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Cgt et constitution européenne

Publie le mercredi 9 février 2005 par Open-Publishing
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de PIERRE LEVY

Rejet

Par 81 voix contre 18, et 17 abstentions, le Comité confédéral national de la CGT s’est prononcé « pour le rejet du traité constitutionnel ». Déterminée à partir de l’intérêt des salariés, la position syndicale est sans ambiguïté en faveur du Non au référendum. L’événement constitue d’abord et avant tout un revers considérable pour les forces et personnalités qui tentent de faire ratifier le projet européen - à commencer par Jacques Chirac, François Hollande, et naturellement Ernest-Antoine Seillères - au moment même où le Oui semble de plus en plus en mauvaise posture. Au point que Nicolas Sarkozy en perd son sang-froid et évoque le « coup de force d’une minorité » au sein de la CGT (1).

Cette décision intervient alors que la combativité des salariés s’invite dans l’actualité - 18, 19 et 20 janvier, puis 5 février. Cela ne relève pas de la coïncidence. Les revendications ont objectivement un point commun : la mise en cause de la logique imposée par l’intégration européenne. Le quasi-blocage des salaires des fonctionnaires, les suppressions d’emplois publics sont les conséquences directes du pacte de stabilité lié à la monnaie unique ; la mise à mal des services publics, la libéralisation des secteurs concernés découlent en droite ligne des directives européennes. La Commission de Bruxelles vient du reste de se fixer comme priorité la relance de la « stratégie de Lisbonne », celle-là même que le projet de traité « constitutionnaliserait ». Jusqu’à la proposition de loi UMP sur le temps de travail, qui porterait les limites légales à 48h voire 60h par semaine. Il s’agit précisément des normes prescrites par la directive européenne en cours de révision. Un hasard, bien sûr.

La prise de position de la CGT constitue en outre un désaveu de ses principaux dirigeants. Ceux-ci n’ont nullement cherché à le cacher. A titre d’explication, Bernard Thibaut a évoqué les « carences de la démocratie ». Etrange analyse. D’abord parce le secrétaire général ne peut ignorer que des milliers de discussions, de débats, de votes dans des syndicats d’entreprise, des organisations locales, départementales, fédérales ont traduit, à une écrasante majorité, l’état d’esprit des syndiqués en faveur du Non. Ensuite dans la forme même : si le vote n’est pas allé dans le sens souhaité par la direction confédérale, c’est qu’il n’était pas « démocratique » ? On pense à l’ironie de Bertold Brecht : « si un fossé se creuse entre le peuple et les dirigeants, alors il faut dissoudre le peuple et en élire un autre ».

Il se trouve que ce précepte résume à merveille la dynamique de l’intégration européenne. Les « élites » savent ce qui est bon pour les peuples. Les Danois, puis les Irlandais s’en rappellent : dès lors qu’un référendum ne donne pas la « bonne » réponse du premier coup, il faut reposer la question. Certes, le bureau confédéral n’envisage pas de faire revoter, mais cette manière de ne pas accepter un verdict évoque immanquablement le dépit de ceux qui « savent » confrontés à la résistance de la réalité. On peut mesurer ce fossé à l’aune de la position initiale prise par Guy Juquel, au nom de la direction de la CGT, lors du Comité directeur de la CES, le 13 juillet 2004 : « Il ne s’agit pas d’encourager une approche négative à l’égard du traité, mais de promouvoir une approche positive sur des bases audibles et crédibles ». Il faudra bien que chacun s’y fasse : il n’y a manifestement pas de bases « audibles et crédibles » pour affirmer que le projet constitutionnel comporte « des insuffisances mais aussi des avancées ».

Libération citait récemment les propos d’un dirigeant socialiste affirmant : « dire que le Non peut l’emporter, (...) c’est évoquer une forte probabilité » ; et ceux du député UMP Thierry Mariani : « Je ne rencontre dans ma circonscription que des électeurs qui me disent qu’ils vont voter Non ».

Imaginons que la CGT soit restée en retrait de ce mouvement de fond ; dans quelle situation se serait-elle trouvée au lendemain du scrutin si, comme c’est désormais probable, le peuple français majoritairement - et les salariés massivement - votent Non ?

PIERRE LEVY

(1) France 3, le 6 février, dans l’émission « tout le monde en parle »

Messages

  • Juquel a la positive attitude. Le petit chef Thibault a sérieusement l’air de penser qu’il est toujours en mesure aujourd’hui de donner des leçons de démocratie. Le Duigou évoque une "posture protestataire" à propos des membres du CCN de la CGT l’ayant, lui et ses comparses, envoyé dans les choux.
    Quand le peuple aura voté NON, et c’est de plus en plus probable, ces zozos pourront toujours espérer devenirs attachés au service du sénateur Raffarin.
    Si ce n’est pas le cas, on ne pleurera pas leur élimination syndicale.