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Un scorpion aimerait traverser la rivière mais, seul, il est en galère.

par Edito Causette 21

Publie le mardi 24 janvier 2012 par Edito Causette 21 - Open-Publishing
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Il demande à une grenouille qui passe par là : « Veux-tu bien me porter jusqu’à l’autre rive ? »

La grenouille : « Tu me prends pour une quiche ? Tu vas me piquer, c’est sûr !

Mais non, je ne suis pas fou, si je te piquais, je me noierais avec toi... »

La grenouille accepte donc. Mais, arrivés au milieu de la rivière, sans prévenir, le scorpion transperce le dos vert du batracien.

La grenouille : « Mais qu’as-tu fait, abruti ? Nous allons mourir tous les deux ! »

Le scorpion : « Je sais, mais je n’ai pas pu m’en empêcher... Je suis un scorpion, c’est ma nature. »

Cette vieille fable africaine me paraît d’une fâcheuse actualité. Et ça ne sent jamais bon quand on ressort les histoires de griots. C’est qu’on a de grandes leçons de vie à recevoir.

Collectivement. Car dans la même semaine, en janvier, une employée de Tati et un ex-ouvrier Conti se sont suicidés. Ils ont tous deux clairement désigné leur travail comme cause de leur geste. Elle s’appelait France Javelle. Lui, Michel Letupe. Voilà pour les grenouilles.

Les scorpions, eux, sont plus difficiles à reconnaître. Et c’est normal, parce qu’ils nous font la danse des éventails. Mais si, vous savez, ces danseuses japonaises qui, nues, agitent habilement deux éventails... afin que jamais on ne voie leur intimité, leur vérité.

L’expression « les marchés », c’est l’éventail qui sert à ne pas identifier les investisseurs, les spéculateurs, les détenteurs de SICAV, tous ceux qui « jouent » en bourse, les banquiers, leurs produits et leurs portefeuilles, les fonds d’assurance, les fonds de pension, les clients des hedge funds, ainsi que les représentants, gérants et possesseurs de tous les capitaux en circulation dans l’industrie financière. Michel et France sont les victimes directes d’un système à qui nous avons fait traverser la rivière quand il allait se noyer. Il piquera à nouveau.

C’est sa nature. Mais bon, ne désespérons pas.

Car une antique fable causettienne dit qu’un jour, une grenouille plus maligne que les autres apprit à lire la langue scorpionne. Tous les matins, elle lisait leurs journaux austères. Et quand, un jour, un scorpion lui demanda, très gentiment, de le porter sur son dos... elle le défonça.

Causette

« On me dit que nos vies ne valent pas grand-chose,
Elles passent en un instant comme fanent les roses...
 »
C. Bruni

http://www.causette.fr/

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