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Le Vénézuéla face au problème agro-alimentaire : critique et révolution.

par Jesse Chacón

Publie le mardi 31 janvier 2012 par Jesse Chacón - Open-Publishing
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Pendant toute l´année 2011 la FAO n´a cessé de lancer des cris d´alarme au sujet de la famine sévissant dans diverses parties du monde. Ces alertes ont pour toile de fond une véritable crise humanitaire. En 2011, 1600 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde. Parmi elles 60% sont des femmes.

Alors qu´au Venezuela, si on vit le temps des êtres humains et non le temps du capital, on peut souligner les réussites en matière d´alimentation. La FAO a classé le Venezuela en 2011 comme le cinquième pays latino-américain possédant le meilleur indice nutritionnel pour les enfants de moins de 5 ans. Le Venezuela dépassera en 2015 l´Objectf du Millénaire sur l´éradication de la faim, fixé par l´ONU.

Ceci témoigne des avancées sur le problème alimentaire de la population : alors qu´en 1990 l´indice de dénutrition infantile pour les moins de cinq ans se situait à 7,7%, nous avons réussi à le réduire à 3,2% en 2010.

Ces succès résultent de l´engagement du gouvernement révolutionnaire de garantir un droit fondamental comme l´alimentation. Ils sont le produit d´une politique intégrale qui articule la distribution et la commercialisation d´aliments à des prix subventionnés, l´adoption de mesures destinées à protéger les prix des aliments et la mise en route d´un plan de production agricole qui ambitionnant d´augmenter à moyen terme la production nationale d´aliments.

Sur le terrain des chaînes de distribution, les réussites sont importantes mais en ce qui concerne le contrôle des prix les résultats sont assez limités : la spéculation et l´accaparement sont encore palpables dans le quotidien du vénézuélien.

En ce qui concerne le secteur agricole les résultats qui jusqu´en 2009 connaissaient une tendance ascendante, ont montré des résultats en baisse pour certains articles, et des avancées modestes pour la majorité. Le président Hugo Chávez lui-même l´a reconnu dans son discours annuel de mémoire et comptes de la nation à l´assemblée : “… certes, l´effort a été très grand. Mais si on me pose la question, je répondrai que je ne suis pas content des résultats, je ne suis pas content. Non. Nous pouvons faire beaucoup plus, et nous sommes dans l´obligation de faire beaucoup plus. Et nous avons commis des erreurs, nous devons être autocritiques et ces erreurs il faut les corriger…”

Cette reconnaissance critique du président est importante, vu les espoirs fondés sur le lancement de la Mission Agrovenezuela. Cette mission fut lancée le 25 janvier 2011 ; cependant, le bilan final n´exprime pas le grand saut agro-productif attendu. Au contraire il montre la chute de 8 des 47 articles principaux mesurés, tandis que le progrès de 39 autres est modeste.

Voyons quelques unes des données les plus significatives de ce rapport annuel 2011 :

 Pour le riz nous observons une croissance de la production nationale de 6 % par rapport à 2010. Nous sommes passés d´un million 161 mille tonnes à un million 230 mille tonnes, j´arrondis le chiffre.

 Pour les haricots on a obtenu une croissante de la production de 17 % par rapport à 2010. Nous sommes passés de 34.400 à 40.376 tonnes en 2011.

 En ce qui concerne le coton nous sommes passés de 8.800 à 28.300 tonnes.

 Le café croît de2 %, de 73.600 à 75.500 tonnes.

 Le cacao croît de 9 %, de 20.900 à 22.800 tonnes.

 Le maïs baisse de 17 % : La production atteint 1.200.000 tonnes pour le maïs blanc et 600.000 tonnes pour le maïs jaune.

 Pour le poulet, la production nationale a cru de 8 % par rapport à 2010. Nous sommes passés d´un million 77 mille à un million 164 mille tonnes.

 Pour les oeufs, la croissance est de 26 %, de 241.500 à 304.000 tonnes.

Beaucoup attribueront les chutes dans la production ou le manque d´augmentation substantielle par rapport aux objectifs de production, aux conséquences du changement climatique. On pourra même évaluer positivement le processus si on réalise une étude comparative des réussites par rapport aux gouvernements de la quatrième république. Au cours de la dernière décennie du “puntofijisme" (1) - de 1988 à 1998 -, la récolte a subi une diminution progressive au plan national, la surface cultivée n´atteignant plus que 1.638.923 hectares (en 1998). On observe par contre, sous le cycle du gouvernement bolivarien, une croissance considérable, avec 2.392.811 hectares cultivés en 2009, soit une augmentation de 46%.

Méme si ces faits sont exacts et acceptables comme références pour l´analyse, ils restent insuffisants. Pourquoi ? parce que nous avons besoin d´évaluer la politique agro-alimentaire en fonction des besoins urgents de la souveraineté agro-alimentaire.

Nous nous trouvons face à un paysage global fragile et catastrophique : la brume de la guerre et de l´effondrement économique mondial, associés à la chute des prix internationaux du pétrole, peuvent se rapprocher rapidement.

Dans ce contexte seule nous sauvera la capacité de mener à bien des réalisations concrètes afin de produire nous-mêmes les aliments, et de renforcer les secteurs de l´eau et de l´énergie, pour éliminer toute fragilité.

Dans le nouveau plan de développement national 2013-2019, il faut formuler de manière beaucoup plus systématique l´ensemble des chaînes productives du secteur agro-alimentaire. Il est urgent d´incorporer un système de gestion qui rationnalise la production du secteur agro-alimentaire sur la base de critères d´efficacité, de productivité. Il est nécessaire de créer une plus grande complémentarité dans les processus d´ensemencement primaire, de récolte, de stockage, de traitement agro-industriel et de distribution. Il faut de même bien étudier la dimension territoriale, comprendre l´impact que des méga-projets d´infrastructure publique ou d´industrialisation, peuvent avoir sur la production agricole dans les contextes régional et local.

Le thème agro-alimentaire revêt une telle importance dans la réalité vénézuélienne qu´il aura suffi d´un accord passé cette semaine entre deux grands groupes agro-industriels nationaux (le groupe Mendoza et le groupe Capriles) pour forcer le retrait de la candidature de Leopoldo López en faveur d´Enrique Capriles, ce qui nous ramène à l´époque où les groupes Santa Lucia et Roraima (décennie 80-90) s´étaient proposé de subordonner le pouvoir politique au pouvoir économique. Si Capriles devient finalement le candidat de l´opposition, nous serions en présence de deux courants clairement différenciés pour les élections du 7 octobre 2012. D´un côté la politique comme outil de transformation sociale et de l´autre la politique comme outil de majoration des bénéfices et des privilèges des grands groupes économiques.

C´est pourquoi la dialectique de la révolution, aujourd´hui plus que jamais, exige de nous le langage de l´espoir et, tout autant, le langage de la critique et du posible, pour conquérir de nouveaux espaces dans chacun de nos processus.

(1) (NDT : le "puntofijisme" est un pacte signé en 1958 à Punto Fijo entre des partis dominants vénézuéliens (social-chrétien et social-démocrate) pour se répartir en alternance le gouvernement et l´État sans en modifier les structures.)

Traduction française : Thierry Deronne

http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1910&lang=fr

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