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La sirène mélenchonne

par Luis

Publie le vendredi 20 avril 2012 par Luis - Open-Publishing
11 commentaires

Par le camarade Babel

"N’insultons pas l’avenir, en préjugeant à partir des positions prises par tel ou tel au sein de cette coalition, de ce que celle-ci fera par la suite.
Il nous est dès à présent possible de nous inscrire dans cette démarche, en accompagnant son mouvement sur sa gauche, prenant leur leader à chaque fois au mot, et poussant à la roue dès que l’occasion se présente.
Si jamais tel ou tel de ses représentants ou la totalité de cette coalition ment ou trahit, nous aurons tout loisir de le constater par les actes qui auront ou n’auront pas été accomplis. Cela permettra ainsi aux salariés mobilisés de faire par eux-mêmes l’expérience de cette trahison, pour peu que celle-ci se produise."

Cette logique "d’accompagnement critique" me semble autant illusoire que néfaste.

En premier lieu, elle ne permet pas aux révolutionnaires d’apparaître de façon autonome et de développer les axes de campagne avec suffisamment de clarté et de lisibilité, nous ravalant au rôle d’aiguillon de l’attelage FdG, si ce n’est de "mouche du coche".

En second lieu, une telle position pourrait se défendre si l’expérience par les faits n’avait pas déjà eu lieu, et si les garanties offertes aux sociaux-libéraux du PS d’un partenariat loyal (= respectueux du cadre imposé par ces derniers à l’exercice de leur "gouvernance politico-économique") n’avaient pas d’ores et déjà été formulées.

 Ce n’est pas le cas, chacun en conviendra, à commencer à l’échelon régional où les élus du FdG se comportent comme les braves petits soldats du social-libéralisme.

 Ce n’est pas le cas non plus, lorsqu’on voit leur candidat multiplier les déclarations ambiguës, voire contradictoires, sur ce que fera la coalition qu’il représente, une fois la gauche parvenue au pouvoir, faisant alterner le chaud et le froid.

 Ce n’est pas le cas, enfin, lorsque l’examen du contenu de leur document de campagne fait apparaître, non seulement des limites très nettes à leur volonté proclamée de changement, mais aussi un souci étriqué de s’en tenir au cadre coercitif de l’économie de marché, à partir d’une distinction oiseuse entre méchants capitalistes financiers et bons capitalistes investisseurs, et du respect de l’Etat bourgeois.

Cette logique est discernable en particulier par :
 leur souci d’inscrire un programme de réformes d’inspiration keynésienne à l’intérieur des institutions bourgeoises d’une République parlementaire passablement ravaudée (avec une 6e république ressemblant à s’y méprendre à la défunte 4e !) ;
 leur refus d’envisager la possibilité d’un contrôle des principaux leviers de l’économie par les producteurs eux-mêmes, et leur volonté de jouer à fond la carte de la délégation de pouvoir et du "dialogue partenarial" en vue de leur réalisation ;
 leur obstination à développer partout et en permanence un discours républicain-nationaliste ("social-chauvin", auraient dit d’aucuns), prenant appui sur une conception strictement hexagonale et étatiste de l’économie, et trouvant sa traduction dans un protectionnisme plus ou moins assumé ;
 leur incapacité enfin à s’attaquer aux puissants lobbies qui contrôlent l’économie du pays :

. refus de sortie du nucléaire,

. silence radio sur l’industrie d’armement,

. prétention de "mise au pas de la finance" réduite à la constitution d’un "pôle public bancaire" agissant à côté du privé —et l’on sait, pour l’avoir vu à l’œuvre avec la poste ou la santé, ce que ce type de réforme signifie en pratique—, en lieu et place de la socialisation nécessaire du système de crédit.

Après, on peut toujours saluer la présence d’un éventail de revendications sociétales que Mélenchon ne manque par de déployer à chaque prise de parole publique. Mais pour importantes qu’elles soient, ces réformes ne constituent en rien une réponse à la hauteur des enjeux actuels, et nombre d’entre elles auraient très bien pu figurer dans la profession de foi de n’importe quel candidat "démocrate" ou "libéral avancé".

Dans ces conditions, opter pour une critique mezzo-voce des positions défendues par le FdG, en choisissant de faire l’impasse sur les contradictions criantes que comporte leur orientation, et sur toutes les compromissions auxquelles elle donne lieu, revient à refuser de mettre en évidence dès à présent les logiques politiciennes qui ont prévalu à la création de cette coalition d’intérêts. Et surtout à lui accorder une espèce de blanc-seing extrêmement préjudiciable pour l’avenir.

Lorsque les reculades, les reniements et les trahisons auront effectivement lieu, et lorsque les travailleurs et la jeunesse qui leur ont fait confiance s’apercevront de leur méprise, les désillusions seront d’autant plus grandes et d’autant plus amères que PERSONNE ne les aura mis en garde.

Dans ce cas, nul n’aura su armer leur défiance, en développant un programme politique indépendant, mettant l’accent sur la nécessité de prendre en main collectivement sa propre destinée et de se préparer dès à présent à une confrontation d’ensemble avec la totalité de ce système.

Messages

  • OUI LUIS , cette logique d ’accompagnement même critique a déja échouée en 1981 , ou la CGT avait demandé de donner du temps au temps et de mettre la pédale douce avec le résultat que l on connait l ’austérité dès 1983 , les dénationalisations et la démobilisation des travaillleurs auxquels on avait fait croire qu’avec la gauche TOUT ETAIT POSSIBLE !!!

    si HOLLANDE l’emporte , il ne faudra pas renouveller la même erreur , la moindre des choses est de l ’obliger à tenir ses engagements et à le pousser à aller plus loin , le changement ne doit pas être qu’un slogan électoral , il doit se traduire dans le quotidien , mais pour celà il faut s ’en prendre à la finance , aux riches et au grand patronat et il ne faut pas compter sur HOLLANDE seules les luttes permettront que des changements se produisent .

    • Je suis candide, je souhaite que des ministres soient au gouvernement si Hollande est Président ; pour l’obliger à tenir ses engagements, gueuler dans la rue ,on la vue avec les manifs sur les retraites,ne sert à rien ; Sarko à bien rigolé et n’a rien cédé, le tous ensemble tous ensemble n’a pas marché. je vote pour du concret, et pas sur des espoirs futurs ;je n’est plus le temps, dans 10 ans , le pouvoir de .MELENCHON.........qu’il fasse ses preuves, il était très sage avec JOSPIN. IL DOIT ETRE AUPRES DE HOLLANDE. Il se connaissent trop bien pour s’ignorer.

    • C’est pas parce que les bureaucrates syndicaux et politiques ont réussi à saboter le mouvement des retraites qu’un soulèvement n’aboutira pas à une grève générale, à se débarasser du capital, ou à les faire céder, à défendre nos acquis.
      Toutes les grandes avancées, c’est le rapport de force : 36, 45, 68.
      Par contre, les réformistes, ministres ou pas, n’ont JAMAIS rien changé de substantiel.
      Et dans la crise sans précédent en cours, ils peuvent même ouvrir un boulevard au fascisme.
      Donc tous ensemble, pour notre classe, par tous les moyens qu’il faudra !

    • Je trouve le papier de Luis pertinent ...

      Il me semble que bp suivent Mélenchon avec nombre d’illusions. Je suis étonnée car au regard de son passé, il y a bp de doutes à avoir.

      Je trouve Poutou plus authentique et moins dans les éléments de langage pour plaire au Peuple de gauche comme le fait habilement Mélenchon.

      En ce qui me concerne, je n’en peux plus de la bande de mafieux donc je vais peut être voter pour qu’ils dégagent dès le début , sinon entre Poutou et Joly j’hésite...

      Mais voter par adhésion à Mélenchon pas question.

      Je voudrais ajouter que Mélenchon m’a bp déçu au sujet de Merah en le qualifiant de "dégénéré" ! Il a rejoint NS et Le pen en piétinant la présomption d’innocence et j’ai été abasourdie que les FdG n’aient plus de réactions ! Très décevant quand même... ça veut dire que qd on est attent de Mélenchonite aigue, on peut faire abstraction à ce genre de dérive ?

    • Cher (ère) Candide,
      Chacun(e) sait ou devrait savoir que le front de gauche n’est rien d’autre qu’un sous-marin du PS qui fut chargé de contrer la création du NPA. La mission de destruction en grande partie réussie, mais pas totalement cependant, la grande gueule va baisser le chon et rentrer au bercail et encaisser les dividendes. Les militants(tes)déçus(es) (je suis poli) n’auront plus qu’à se mettre en quête d’un nouveau tartuffe, par chance pour eux (elles) c’est pas ce qui manque.

  • Article intéressant de mon point de vue.

    Luis, je suis d’accord avec toi pour penser que ceux qui ont fait le choix d’intervenir de l’intérieur du FdG se mettent le doigt dans l’oeil, je partage tes arguments, c’est pour cette raison que lorsque j’étais au NPA j’ai combattu cette position.

    Mais !

    Mais le temps du débat et du choix est loin derrière. Aujourd’hui la réalité est :

     Heureusement le NPA (LO aussi) a fait le choix de l’indépendance, et demain il sera toujours là pour servir de point de repère lorsque "ça swinguera".

     Un certain nombre de militants ont fait le choix d’être au sein du FdG pour jouer les vigies et dénoncer les contradictions qui ne manqueront pas d’apparaître dès qu’il faudra passer des paroles aux actes. Il n’est plus temps de leur rentrer dedans, leur présence au sein du FdG est un fait, et dans les temps à venir ils seront nos alliés (quoi qu’on pense de la validité de leur route), plus ou moins utiles.

     La dynamique indéniable et le succès électoral du FdG sont pour ses dirigeants à double tranchant, car il a remobilisé et mis en mouvement des travailleurs et des militants qui seront, on peut l’espérer, exigeants (ils ne se comporteront pas comme des militants PCF disciplinés qui acceptent de manger leur chapeau quand la direction explique que c’est la meilleure solution), et au bout du compte les conséquences positives de cette dynamique seront peut-être bien supérieures aux dégâts du leurre que nous décelons dans l’action de Mélenchon.

    Donc oui, n’insultons pas l’avenir.

    Remarque annexe : les divisions, la sodomie de coléoptères ou l’agressivité entre militants et organisations de la gauche radicale, la posture "je critique tout mais je ne m’engage pas dans un parti parce qu’il ne représente qu’à 95% mon parti révolutionnaire idéal" etc., tout ceci n’est sans doute pas complètement étranger à la dynamique du FdG. On a peut-être l’analyse la plus lucide, mais ça ne suffit pas, il faut peut-être aussi se poser des questions quant à notre comportement et à l’échec (provisoire) des révolutionnaires (encartés ou non) à créer une dynamique dans leur sens.

    Il va falloir faire attention à ça car on n’a plus beaucoup de temps, si on ne veut pas finir "esclaves"...
    Socialisme ou barbarie !

    Chico

    • D’accord avec toi.
      Dans les mois qui viennent, face aux heures décisives, aucune diversion, rien ne doit mettre de côté l’essentiel :
       résister partout contre le capital
       développer, à tous les niveaux possibles, les actions les plus unitaires, sans la moindre restriction.
      Cela inclue, pour que la résistance passe un jour à l’offensive, de rassembler dans un seul parti les révolutionnaires, d’où qu’ils viennent !

    • Afin de peser plus fortement de l’intérieur, la GU envisage de se rapprocher des anciens chevènementistes de République et Socialisme (c’est un article de la journaliste au Monde Raphaëlle Besse Desmoulière, daté du 21 avril : "Le front de gauche s’interroge sur ses lendemains de présidentielle")

      Reste à avoir vers quelle direction cet attelage républicain va peser fortement. Dans le sens du PG, c’est-à-dire d’un républicanisme franchouillard à mon avis.

    • Afin de peser plus fortement de l’intérieur, la GU envisage de se rapprocher des anciens chevènementistes de République et Socialisme (c’est un article de la journaliste au Monde Raphaëlle Besse Desmoulière, daté du 21 avril : "Le front de gauche s’interroge sur ses lendemains de présidentielle")

      Reste à avoir vers quelle direction cet attelage républicain va peser fortement. Dans le sens du PG, c’est-à-dire d’un républicanisme franchouillard à mon avis.

      Une partie de ceux qui sont passés de la LCR au FdG (la GU entière) ou du NPA au FdG (une belle partie de la GA et autres micro-groupuscules) sont sur des trajectoires de dérive profonde qui peut les amener à se retrouver dans la droite du FdG.

      Cela n’est pas nouveau, mais le processus s’accélère. Entrés dans le FdG pour changer le FdG, ils se retrouvent maintenant en train de tenter de tirer à droite le FdG.

      Impressionnant.

      Mais plutôt peut-être pas tant pour ceux qui ont pris la peine de lire une partie de ce qu’ils disaient une fois écartés les ritournelles de récitations de versets trotskystes ou marxistes (je ne mets pas en cause le marxisme ni les apports du trotskysme, mais les marchandises frelatées qui sont transportés en leur nom).

      Il est sur que si le Front de Gauche a un certain succès électoral, la machine à recycler une série de politiciens en jachère va pointer au portail du FdG.

      Là on a les micro-courants richement achetés par le FdG, comme la GU à qui ils avaient fait une place disproportionnée juste pour pouvoir utiliser le sigle NPA, mais là le passage du NPA vers le FdG ne s’arrête pas en chemin et continue vers la droite....

      Ensuite, il va y avoir des morceaux du PS qui vont trouver vachement bien la révolution citoyenne, avec là un pas de deux en apparence vers la gauche.

      Tout ça ne nous prépare pas à l’affrontement avec Hollandréou ou contre un bis de la petite saucisse de francfort.

    • Outre le refus du socialisme, jamais mentionné dans le programme du FdG,
      une chose plait beaucoup aux bureaucrates cocoricos en mal de strapontins du FdG :
      son programme appelle à renforcer l’armée et la police !

      Tous ces élèves de Mitterrand sont bien la nouvelle Gauche Plus Rien :
      La France est déjà le pays d’Europe où le nombre de policiers par habitant est le plus élevé !
      1 policier pour 251 habitants en France... (contre 1 pour 380 au Royaume-Uni par exemple).

      Il en faut plus, pardi, ainsi "les investisseurs n’ont pas à avoir peur de mon programme " (sic, JLM, Les Echos)