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Mélenchon : une lettre ouverte de Jacques Lacaze

Publie le lundi 9 avril 2012 par Open-Publishing
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Cher(e)s ami(e)s, chers camarades.

Une pétition de soutien à la campagne de Mélenchon a été lancée par des syndicalistes du 62, il y a 3 mois. Depuis ces syndicalistes se mobilisent très fortement dans cette campagne. Sollicité, j’ai refusé de participer à ces initiatives. J’ai expliqué pourquoi, et je n’y reviens pas.

Je voudrais poser quelques questions que soulève la campagne de Mélenchon et du Front de Gauche.

Première remarque, cette campagne électorale est d’un classicisme total. Mélenchon au nom du Front de Gauche la mène sur un programme précis. Ce programme est très superposable à celui de Mitterrand de 1981, sauf que ce dernier proposait – hypocritement – d’en finir avec le capitalisme et proposait le socialisme comme alternative.

Mélenchon se garde bien de le faire. Il ne dit strictement rien sur la sortie de l’Europe et de l’euro. Il continue à parler de l’Europe sociale.

Son remarquable succès est manifestement lié à son don de tribun, d’entraîneur de foules, à son charisme. Et déjà là : DANGER.

Mais ce n’est pas le plus important. Sa campagne personnalisée à outrance s’inscrit à 100% dans la tradition "démocratique" d’un état entièrement aux mains de la bande du Fouquets. Elle connaît certes une mobilisation très importante de militants syndicalistes en particulier, qui traduit un grand espoir et un ral bol du sarkozisme. Cette campagne est menée dans le cadre de cette démocratie pourrie, où tous les coups sont permis (voir entre autres, l’exploitation par les droites de l’effroyable affaire de Montauban et Toulouse). Et personne ne peut exclure qu’un coup tordu ne soit en préparation !

Cette campagne, ne peut que renforcer cette démocratie représentative, qui a pour finalité quand les "politiques" sont élus de leur donner carte blanche pour négocier dans l’opacité la plus totale et … de trahir comme en 36, en 45, en 56, en 81 etc...

Voyons de plus près, Mélenchon et le Front de Gauche, se sont bien gardé d’appeler à la constitution de comités de base, dans les quartiers, les entreprises, les universités etc. De fait seul le discours mélenchonien est à l’ordre du jour : il faut s’émerveiller d’entendre ce qu’on a envie d’entendre sans se poser la question du comment et de la suite. En l’absence de comités populaires il n’est pas possible de nous exprimer, de peser directement dans la vie politique, dans la lutte de classes.

« C’est mon programme : à prendre ou à laisser », voilà le vrai fond du discours. Il ne se démarque ainsi, d’aucun des 10 candidats, d’extrême droite, de droite, de « gauche », d’extrême gauche ! Ils apportent tous la pâtée aux électeurs, pour qu’ils puissent glisser le précieux bulletin à l’abri des regards indiscrets !

Imaginons … si Mélenchon avait proposé avec lucidité et courage d’appeler à la constitution de tels comités, d’appeler au débat citoyen et à l’action, sur la base de nos luttes dans les entreprises, les quartiers, les écoles, les universités, partout et à la base, la campagne prenait une tout autre allure. Les luttes pour les salaires, les retraites, les conditions de travail, le maintien des emplois, le produire en France et donc le refus de délocaliser les entreprises, les luttes contre les fermetures de classes, les luttes pour défendre les droits sociaux acquis, les luttes des sans papiers, bref, les innombrables luttes des travailleurs, qui font notre quotidien depuis des années, auraient pu s’exprimer avec force et s’épauler entre elles. Alors là oui, un formidable mouvement citoyen, populaire et démocratique aurait pu prendre son essor et laisser de côté la comédie électorale.

Les revendications de l’ensemble du peuple de France qui est le créateur des richesses, des travailleurs, des privés d’emploi, des enseignants, des petits commerçants, des artisans, des petits agriculteurs, des « classes moyennes » visées par le pouvoir actuel au service de l’infime minorité des très riches, pourraient devenir une immense force préfigurant les mobilisations citoyennes, les actions, les grèves, bref, les luttes indispensables pour changer les choses.

Un tel mouvement n’attend qu’une occasion pour se développer ! Comme en 36, les luttes pour les salaires, le pouvoir d’achat, le logement, les conditions de travail, la mise en place de nouveaux droits pour les travailleurs en prenant appui sur ce que la gauche et la droite défont systématiquement depuis 45 ans : les droits acquis en 1945 !

Nos propositions pour la France que nous voulons pourront émerger !

J’ai, par exemple, en ce qui me concerne beaucoup de choses à dire sur la santé. En premier lieu que changer les choses dans ce domaine, ce n’est pas réclamer toujours plus de moyens, toujours plus d’hôpitaux, toujours plus de médecins, d’infirmières etc, même si cette revendication est nécessaire. Changer les choses en matière de santé, c’est lutter contre le pouvoir de l’industrie pharmaceutique, l’empêcher de diriger la politique de santé, avec comme seul critère la rentabilité et son corollaire, les catastrophes sanitaires. Il faut s’orienter vers une politique de prévention, de vraie santé publique ; ce qui nécessitera de former différemment les travailleurs de la santé, de diversifier les métiers et d’augmenter leur nombre.

Nous savons où est l’argent extorqué aux travailleurs : dans les poches du patronat ! Ces riches actionnaires qui exigent une rentabilité de leurs actions et autres stocks options de 15 à 20%, et quand ça concerne des millions d’euros, le résultat est vertigineux !

Mais voila, Mélenchon et les partis du Front de Gauche, n’ont pas choisi cette voie. Je peux vous assurer, cher(e)s, chers camarades, qui si tel avait été le cas, je me serais porté aux avant postes de la mobilisation.

Je suis sûr que la masse des syndicalistes, des militants, des travailleurs mobilisés durant l’automne 2010 se seraient eux aussi mobilisés avec un enthousiasme renouvelé à la porte des boites, dans la rue.

Mais rien n’est perdu ! Prenons au mot Jean Luc Mélenchon et le Front de Gauche, oeuvrons pour un été et un automne chaud, très chaud.

Le candidat du front de Gauche propose de réunir une assemblée constituante, et bien commençons tout de suite en lançant des comités de base pour discuter de la constitution, du pouvoir, de la démocratie politique, judiciaire, économique, dans les entreprises que nous voulons, à partir de nos luttes, de nos revendications.

Contre la mort programmée par ces riches qui dirigent encore nos destinées (Grèce, Portugal, Espagne …. et bientôt France) décrétons selon la belle formule de Maurice Clavel « L’insurrection de la vie ».

Je voudrais, ajouter une toute petite remarque : Mitterrand, pour contrer la droite et se maintenir au pouvoir, après avoir trahi les espoirs qu’avait fait naître la victoire de la gauche en 81, a favorisé l’émergence du parti du sinistre Le Pen. Les médias ont très largement contribué au succès d’Arlette la candidate de LO qui était devenue la coqueluche des émissions radio télé et l’exutoire pour les mécontents. Puis ce fut le tour du « facteur » Besancenot. LO et NPA sont aujourd’hui tombés bien bas.

Il est clair que les médias, toujours au service du pouvoir, favorisent la candidature de Mélenchon. Sachons déjouer le piège en changeant de terrain ! Du terrain électoral imposons que l’action se place sur notre terrain, celui des luttes de classes contre le patronat et la classe politique de droite et de gauche à sa solde.

Jacques Lacaze. 2 avril 2012

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