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LA CRISE ?... LA BONNE EXCUSE !

par Patrick MIGNARD

Publie le samedi 17 mars 2012 par Patrick MIGNARD - Open-Publishing
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La crise a décidément « bon dos » et en particulier en période électorale quand il s’agit, pour le sortant d’exposer un bilan catastrophique et pour tous, pour faire des promesses mirobolantes mais que l’on ne tiendra pas..

La crise, cette invitée de dernière heure qui permet de dire aux convives déjà à table qu’il n’y a plus rien à manger, mais que la maîtresse de maison n’y est pour rien,… est une aubaine pour les politiciens.

QU’EST-CE QUE LA CRISE ?

A écouter les «  experts » en « économie officielle », les faiseurs d’opinions et les commentateurs attitrés des pouvoirs, la crise est une chose qui surgit à l’improviste, imprévisible et imparable. Un monstre froid et impersonnel qui dévaste les édifices sociaux consciencieusement et humainement élaborés par les femmes et hommes au pouvoir…. Ceux la même qui demandent l’adhésion du peuple et qui satisfont, ou auraient bien voulu satisfaire, ses désirs.

L’imprévisibilité de la crise ne peut qu’entraîner le dédouanement du politicien. L’édifice économique et social s’est écroulé, au mieux, a été endommagé par une force incontrôlable… Il faut subir la crise comme on subit un phénomène climatique ou sismique. On peut certes se protéger préventivement pour limiter les dégâts, mais on ne peut pas éviter que le phénomène se produire.

Bien sûr, les experts-économistes officiels ou apparentés, donneurs de leçons, prévisionnistes « extralucides », et surtout les politiciens vont, poussés dans leurs derniers retranchements, trouver quelques « coupables » : les spéculateurs, les traders, les prises de risques insensées, les paradis fiscaux, mais aussi et surtout la « gabegie des dépenses salariales et sociales ». Hormis cette dernière catégorie tous seront dédouanés. La charge reposera sur les « efforts à faire pour le peuple »,… banques, spéculateurs et paradis fiscaux pourront, après avoir été timidement montré du doigt, continuer leurs petites et grandes affaires financières.

Bref la crise c’est le résultat des « comportements collectifs qui ne sont que l’expression des égoïsmes individuels » ; et comme les politiciens ne sont que les représentant du peuple,… ils n’y sont pour rien. CQFD.

Ben voyons !

Le raisonnement est un peu schématique et sommaire, mais c’est l’ossature du discours que l’on entend dans la bouche des politiques et des médias.

LA BOUÉE DE SAUVETAGE

Comme la plupart des citoyens peine pour savoir exactement ce qui se passe, ce qui se joue, quelle est la part de l’inévitable et du provoqué, le degrés d’implication des politiques, des financiers, ils s’en remettent aux discours officiels (de droite comme de gauche) et aux « experts » qu’ils voient à la télévision, entre une série débile et une rencontre sportive.

Ces derniers, une vingtaine, toujours les mêmes, traversent les périodes de calme et d’agitation bardés de leurs certitudes et de leurs statistiques, donnent moult conseils qui n’ont qu’un seul et unique objectif : pérenniser le système marchand. Car, dans leurs explications il ne saurait être question de remettre en cause ses fondements. La crise serait un mal qu’il faut soigner pour rendre le système sain… Les comparaisons avec la médecine ne manquent pas : crise de croissance, cancer, infection, partie saine, thérapie de choc, remède de cheval, trancher dans le vif, métastases….

On a toujours une petite crise sous le coude, ou quelque chose qui y ressemble, pour tout justifier… surtout l’injustifiable :

  "crise de la dette souveraine" au sujet de laquelle les pouvoirs interviennent, non pour améliorer la condition des peuples, mais rassurer les marchés financiers spéculateurs,
  «  crise du système des retraites par répartition », pour justifier le recours à la capitalisation et donc a une gestion spéculative des retraites (rôle des fonds de pensions),
  «  crise du système de santé » ce qui permet de liquider le service public de la santé et de développer le secteur privé essentiellement intéressé par l’argent,… dégradation de l’hôpital public !
  ….. et ainsi pour tous les secteurs (éducation, justice, énergie,…)

La crise est une aubaine pour « remettre les pendules à l’heure » et nier les contradictions qui minent les rapports sociaux, accroissent les inégalités et détruisent le tissu social (exclusion, chômage, inégalités,…). L’imagerie maritime est elle aussi largement utilisée : nous sommes sur le même bateau, la solidarité s’impose et pour éviter la catastrophe il faut que celles et ceux qui rament (pardon, les forces vives !) redoublent d’effort !.

Quiconque remet en question cette délirante explication est immédiatement qualifié de naufrageur.

La crise économique est une chose trop sérieuse pour être laissée au peuple… Il faut des gens compétents pour l’éradiquer.

LA DÉMOCRATIE FACE A LA CRISE

Dans un système qui se dit démocratique, il est facile pour le pouvoir de se défausser sur les citoyens,… de même qu’il est difficile aux citoyens d’accuser le pouvoir.

Pourquoi ?

Parce que le pouvoir a une légitimité qu’il tient du peuple, ce qui veut dire que le pouvoir, et ses décisions, sont en principe l’expression du peuple. On comprendra que le peuple peut difficilement aller à l’encontre de « ses propres décisions », incarnées par le pouvoir qui est issu de lui…. Alors que dans un système totalitaire, donc sans légitimité populaire, le peuple peut toujours accuser le pouvoir d’agir à l’encontre de ses intérêts,… cela n’est plus possible dans un système qui se dit démocratique, et qui l’est aux yeux du peuple.

Pour rompre ce paradoxe il faut aller au-delà des évidences citoyens/pouvoir et faire de la crise quelque chose d’extérieur, une sorte de chose naturelle à laquelle se heurte la collectivité : le peuple et ses dirigeants.

C’est tout le sens de la conception libérale de l’économie. En effet, si le substrat économique de la société est déconnecté du politique, du social bref… de l’humain, s’il est considéré comme quelque chose de « naturel », donc d’insensible aux humains,… alors de fonctionnement économique de la société échappe à tout contrôle (un peu comme un raz de marée, une irruption volcanique ou un tremblement de terre). Conséquence : personne ne peut-être tenu pour responsable : c’est la loi du marché,….Seuls les experts peuvent analyser le phénomène et préconiser les mesures à prendre.

La démocratie existe, puisque le pouvoir est élu, mais les mesures à prendre échappent au peuple qui doit s’en remettre aux spécialistes.

Le tour de passe-passe est ainsi complet, l’illusion démocratique est assurée, et l’action « rationnelle » garantie par les experts. La crise n’est désormais plus qu’un dysfonctionnement du système qu’il s’agit de réparer pour retrouver tout son équilibre et sa fonctionnalité. Les mesures à prendre son impératives et ne peuvent qu’être acceptées par le peuple puisque ce sont ses représentant qui les cautionnent et les préconisent.

Il se peut même, que le peuple, dans son incohérence, son inconscience et son irresponsabilité exige des mesures qui vont à l’encontre des intérêts du système… et donc, officiellement, de ses propres intérêts. Il s’agit donc, pour rétablir la vérité, soit de convaincre, soit de réprimer les récalcitrants, forcément irresponsables.

Les politiques peuvent même, corriger les décisions aberrantes du peuple et faire l’inverse de ce qu’il a prévu (cas du Traité Constitutionnel Européen refuse par les citoyens français), ou bien encore refuser un référendum populaire sur les mesures à prendre (cas de la Grèce), ou bien faire prendre les décisions par des technocrates sans légitimité (cas général de l’Europe), ou bien …. A quoi d’ailleurs, à ce stade, sert la légitimité ?

On peut même changer le personnel politique ce qui donnera l’impression du changement.

C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui en France et en Europe.

La crise est donc une aubaine pour « resserrer les boulons », liquider les acquis sociaux, liquider les services publics, faire travailler plus pour gagner moins,…

Droite et Gauche s’entendent comme larrons en foire pour gérer ce type de situation et pérenniser ce système qui nous conduit à la catastrophe. Elles agitent l’épouvantail de l’extrémisme de droite pour stabiliser la situation politique, extrême droite qui sera toujours à temps de prendre les commandes si le peuple se rebiffe trop.

mars 2012 Patrick MIGNARD

Messages

  • Ouais, bon, c’est vrai, et alors ?

    Avec des contributions de cet acabit, dans 40 ans (ou 50, ou 60), on en sera encore à dénoncer, à décrire le monde, et ça on sait faire ; mais depuis le temps, n’a-t-on pas compris que ça ne sert à rien ?

    "Eux" désignent la crise ? Ben, leur victimes désignent "les politiciens", "le système électoral", ... Rideau ; balle au centre. Y a rien à faire, quoi.
    Et pendant ce temps, les affaires continuent...

    Mais peut-être qu’au final, pour nettoyer la merde, il faut mettre les mains dedans.
    On peut aussi se contenter de révéler au peuple, article après article, à quel point il est niké, mais bon, ça va un moment, quoi...

    Tu vois, je lis ton texte sérieusement, j’approuve même (mais pas tout : "les politiciens"...), mais une analyse du monde, toute cohérente soit-elle, n’est qu’une analyse et ne change rien ; on ne peut s’en tenir à des constats, et c’est pourtant le point commun de tout ce que tu donnes à lire, notamment dans le journal "le grand soir" (tout un programme...) qui se présente comme un journal militant.
    Militer en s’en tenant à la dénonciation, à la description minutieuse des mécanismes savamment élaborés pour piller le monde et à cette fin réduire les peuples en esclavage, démarche que je comprends comme visant à éclairer, à éduquer en partageant son expertise, et bien c’est semer, non de la conscience politique, mais de la désespérance.
    Et ça finit pile par contribuer à ce que l’on dénonce !
    Du gâteau !

    Un exemple : dans un de tes textes, tu écris à propos de l’aspiration au changement : "Mais personne ne sait comment ? pour quoi ? et avec qui ? Or, tout est fait pour que l’on ne réponde jamais à ces questions, et l’on peut dire même que tout est fait pour que ces questions ne se posent jamais."
    Ben vas-y, toi, réponds !
    Ou alors, serait-ce devenir "politicien" que de se mouiller et de proposer des réponses concrètes, pour tout de suite, et non pour "le grand soir" qui n’arrivera jamais parce que les autres....

    Je n’affirme pas là que "le grand soir" est ton horizon (c’est-à-dire un truc qui recule à mesure qu’on s’en approche), je n’en sais rien.

    Je réagis à cette multitude d’écrits qui paraissent sur, entre autres, Bellaciao (cf : "Choisir son maître n’est pas une liberté", de Lukas Stella) dont le principal objectif pourrait ressembler à ceci : décourager "le peuple", auquel on se réfère sans cesse et au nom d’une lucidité transcendante garantie extra vierge pressée à froid, de s’engager dans quelque voie de changement politique que ce soit, au prétexte que tout-est-vérouillé-ils-sont-tous-pourris.
    Ce matraquage est même asséné de façon plus insistante, comminatoire, dès qu’apparait "un risque" que ce peuple soit attiré, comme un insecte par une lumière sournoise, vers un mouvement qui se dessine dans la société française, à l’occasion, quelle horreur, des élections (et oui !). Car le peuple les attend, je les attends, ses élections ; qui me propose autre chose, ici et maintenant ?
    Pas toi, à ce que j’en vois ? Or, pour foutre en l’air le monde que tu dénonces, il faut se rassembler et faire front ici et maintenant.

    Oui, il existe en France, comme ailleurs (Amérique du Sud...), des tentatives d’apporter des réponses et des ripostes concrètes, aujourd’hui, aux injustices, aux souffrances, à la destruction de notre planète par ceux-là même que tu dénonces ; une tentative, à partir du monde tel qu’il est (salariat, élections, ...), d’agir, et non de regarder les gens et la planète crever, les mains dans les poches en criant "c’est de la merde, c’est de la merde !".

    Cela s’appelle-t-il "Front de gauche" ? Planification écologique ? Règle verte contre règle d’or ? Pourchasser les profiteurs, les accapareurs, les exploiteurs ? Faire plier les banques ? Dénoncer la dette et l’inverser ?
    Ben j’suis pour, j’approuve, pas toi ?
    Parce que c’est mieux que rien, c’est-à-dire mieux que ce qu’il reste quand j’ai fini de te lire.

    On dirait (mais je ne dis pas que c’est ton cas, c’est juste que je crains que ce que tu dis y contribue) que certains préfèrent au final que le peuple en chie plutôt qu’il perde un fil de sa virginité, qu’il se salisse, devienne impur en s’attaquant au "système" de l’intérieur, alors que son destin serait d’incarner un idéal révolutionnaire ou anarchiste ou je ne sais quoi, sans compromission, comme un coq bombant le torse, inébranlable, la plume immaculée sur son tas de fumier.

    Et puis tout cela m’évoque une image, celle du prédicateur qui arpente les cités et les campagnes dévastées par la peste, le doigt accusateur, clamant "ce monde est pourri et il retourne à la pourriture, le salut n’est pas ici, ceci est votre purgatoire, c’est l’enfer qui vous attend et vous ne voyez rien !"
    Ben si, justement, on voit.

    Allez, le drapeau rouge m’appelle et j’ai pas que ça à faire.
    (Michel du 82, ancien coco, qui a déchiré sa carte quand Robert Hue à voulu nous la faire à l’italienne, et qui n’est pas d’accord pour abandonner son destin à Hollandréou.)