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Quand la Commission dit la vérité

Publie le mardi 22 février 2005 par Open-Publishing

de Thomas Lemahieu

Après Danuta Hübner, c’est un autre commissaire européen, le Britannique Peter Mandelson qui défend les délocalisations.

C’est un fiasco tactique pour les traficoteurs de tous bords partisans du « oui ». Ah, ça, ils ne sont pas près de dire merci à ces commissaires européens qui passent leur temps à l’ouvrir de façon intempestive ! « Laissez passer le référendum en France, vous vous exprimerez et agirez librement après », les implorent-ils en substance. En somme, on voudrait voir la Commission reconnaître qu’avec la directive Bolkestein ou celle sur le temps de travail, elle va trop loin ou qu’elle dévie, mais celle-ci refuse catégoriquement la flagellation : quoi de plus légitime quand, au fond, elle ne fait que suivre la voie tracée dans le projet de constitution européenne. Ainsi, tour à tour, plusieurs commissaires européens mettent le doigt sur les plaies de l’actuelle construction européenne, non pas pour les panser, mais plutôt pour les gratter et les aviver encore.

Après les déclarations de la commissaire européenne à la Politique régionale Danuta Hübner (« Prévenir les délocalisations, les stopper par des règles artificielles travaillerait contre la compétitivité des entreprises ; ce que nous devons faire au contraire, c’est faciliter les délocalisations au sein de l’Europe pour abaisser les coûts »), c’est au tour de Peter Mandelson, successeur de Pascal Lamy au poste de commissaire européen au Commerce extérieur et de négociateur de l’Union à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de ruer dans les brancards de plus en plus fragiles du « oui ».

Le 15 février, à Stockholm (Suède), ce travailliste britannique, fidèle parmi les fidèles de Tony Blair, a, au cours d’un discours programmatique, dévoilé ses grandes lignes de travail à la Commission européenne « pour la croissance et pour la compétitivité ». En deux mots : pour l’Europe, cap sur la directive Bolkestein de mise en concurrence de tous les services, y compris publics, par l’intermédiaire du « principe du pays d’origine » ; et pour le reste du monde, ouverture des marchés généralisée et prédation des biens publics par le biais de la relance des négociations à l’OMC. Et c’est en « social-démocrate » qu’il s’exprime, prend-t-il bien soin de préciser, ne citant comme maître à penser qu’une seule personnalité, l’ex-premier ministre socialiste français : « Je me retrouve avec Lionel Jospin qui a défini la position de la gauche moderne comme en faveur de l’économie de marché, mais pas de la société de marché. »

Pour Peter Mandelson, alors que « contrairement à l’idée reçue, l’Union européenne dispose de l’économie la plus ouverte, et de loin, du monde entier », il s’agit d’« aller plus loin » dans la libéralisation et dans l’ouverture des marchés pour « renforcer la croissance ». « Les États membres doivent continuer à réformer leurs marchés du travail et leurs systèmes de protection sociale afin de développer la flexibilité, ajoute le commissaire européen au Commerce extérieur. Ces politiques économiques ne devraient pas donner lieu à un affrontement droite-gauche. Pour certains, le simple fait de parler d’ouverture des marchés et de libéralisation donne une mauvaise réputation à la Commission. Cela sonne comme un programme de droite ou cela rentre en contradiction avec l’objectif du développement durable. Nous ne devrions pas être des dogmatiques du marché, mais quand même, nous devons reconnaître que, dans beaucoup de situations, les marchés ouverts à la concurrence sont les meilleurs moteurs de croissance économique que l’expérience humaine a permis d’identifier. »

Derrière la rengaine de la fin de l’histoire et de l’horizon indépassable du capitalisme, le commissaire européen se livre alors, sous la couverture habituelle de la « défense des consommateurs », à une attaque en règle contre ceux qui, dans toute l’Europe, mais manifestement surtout en France, combattent les délocalisations et le dumping social, fiscal et environnemental. « Ceux qui s’opposent au "principe du pays d’origine" le font parce qu’ils veulent garder le droit de faire pression pour imposer des règles protectionnistes sur une base nationale, afin de pouvoir continuer à exiger des prix élevés aux consommateurs et de mener une vie confortable, s’étrangle-t-il.

Personne, y compris certains collègues de gauche, ne devrait succomber à cette propagande subtile. L’anti-délocalisation est devenu le cri de ralliement de ceux qui veulent garder les marchés fermés et résister au changement. »

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