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Le jour où Chávez a conquis l’audience du Forum Social Mondial de Porto Alegre

Publie le lundi 14 février 2005 par Open-Publishing

Par Aram Aharonian

Directeur de la revue latino-américaine Question et de l’Agence de presse Alia2

Source : www.aporrea.org, samedi 12 février 2005

Adresse de l’article en espagnol :

http://www.aporrea.org/dameletra.php?docid=11961

On débattait du futur du Forum Social Mondial et le président vénézuélien est arrivé pour mettre l’accent sur la nécessité de passer à une autre étape : achevée la période de diagnostique, de la récupération de la pensée contre-hégémonique, il est nécessaire de passer aux propositions et, au-delà, à l’action. Tout comme en 2003 il avait mis en avant le caractère anti-impérialiste du Processus Bolivarien, le 30 janvier 2005 il a affirmé que « le capitalisme ne sera pas transcendé dans le cadre du système lui-même, mais dans le cadre du socialisme ».

Il n’y a que comme ça, a-t-il déclaré lors de la clôture du Vème FSM de Porto Alegre, que l’on parviendra à l’équité et à la justice pour les peuples. Et il est allé encore plus loin : il a appelé à passer à l’offensive avec un Programme -et une stratégie- Social Mondial, et il a appelé à organiser une rébellion mondiale anti-impérialiste et anti-hégémonique, stratégie vers la prise du pouvoir.

Sans aucun doute, le FSM a été durant ces cinq dernières années, l’espace public des citoyens et de leurs luttes, ainsi que le lieu de l’élaboration des propositions de politique alternative à la pensée unique et à la globalisation néolibérale promue par les marchés financiers et les grandes entreprises transnationales et leur bras armé, le pouvoir impérial des Etats-Unis.

Mais cette instance semble aujourd’hui dépassée. Jusqu’à maintenant, en raison de sa diversité, et en raison de la solidarité entre tous les mouvements qui le composent, le FSM s’était transformé en une véritable force alternative à l’hégémonisme, une espérance pour les citoyens du monde.

Peut-être en raison de leur propre frustration et en raison du risque de perdre le rôle principal, ou bien avec un sincère désir d’apporter de l’aide, 19 des traditionnels grands prêtres du FSM ont signé le 29 janvier 2005 un manifeste, issu d’une rencontre qui s’enorgueillit de n’en point produire. Des spéculations ont rapidement surgi sur les motivations réelles qui auraient mené les grands prêtres, membres du Comité International du FSM, à se manifester.

Ignacio Ramonet, l’un des initiateurs du manifeste, a indiqué que « maintenant personne ne peut dire que nous n’avons pas de programme. » « Nous ne pouvons pas continuer de dire qu’‘‘Un Autre Monde est Possible’’ si nous ne faisons pas de propositions pour parvenir à cet autre monde possible », à déclaré un autre grand prêtre, Ricardo Petrella.

Les analystes n’ont pas réussi à savoir s’il s’agissait d’imposer un programme de discussion ou simplement d’un aide-mémoire pour les 120 000 participants du Forum. D’autres ont signalé la faible portée d’un document, bénéficiant de trop de publicité, proposé par les mêmes vieilles célébrités qui ne peuvent pas se faire à l’idée de faire partie des masses dont elles étaient peut-être les leaders autrefois.

Chávez est arrivé l’avant-dernier jour, il a pris ses distances avec les auteurs du manifeste et il a conquis le Forum, lequel se réalisera l’année prochaine -dans sa versant américaine- à Caracas, où le programme risque d’être très différent de ce que le Comité International souhaiterait.

Chávez continue de perfectionner son discours politique, son idée de démocratie révolutionnaire, de front international anti-impérialiste, d’unité des forces progressistes. Et après Porto Alegre, à Buenos Aires, il a complètement clarifié les choses : il est nécessaire de caractériser le moment que nous vivons, d’augmenter le niveau de la résistance et de passer à l’offensive sur le plan des idées et dans l’action.

Unité Unité Unité

Au Brésil, en Argentine, en plus des provocations de la grande presse, Chávez a fait face à l’amertume de certains groupuscules contre les présidents respectifs de ces deux pays, des secteurs qui souhaiteraient ouvrir des brèches et des malentendus là où devrait régner la concorde -une nouvelle démonstration des mesquineries qui ont empêché à de nombreuses reprises la naissance des indispensables fronts anti-oligarchiques.

Dans les deux cas, la réponse de Chávez a été celle d’un chef d’Etat, lançant un appel à l’unité des secteurs progressistes et, surtout, à ne pas tomber dans le piège de l’impérialisme qui veut la division des forces de gauche : « Il faut clairement savoir qui est l’ennemi », a-t-il dit dans le Gigantinho de Porto Alegre [au Brésil], et c’est ce qu’il a répété dans l’Ateneo de Buenos Aires.

Peu auparavant Kirchner avait signalé que « l’unité est nécessaire pour faire du continent un territoire de paix. Cette visite de travail, avec les thèmes que nous avons abordés, et avec les accords qui sont signés, se réalise dans cet esprit et il faut en savoir la signification profonde : multilatéralisme dans la marche vers un nouvel ordre mondial et continentalisme pour parvenir au développement durable avec inclusion sociale, telles doivent être les devises de toute l’Amérique latine, territoire d’unité en action qui nous permettra de mettre en pratique nos idéaux ».

« Nous avançons dans cette direction, vers la récupération de la conscience du Sud et faire entrer dans la réalité les discours et les accords », a répondu Chávez, après avoir souligné son amitié et la construction de « cette nouvelle Amérique » avec Lula et Kirchner... « et bientôt également avec Tabaré Vázquez, qui va se joindre à cet effort, lequel était impensable il y a à peine trois ans ». Ce qui est important, a-t-il dit au FSM -qu’il considère comme « l’événement politique le plus important de tous ceux qui se réalisent dans le monde »-, c’est que « l’année 2005 est arrivée et l’ALCA (ZLEA, Zone de Libre-échange des Amériques) n’existe pas, ce qui est une grande victoire pour l’Amérique latine ».

A Washington « ils passent leur à parler de liberté, mais ils ne parlent jamais d’égalité. Et cette liberté ils la représentent avec ce superhomme, ce Superman, mais ce qu’ils ne savent pas c’est qu’au Venezuela nous avons de la kriptonite, et de la rouge », a-t-il ironisé, remplaçant la couleur verte du mythique matériel radioactif du personnage de bandes dessinées par la couleur du mouvement bolivarien.

Sur le rôle que doivent jouer les forces armées, Chávez a rappelé la définition de Simón Bolívar, lequel disait sur son lit de mort que « les militaires doivent se saisir de leur épée pour défendre les garanties sociales ». « La dernière chose que doit faire un militaire, a- t-il ajouté, c’est de se prêter au jeu de l’impérialisme, comme c’est hélas arrivé sur notre continent. Les militaires ne doivent jamais se retourner contre leur peuple. Ils doivent être des libérateurs et non des oppresseurs. Ils doivent être à la disposition du pouvoir politique, mais aussi du pouvoir social », a-t-il indiqué, dans des applaudissements assourdissants.

« Au Venezuela, nos forces armées réalisent des tâches non seulement de défense, mais également de développement, dans les communautés, en construisant le pays, dans la distribution de l’alimentation, là où ils ont une grande expérience de la logistique ».

« Nous sommes en train de retrouver le chemin de la liberté, quel qu’en soit le prix. C’est San Martín qui continue de parler, soyons libres, le reste n’a aucune importance », a déclaré Chávez. Peu avant Kirchner avait indiqué que « nous vivons ce moment de l’histoire, où les expressions permanentes des aspirations qui étaient les nôtres, nous devons les accompagner de réalisations comme celle que nous exprimons aujourd’hui, des réalités concrètes. Que nos peuples voient que nous sommes capables d’organiser des actions et de prendre des décisions, qui permettent de générer des investissement productifs, des emplois, du travail, la solidarité et l’intégration. C’est le chemin exigé par nos sociétés (...) Nous savons aussi que nous devons approfondir et que nous devons gagner à cette idée le reste des pays de la région pour que définitivement les frères habitants en Amérique du sud réalisent qu’ils ont des dirigeants à la hauteur de la situation historique ».