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Une question de survie

Publie le samedi 12 février 2005 par Open-Publishing
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La décision du comité confédéral national (CCN) de la CGT d’appeler les travailleurs à voter non à la " Constitution " européenne (1) a provoqué beaucoup de réactions, y compris du côté des dirigeants de la CGT - Bernard Thibault, notamment - qui auraient préféré que leur confédération ne prenne aucune position (ce qui revient à encourager l’abstention) (2).

Quoi qu’il en soit, dans le rapport qu’elle a présenté le 8 février 2005 à la commission exécutive confédérale, Maïté Lassalle a semblé vouloir apaiser les polémiques, reconnaissant : " Le vote du CCN est légitime, personne ne le remet en cause. " Soit. On peut être surpris, toutefois, que, dans le même exposé introductif, Maïté Lassalle (3) déclare : " Nous devons veiller à ne pas aboutir à accoler revendications et rejet du traité. " Comment comprendre ? Quelle revendication ouvrière, aujourd’hui, ne pose-t-elle pas l’exigence " non à la Constitution " ?

Arrêt des privatisations, retour au service public d’EDF-GDF : est-ce possible avec la " Constitution " européenne, qui établit " un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée " (article I-3) et qui impose en outre que " les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal soient soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de la concurrence " (article III-166) ?

Annulation des 3 900 suppressions d’emplois à la SNCF, des 6 000 fermetures de bureaux de poste, restitution des 40 000 lits d’hôpitaux supprimés dans les seuls hôpitaux psychiatriques : est-ce possible avec la " Constitution " européenne, qui reprend les dispositions du traité de Maastricht et du pacte de stabilité (interdiction des déficits publics au-delà des 3 % de PIB) établissant que " le Conseil (...) surveille l’évolution économique dans chacun des Etats membres et dans l’Union, ainsi que la conformité des politiques économiques avec les grandes orientations " établies par la Commission européenne (article III-179) ?

Maintien du bac comme diplôme national et anonyme, le même pour tous : est-ce possible avec la " Constitution " européenne, qui autorise l’Union européenne " à développer la dimension européenne dans l’éducation " (article III-282), entièrement axée sur la promotion de " l’éducation et les compétences informelles " en lieu et place des diplômes nationaux (lire page 3) ?

Maintien du Code du travail et des conventions collectives : est-ce possible avec la " Constitution " européenne, qui autorise l’Union européenne à " prendre des mesures en vue d’assurer la coordination des politiques économiques et de l’emploi " (article I-15), ce qui se traduit, par exemple, par des " lignes directrices " qui expliquent notamment que " les Etats membres réexamineront, et, le cas échéant, réformeront les conditions trop restrictives de la législation en matière d’emploi " (ligne directrice pour l’emploi n° 3) ?

Non, chacun le sait : chaque revendication particulière est " accolée " au non à la " Constitution " européenne. Elle en est même indissociable. Alors, comment comprendre ?
Maïté Lassalle parle d’assurer la mobilisation européenne du 19 mars, sur la base de " la plate-forme revendicative commune, que par ailleurs, nous avons fortement participé à construire dans la CES " ?

Mais la " plate-forme revendicative " de la CES est, elle, " accolée "... au oui !

Les " revendications " de la CES, c’est le contenu de la " Constitution " européenne (voir l’appel de la CES en page 8)

Répétons-le : le non peut l’emporter si, précisément, il intègre et exprime chaque revendication ouvrière particulière. Devenu récemment propriété de M. de Rothschild, le quotidien Libération le comprend fort bien.

Il conclut son éditorial consacré au CCN de la CGT par ces mots chargés d’angoisse : " Le danger est réel que la colère populaire entraîne une majorité d’électeurs vers un non à la Constitution de pure protestation (...). Comme les cégétistes, nombre de Français de gauche peuvent tomber dans le panneau. "

Et Libération de lancer un appel vibrant à ne pas " céder à l’illusion qu’on peut, seuls contre tous, défendre une exception française sans avenir ".Voilà qui éclaire le débat.

Ceux qui condamnent le vote du CCN de la CGT n’ont qu’une motivation : faire passer coûte que coûte la " Constitution " européenne destructrice de " l’exception française ", c’est-à-dire des droits, des garanties sociales, politiques et démocratiques arrachés par les travailleurs et par le combat démocratique depuis deux siècles dans notre pays.

A l’inverse, ceux qui, dans tous les milieux syndicaux, politiques, professionnels, sociaux, sont amenés à prendre position pour le non à la " Constitution " ne font qu’exprimer l’immense rejet de millions de travailleurs qui sont agressés quotidiennement dans leur santé, dans leur existence, dans celle de leurs enfants, par la marche destructrice vers la " Constitution " européenne.
C’est cela qui est au centre des développements qui ont eu lieu à la CGT.

C’est cela qui est au centre de toute la situation dans le pays.

C’est cela qui donne toute son importance à une campagne systématique, à tous les niveaux de la société, pour la victoire du vote non à la " Constitution " européenne.
C’est une question de survie !

(1) La résolution adoptée par le CCN " équivaut à une position de vote négative au référendum ", déclarait Jean-Christophe Le Duigou, dirigeant de la CGT.

(2) Lire notre dossier pages 7 à 11.

(3) On lira par ailleurs l’échange de courriers entre Maïté Lassalle et des militants de sa fédération syndicale (page 10).

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