dépasse largement le sympa jean-foutre historien et qui a le droit de vous revenir. On disait ça bien sûr pour le fun et le plaisir.

  • Digression :

    Des tas de journalistes se font casser la gueule dans le village de la Madoff de Touraine (dans toute la presse)

    Evidemment nous ne prendrons nullement partie dans cette sombre affaire, nous observons seulement que c’est en principe très rare pour commencer sympa une nouvelle année.

    Question éthique cependant encore : quand même a-t-on oui ou non le droit de se marrer ?

  • Jeudi 22 décembre, en réaction au vote de l’Assemblée Nationale visant à sanctionner la négation du génocide des Arméniens, un tsunami d’inepties a frappé la France. Passage en revue des faux semblants, clichés et autres expressions d’inculture qui ont émaillé le débat sur le sujet.

    « Il n’appartient pas au Parlement de faire l’histoire ». L’histoire a déjà été écrite. Et n’en déplaise à M. Bayrou, De Villepin, Chevènement ou Lang, il appartient en revanche au Parlement de protéger les citoyens Français rescapés de l’entreprise d’extermination et la France en général des ravages d’une propagande d’Etat. Ce qui constitue le volet politique du génocide, son stade suprême, pour reprendre le mot de Bernard-Henri Lévy. Le négationnisme n’est pas un problème historique, mais d’une grande actualité. C’est la continuation de l’annihilation par d’autres moyens. Comme dans tous les crimes l’assassin cherche à cacher le cadavre et à effacer ses traces. Le négationnisme entend de plus poursuivre les rescapés jusque-là où ils sont et attenter à leur dignité. Dans cette dernière dimension, il s’agit d’une expression raciste et arménophobe qui procède de la même idéologie meurtrière et du même fanatisme que ceux ayant sous-tendu le passage à l’acte en 1915. Il appartient au Parlement de s’en saisir à différents motifs et en particulier, en ce qu’il est constitutif d’un risque de trouble à l’ordre public. En 2001, la Chambre des députés ne s’est pas positionnée par rapport à une question d’histoire. En reconnaissant le génocide elle a apporté une réponse politique à une politique d’Etat de déni. La violence des réactions d’Ankara à l’interdiction de sa propagande négationniste sur le sol nationale donne la mesure du caractère prioritaire de cette politique turque. Ankara se dit prêt à activer d’énormes moyens pour pouvoir la poursuivre. Face à ce chantage diplomatico-commercial, le meilleur rempart, c’est la loi. On n’est pas dans l’histoire, mais dans l’actualité.

    « Il faut mettre un terme aux lois mémorielles ». N’en déplaise à M. Accoyer, la proposition de loi que les députés ont adopté, jeudi 22 décembre n’est pas une « loi mémorielle », mais juste la transposition d’une directive-cadre de l’Union européenne, adoptée par Bruxelles en 2008, sur la lutte contre la contestation des génocides reconnus par la loi française. La France, dans son bon droit, n’a fait qu’importer un texte communautaire. En toute liberté et sans offenser personne puisque la Turquie n’est même pas mentionnée, ni les événements de 1915. Par ailleurs, d’autres Parlements ont voté des textes à caractère historique, comme le Conseil de l’Europe sur les crimes commis par les communistes à l’époque de l’URSS. Et personne n’a contesté cette avancée de la démocratie. Enfin, si on reprend cet argumentaire, pourquoi les législateurs seraient-ils compétents pour voter une loi contre le clonage alors qu’ils ne sont pas scientifiques et incompétents pour adopter un texte contre le négationnisme alors que l’Histoire est une science ? Il existe un principe de précaution morale qui est valable aussi bien dans la bioéthique que contre le négationnisme.

    « Le Parlement n’a pas à voter un texte portant sur un fait étranger à la France ». N’en déplaise à M. Badinter, les relations étroites entre la France et l’Arménie remontent aux premiers siècles de notre ère pour ne plus jamais se desserrer. Elles ont eu de cesse de se confondre. Le 24 mai 1915, la France, la Russie et la Grande-Bretagne adressent une missive à l’Empire ottoman dans laquelle la Triple Entente lui indique qu’il devra répondre après la guerre des crimes contre l’humanité commis sur sa population arménienne. La France a toujours été fortement présente et interventionniste dans cette région. Elle a apposé sa signature au bas de multiples traités en faveur des droits des minorités de l’Empire ottoman. Son implication dans la reconnaissance du génocide des Arméniens procède donc de ses engagements passés et relève de sa responsabilité historique. De leur côté les Arméniens ont payé au prix du sang versé leur tribut à cette histoire particulière d’amitié. On ne rappellera pour mémoire que les volontaires de la Légion arménienne tombés aux côtés des soldats français lors de la Première Guerre mondiale, les engagés dans l’armée française en 1939, en 1946 ou en 1954 alors qu’ils n’étaient pas citoyens de la République, les résistants du groupe Manouchian, rescapés du génocide de 1915 et fusillés par la police de Vichy pour s’être battu pour la liberté et la libération de la France. Si tous les peuples sous domination impériale ont gagné leur indépendance au XIXe comme au XXe siècle, cela s’est fait au nom des valeurs universelles que la Révolution française incarne. A chaque fois que les Arméniens ou d’autres peuples ont voulu s’approprier ces messages de Liberté pour s’affranchir du joug turc, l’Empire ottoman leur a répondu par le fer et le feu ! Comment Badinter, un héritier politique revendiqué de Jaurès et de Blum peut-il faire fi de cette dimension ?

    « La France n’a pas à se mêler des problèmes des autres ». Mais, à ce rythme que cessent alors les diplomaties du monde entier et que les ONG soupent leur action humanitaire à travers le monde ! Que l’on arrête de se mêler du génocide du Darfour ! Que l’on cesse de parler de la tragédie du Tibet en Chine ! Que l’on ferme les yeux sur toutes les violations des droits de l’homme dans le monde ! Ce serait un comble pour notre République, berceau des droits de l’homme !

    « Ce texte est de nature électoraliste ». Mais qu’est-ce qui n’est pas de nature électoraliste aujourd’hui ? Et pourquoi lorsqu’un gouvernement, à la recherche de popularité, légifère en faveur des agriculteurs, des enseignants, des médecins ou des laboratoires pharmaceutiques, personne ne parle d’approche électoraliste et qu’arrivée aux Arméniens, la démarche ne serait qu’électorale de la part de ce même gouvernement ?

    « Ce texte va porter atteinte aux relations économiques avec la Turquie ». Près de onze ans après la loi française reconnaissant le génocide des Arméniens, le volume des relations économiques et commerciales entre la Turquie et la France s’élève à environ 11 milliards d’euros, alors que la Turquie avait vigoureusement protesté contre ce texte de loi en 2001. L’argument mercantile tombe donc tout seul. Par ailleurs, pourquoi s’enthousiasmer à travers le monde en faveur du mouvement des Indignés fondamentalement porté par une éthique internationale et contester le choix des députés quand ils mettent la morale au-dessus du pouvoir de l’argent ?!?! Cela fait près d’un siècle que les Arméniens sont les Indignés sans sépulture et traînés dans la boue par ce négationnisme de l’Etat turc. Ce texte est un acte fort en faveur d’une moralisation des relations internationales, au moins à l’échelle européenne. Ceux qui s’y opposent sont des cyniques, qui mettent les intérêts commerciaux au-dessus de toute autre considérations.

    « Il faut créer une commission d’historiens turcs et arméniens pour régler leur différend ». Pourquoi mettre en place une commission d’enquête sur 1915 alors que tous les Instituts spécialisés dans la recherche sur les génocides confirment la réalité du génocide des Arméniens. Cette demande correspond à une manoeuvre de la propagande négationniste turque. Visant à noyer le problème, elle induit en outre que le génocide serait sujet à caution. Accepter cette idée, c’est faire le jeu des révisionnistes et négationnistes. Cette même demande est également utilisée par Ahamadinejad pour contester la Shoah. Par ailleurs, en 2001, lors d’une initiative américaine soutenue par le Département d’Etat, un dialogue arméno-turc, noué entre ex-diplomates des deux pays, a saisi le Centre international pour la justice transitionnelle (CIJT), basé à New York, en vue de déterminer si les tueries et déportations des Arméniens de l’Empire ottoman constituaient un génocide au regard de la Convention des Nations Unies de 1948. Lorsque le CIJT a répondu que « oui, le génocide des Arméniens est une réalité incontestable », la délégation turque a claqué la porte des négociations et mis fin aux discussions. Voilà un exemple de dialogue avorté par la Turquie, que nous portons à la connaissance des ignorants des relations arméno-turques...

    « Ce texte porte atteinte à la liberté d’expression ». Qu’on se le dise : ce texte ne porte nullement atteinte à la liberté d’expression. Toute personne a le droit de penser et de dire ce qu’elle veut. Le juge condamne, le cas échéant, la “négation ou la banalisation grossière et publique des génocides reconnus par la loi“. Les mots importants sont “grossières“ et “publique“. On peut être raciste, xénophobe ou négationniste c’est le droit de chacun de l’être et de le rester. Mais diffuser du racisme, de la xénophobie ou du négationnisme est inadmissible dans l’espace public.

    « Les lois mémorielles ne servent à rien ». N’en déplaise à Pierre Nora, il n’existe pas de « lois mémorielles ». C’est une expression de journalistes, un raccourci comme tant d’autres pour simplifier une problématique.
    Mais plus sérieusement encore, la mondialisation a déconcentré les histoires nationales et confronté les points de vue. L’histoire globale, qui incarne un nouveau « nous » mondial, et non plus occidental, se fonde sur la prise en compte de la diversité des peuples trop longtemps occultée, mais aussi sur une volonté de voir leur dignité respectée par la marche du temps et prise en compte par les sciences sociales. Elle repose aussi sur la confrontation à parts égales entre une histoire jusque-là dominante et une histoire dominée. Aucun Etat ne peut vivre à l’abri de cette confrontation. Et là où « Liberté pour l’Histoire » dénonce une loi mémorielle, il n’y a qu’une manifestation d’Histoire globale contre toute domination. Les vaincus et les humiliés ont autant de droits que les vainqueurs à écrire l’Histoire. Ne pas comprendre ce tournant épistémologique, c’est ne pas comprendre le XXIe siècle.

    Contester les génocides c’est assassiner les victimes une deuxième fois et attenter à la dignité des survivants. Et pour la Turquie mener une propagande négationniste d’Etat, c’est continuer au plan politique l’action génocidaire. Il s’agit donc d’un acte politique d’agression qui appelle un acte politique de résistance : le vote du Parlement. Si la Turquie reconnaît son histoire, sort de son déni, avec transparence et vérité, la sagesse, la raison et le bon sens l’emporteront. Tant qu’elle s’enveloppera dans les draps de son négationnisme d’Etat, elle se heurtera au tribunal de l’Histoire.... Et au jugement de la démocratie et du Droit.