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L’altergouvernement réunit ses ministres d’un jour

par Jeannine

Publie le samedi 18 février 2012 par Jeannine - Open-Publishing
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LIVRE - Imaginez que, deux mois avant la présidentielle, se forme le Mouvement indépendant pour une réelle alternative citoyenne (Mirac). Et que, emporté par une véritable ferveur populaire, son candidat remporte la course à l’Elysée. Vendredi soir à Paris, ce nouveau gouvernement a tenu son premier conseil des ministres. Récit.

"Et nous voilà sous les lambris dorés de l’alter-ministère du logement qui vous accueille." Le ton de la soirée est donnée. Et le premier conseil des ministres lancé. Une rencontre pas comme les autres entre des ministres-citoyens, qui ne se sont jamais rencontrés, et des citoyens "tout court" intéressés par la démarche. Vendredi soir, au siège du DAL (association Droit au Logement), dans le 12e arrondissement de Paris, onze des 18 contributeurs du livre Altergouvernement se sont retrouvés autour d’une table pour débattre de leurs propositions. Pour remettre en question "nos manières de gouverner, de produire, de vivre ensemble, avec un retour aux valeurs d’humanité, de responsabilité et de solidarité".

Alors, à tour de rôle, chaque ministre - de "simples citoyens qui ont des choses à dire", selon l’éditeur - a pris la parole. A commencer par Susan George, confondatrice et présidente d’honneur d’Attac, dans la peau de la ministre des Affaires étrangères. Elle a annoncé que la France va reconnaître la Palestine, annuler la dette de l’Afrique et sortir de l’Otan car "on sera ami avec tout le monde mais dirigé par personne". "On va peut-être en discuter un peu", a réagi dans la foulée son homologue de la Défense, Philippe Leymarie, collaborateur au Monde diplomatique et rédacteur du blog Défense en ligne, assis à ses côtés.

Les ministres prennent la parole

Côté justice, la présidente du Syndicat de la magistrature, Clarisse Taron, a proposé de mettre en place une "vraie justice indépendante, ouverte, lisible et proche des gens". "Une condition sine qua non pour une vraie démocratie". Même combat pour le ministre du Logement, le porte-parole du DAL, Jean-Baptiste Eyraud, qui s’est également prêté au jeu. "Le pays n’est pas capable de loger convenablement la population (...) à cause des politiques publiques conduites depuis les années 80", a-t-il dénoncé. Dans les locaux de son ministère, il a appelé à l’application des lois existantes et au renforcement de l’arsenal législatif, avec l’inscription du droit au logement dans la Constitution.

Et si les ministres de l’Économie et même de l’Intérieur avaient fait l’école buissonnière pour leur rentrée ministérielle, leurs collègues n’ont pas hésité, eux, à avancer les mesures qu’ils entendent mettre en oeuvre dans les semaines à venir. La ministre de la Santé, Claude Egullion, gynécologue et coordinatrice médicale à la maternité des Bleuets, dans le 12e arrondissement parisien, a annoncé l’interdiction des dépassements d’honoraires. Celle des Solidarités, Nathalie Péré-Marzano, la déléguée générale du Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), a défendu la création d’un revenu maximal acceptable et la mise en place d’un conseil interministériel des solidarités. "C’est à ma demande et je remercie mes collègues d’avoir accepté", a-t-elle lancé, satisfaite. Une transversalité également prônée par la ministre de l’Ecologie, Geneviève Azam, membre d’Attac.

"Il y a plus de femmes. C’est déjà une différence avec les gouvernements orthodoxes", a pour sa part ironisé le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Jacques Testart, de la Fondation Sciences citoyennes. Le biologiste qui a permis la naissance du premier bébé éprouvette en 1982 en a vu une autre, majeure : "Il n’y a pas de Premier ministre, ni de chef de l’Etat. Comme quoi, on pourrait se passer de ces gens-là !"

"Tout ce qu’il y a de plus concret"

Quid du degré d’utopie d’un tel gouvernement ? "Les propositions faites sont tout ce qu’il y a de plus concret", a assuré l’éditeur - le "chef du protocole" - repris en choeur par ses ministres-citoyens. "Ce sont des mesures humaines, de base", a déclaré Jean-Baptiste Eyaud (Logement). "Elles sont utopiques dans l’idéologie dominante actuelle (...) mais nous avons recherché des alternatives pratiques", a renchéri Claude Egullion (Santé). "Il y a des trucs pas utopiques (...) Plein de choses qui ne coûtent rien", dixit Clarisse Taron (Justice).

Mais, si l’on repasse dans la réalité, aucun ne souhaiterait intégrer un véritable gouvernement. Reste qu’ils ont passé un bon moment, même si c’était "un exercice très nouveau" pour certains. "On n’est pas d’accord sur tout mais il y avait une cohérence. La ligne tient le coup", s’est félicité Clarisse Taron. Un avis que ne partage pas Jacques Testard, qui a vu dans ce gouvernement, une opposition entre une "alternative politique" et une "continuité gestionnaire". "Il y a des ministres avec qui je pourrais travailler, d’autres avec qui j’aurais plus de mal", a expliqué le biologiste, qui regrette que ce gouvernement "différent" ne soit pas "homogène dans l’opposition au système". Comprendre pas assez à l’extrême-gauche.

"C’est intéressant. Après, il faut voir la concrétisation", a jugé Françoise, 62 ans, à la sortie. "Je suis sensible à ces questions qui nous touchent au quotidien", a ajouté Gisèle, âgée de 84 ans, qui espère que "cela aura une suite pour approfondir et actualiser" les choses. Ce qui n’est pas prévu. Alors, après plus de deux heures d’échanges, la réalité a repris sa place. "Merci beaucoup mesdames et messieurs les ministres". Fermez le ban.

* Altergouvernement. 18 ministres-citoyens pour une réelle alternative. Editions Le Muscadier. 286 pages. 14 euros

Anne-Charlotte Dusseaulx - leJDD.fr
samedi 18 février 2012

article ==> http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/L-altergouvernement-reunit-ses-ministres-d-un-jour-487630/?from=cover

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