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Rapport moral de la FDSEA 03

par J C Depoil

Publie le vendredi 8 juin 2012 par J C Depoil - Open-Publishing
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Ce congrès coïncide avec l’arrivée d’un nouveau président , la FDSEA n’a jamais regardé la couleur du pouvoir en place pour formuler les besoins , les attentes ou les revendications urgentes des paysans de l’Allier .
Pourtant bien avant de connaître le résultat des élections présidentielles , le conseil avait décidé de dénoncer la finançiarisation du secteur agricole .

Quand on parle agriculture on pense Crédit Agricole , c’est en effet le premier secteur qui a abandonné l’agriculture pour aller se consacrer à la finance et entrer en bourse , ceux qui ont créé cet outil doivent s’en retourner dans leur tombe , la première des pierres du mutualisme était brisée , l’assurance a suivi de peu allant même jusqu’à assurer les tours américaines du Walter Center ,la mission agricole est bien loin , que reste t’il de la MSA que reste t’il de la coopération sinon de grandes enseignes qui ont tourné le dos au bien commun ; j’arrête là mais je pourrais tout passer en revue .
Nous constatons ,que partout la finance a pris le pas sur l’homme , partout le pouvoir de l’argent a pris le pas sur le politique ; mais qu’est ce que le politique sinon la science de gérer la cité ,d’apprendre le vivre ensemble ,ce que nous faisons tous ici même . Cette grande idée est née dans la Grèce antique d’où vient d’ailleurs le mot démocratie (dēmokratía, « souveraineté du peuple », de δῆμος / dêmos, « peuple » etκράτος / krátos, « pouvoir », « souveraineté » ) est aujourd’hui au sens propre du terme foulée au pied par la haute finance , par le pouvoir de l’argent .

Les paysans sont insultés tous les jours , ceux qui restent attachés aux valeurs qui ont fait de la France ce jardin que tant de pays ont admiré , sont bafoués , nombres d’entre eux ont quitté ou quittent le métier qu’ils ne reconnaissent plus .

Mais comment en est t’on arrivé là !

Peut être me trouvez vous pessimiste ? Non , je ne le crois pas , j’essaie au contraire de regarder les choses en face , nier les problèmes , les ignorer ne règlera rien , pour combattre ce basculement de société , il nous faut les regarder droit dans les yeux ….
Trouvez vous normal que tant d’exploitants jettent l’éponges , que tant d’autres soient pris en otages par les banques , alors que tant d’autres frappent à la porte des tribunaux pour demander l’aide de la justice afin de tenter de sauver ce qui peut l’être ? Trouvez vous normal que tous ceux qui approchent de 55ans appellent de leur vœux l’heure de la retraite comme une délivrance tellement le quotidien devient difficile à vivre ?… Un ressort s’est cassé , les paysans ont perdu confiance et dans leur vie ils ne voient que les soucis administratifs et financiers qui détruisent leur rêve , leur amour d’un métier qui a demandé et demande encore toute leur énergie …..

Tout ce que nous avions acquit notamment depuis le front populaire et la libération est consciencieusement détruit ; terminer les offices qui garantissaient le prix du blé -aujourd’hui calculé selon les caprices de la bourse- vidé le statut du fermage – l’Allier a encore la chance d’avoir une section des fermiers et métayers qui limite les dégâts- . Et que dire de la protection sociale , des retraites agricoles toutes au dessous du seuil de la pauvreté .

Oui ,le futur pouvoir politique a beaucoup de pain sur la planche , il ne peut y avoir de progrès sans progrès social ; ce que les paysans ont réussi d’ un point de vue technique ne sera rien si les êtres humains n’en récupèrent pas un progrès humain significatif ,le pouvoir de l’argent a déjà trop détruit ,, trop asservis et asservit encore tous les jours de plus en plus de familles qui redoutent toujours un peu plus le lendemain , rien ne se fera sans redonner au paysan sa fierté d’homme de la terre .
Que penser de cette quasi-disparition des installations dans l’Allier d’une part les jeunes fuient le métier mais pire un mur se dresse devant eux quand ceux ci veulent néanmoins s’installer ;ce mur c’est l’agrandissement toujours , l’individualisme est tel que rien ne compte aux yeux de ceux qui ont décidé que « le soleil ne se lève que pour eux » les exemples sont légions toutes les ficelles sont bonnes pour contourner la législation pourtant laxiste ,de la vente d’herbe à la sous location tout est bon , des terres récupérées pour des gamins qui n’ont même pas fait leur première communion ! C’est le règne des requins , sous des airs de sournois enjôleurs certains sont capables de rajouter les pires ennuis à ceux qui en déjà trop ,afin de les faire partir ; dans ce domaine tout est permis , un exemple me vient à l’esprit comme ce paysans à bout de souffle en pleine dépression victime d’addiction et qui finit par se suicider , le lendemain de sa mort , le corps pas encore refroidi , un de ces bons voisins avait déjà acheter les semences de maïs pour l’exploitation qu’il s’était attribué sans même se soucier du devenir de sa femme et de son fils …...

La politique agricole actuelle porte en elle les germes de l’individualisme et encourage tous les dérapages .Le travail paysan en est bafoué ,rien de ce qui a fait la fierté de notre métier ne subsiste à cet ouragan de libéralisme outrancier . Les paysans qui continuent contre vent et marrée se sentent broyés, humiliés , et tous , -ils sont encore nombreux heureusement- rencontrent les plus grandes difficultés à résister , à exister ; ce sont toujours les premiers en difficulté en cas de problèmes climatiques ou sanitaires , non les paysans ne méritent pas ce traitement .
N’oublions jamais que le secteur agricole n’est pas un secteur économique comme un autre , nous sommes dans le vivant , travaillant avec le vivant , pour les vivants , pour la vie , tout notre travail est une ode à la vie , nos productions nourrissent les peuples c’est le seul pilier essentiel à la vie , et pourtant nous sommes traités comme des parias , comme n’importe quel autre
secteur , c’est une hérésie pure , d’ailleurs depuis plusieurs décennies les USA se servent des productions agricoles comme arme alimentaire et comme des benêts les pouvoirs publics plient l’échine face au dictat américain et face à la dictature financière .
Depuis le néolithique nos ancêtres œuvrent pour permettre à chacun de se nourrir , depuis l’instant ou l’homme s’est sédentarisé , le paysan , l’agriculture est devenue la base de la société , pourtant il fallu attendre la fin du 20ème siècle pour constater cette main mise de la finance sur ce secteur primordiale , et il fallu attendre la fin du 20ème siècle pour avoir des famines non plus dues au manque de production , mais à l’explosion du prix de celles ci à la consommation engendré par la spéculation financière ...pendant ce temps les paysans dans toutes les parties du monde souffrent , et en France la politique agricole commune asservi les plus faibles d’entre nous les poussant à la faillite engendrant ainsi une spirale dont nul ne sait ou elle s’arrêtera .
Si chaque année j’insiste autant sur le constat ce n’est pas pour noircir du papier ou pour vous ennuyer , c’est d’abord pour être certains que chacun d’entre comprenne bien le traitement que l’on nous inflige , c’est l’histoire de la grenouille plongée dans l’eau froide a qui l’on fait chauffé tout doucement son bain , si dans un premier temps elle sent les bienfaits de la douce chaleur , elle ne se rend pas compte de la température qui monte , au moment ou elle éprouve un trop plein de chaleur , elle ne peut s’échapper , elle commence à cuire c’est trop tard … qu’aurait ’elle fait si elle avait été plongée dans l’eau bouillante ? D’un coup de patte elle se serait éjectée !
Et bien c’est exactement ce que nous subissons depuis 1991 , depuis cette date à petit coup la température monte quand elle sera intenable , il sera trop tard ! Faut t’il se laisser finir de cuire ou réagir

La fédération existe depuis 1904 , c’est peut être une vieille dame , mais c’est d’abord une institution pleine d’expérience dont le discours ne se limite pas au département de l’Allier mais résonne partout ou les paysans sont bafoués partout ou producteurs et consommateurs n’y trouvent plus leur compte , depuis Michel Bernard et Emile Guillaumin en passant par Albert Poncet et Emile Parnière , et bien d’autres ou même plus près de nous Georges Mercier ; nous avons gardé cette constante , dénoncer le régime et tenter de construire une société juste et humaine , ce qui était vrai hier , l’est d’autant plus aujourd’hui !
Que peut on espérer avec cette nouvelle aire qui s’ouvre ?

La problématique est simple , nous restons avec la PAC actuelle et rien ne se passera pour nous , les choses ne ferons qu’empirer même si les discours changent , rien n’est donc possible avec l’actuelle PAC , rien n’est possible avec l’environnement économique qui est imposé , rien n’est possible en restant dans l’OMC ; ajoutons que toutes ces officines internationales n’ont rien de représentatives , elles sont seulement là pour servir les intérêts de la finance nous ne leur reconnaissons aucune légitimité , elles sont toutes nées de la volonté des multinationales relayée par leur commis au pouvoirs dans les pays riches .
Soyons clair , la politique agricole commune n’est en rien un outil au service de l’agriculture , croire ou faire croire que grâce à la PAC que nous avons conservé notre agriculture n’est qu’un mensonge , par contre grâce à elle « ils » tentent de conserver un type « d’agriculteurs »pour un type d’agriculture , c’est pourquoi il faut refondre complètement notre politique agricole .
L’économie agricole doit être la résultante d’une politique , et non le contraire. La gestion du patrimoine agricole français , européen et à plus forte raison mondiale doit primordialement servir les peuples autant d’un point de vue des consommateurs que du point de vue des paysans , rien n’est possible autrement si ce n’est servir
une fois de plus la finance et détruire un peu plus le tissus rural.
Il ne s’agit bien sur pas de faire marche arrière et de travailler comme il y a un siècle , nous ne sommes pas des passéistes , non il s’agit de travailler à un monde moderne construit à partir de nos expériences .

Nous savons que le manque d’installations est mortel pour nos régions , mortel pour nos communes et à terme mortel pour notre pays , jamais notre civilisation ne survira en ne se basant que sur des industries agricoles , tout simplement parce que cela est contre nature ,-pesez bien ces mots « contre nature »- effectivement toutes les colonnes de chiffres , toutes les affirmations des économistes en costumes trois pièces ne réussiront pas à changer le cycle immuable de la nature ,le vivant ne le sera que si l’ homme arrête de se considérer comme naturellement prédateur et exploiteur d’une nature qui jusqu’alors était généreuse , les paysans ont toujours su cela , et leur vie n’est réglée que sur le rythme des saisons et du temps , une des raisons de l’obligation de garder un nombre important de paysans réside dans le fait que les paysans gardent la maitrise du vivant parce qu’ils savent s’adapter d’autant plus facilement que leur exploitation reste modeste , plus elle grandit , plus elle devient dépendante de la finance , plus il faut qu’elle soit rentable , plus elle devient fragile aux aléas du temps , et des habitudes alimentaires . (Je fais une parenthèse ici pour étayer mon propos : lors d’une rencontre avec des élus locaux , qui , innocemment ou faisant semblant de l’être disaient leur écœurement de voir des gens venus des métropoles en grandes difficultés financières ne pas faire seulement un bout de jardin , pour soulager leur maigre budget, je me suis alors rappeler la réflexion d’un des mes camarades de Molinet qui me disait dans les années 90 , « tu vois La France est en train de fabriquer une société cul de jatte » , il était catastrophé de voir ainsi les gens se spécialiser à outrance oubliant ainsi l’essentiel, l’ouvrier ne se concentrer qu’à emploi du moment ! L’agriculteur « moderne » ne se consacrant qu’à sa production dominante oubliant tout le reste ). Je constate aujourd’hui toute la justesse de son propos de sage ...comment voulez vous qu’un homme à la tête de centaines d’Ha et autres ateliers hors sol , se consacre encore à son jardin ! On moque souvent le citadin qui ne connait le lait qu’en brique en carton mais combien d’agriculteurs ne sont plus capable de faire leur jardin et leur bois de chauffage pas plus que la volaille de consommation , oui mon amis a raison cette société cul de jatte ne sert pas les Hommes ,mais plus surement cette société de consommation mise en musique par la haute finance qui a tout intérêt à avoir sous son aile qu’un petit nombre de grands exploitants sous perfusion financière plutôt qu’un nombre important de paysans conscients de leur condition et exigeants quand au devenir de l’humanité .

Pourquoi dévoyer le mutualisme en agriculture comme dans d’autres secteurs ? Essentiellement parce qu’en lui il véhicule les idées de la grandeur humaine , les valeurs de solidarité et de justice , tout ceci est contraire à la rentabilité , et à la finance internationale .
Pourtant quelle grande idée que celle ci , savoir mettre en commun , savoir travailler ensemble , savoir construire ensemble plutôt que d’opposer , le mutualisme est l’ennemi de l’individualisme ; n’avez vous jamais entendu les adversaires de nos organisations humaines vous lancer à la figure : « fait donc ton travail avant de t’occuper des autres » ou encore « si il s’était occuper de ses affaires il s’en serait sorti » Ces affirmations obscurantistes sont la preuve flagrante que c’est une méthode efficace pour régler ensemble un certains nombres de problématique telle que la coopération , la réduction des coûts de matériels , l’assurance des biens et des personnes , le financement de notre activité déconnecté de la seule notion de rentabilité à cour terme , en un mot la gestion Humaine de nos activités Humaines .
Quand est t’il de la gestion de notre terre , « du foncier » , a t’on toujours tenu compte du bien commun ? Bien sûr que non les vieille survivance de l’ancien régime tenant comme privilège absolu le droit du nom attaché au fief , à la possession fait que - la section des fermiers et métayers sait de quoi je parle - les paysans qui s’étaient engagés dans la lutte anti-nazi avaient très bien compris le rôle essentiel de la stabilité des exploitants familiaux sur leur lieux de travail ainsi est né le statut du fermage , avec l’idée que la terre aille à ceux qui la travaille ;c’était une idée révolutionnaire , pour en arriver là , il a fallu les affres de la 2ème guerre mondiale avec son corolaire de souffrances , 67 ans plus tard tout est remis en cause .
Si une cause noble existe c’est bien celle à la quelle s’attache la section des fermiers et métayers de l’Allier en défendant ce statut que d’aucun se charge de vider de sa substance , quand à la même heure nombre de propriétaires « traders » rêvent de la jouissance totale de leur « bien » afin de jouer au casino financier , pendant que d’autres jouent les gros bras en faisant savoir que c’est eux qui commandent ,eux qui décident et emploient l’’article possessif en parlant de la famille en place « mon fermier » ou « mes fermiers » vous me direz ce n’est qu’un détail mais les « détails » sont révélateurs de l’état d’esprit .
Voilà pourquoi non seulement nous nous devons de défendre le statut du fermage mais aussi d’en exiger un renforcement , ne nous faisons aucune illusion nous serons les seuls à le demander tous trouveront une bonne raison de ne pas le demander à commencer par la FNSEA …..finance oblige !

Stabilité foncière , stabilité économique , en effet comment ne pas exiger une refonte du système d’écoulement de nos produits .
Non seulement les coopératives de vente ne jouent plus leur rôle mais font pire que certains « privés » .C’est vrai en fruits et légumes mais aussi vrai en lait , en viande mais pire encore en céréales .

Les paysans se doivent de retrousser leur manches afin de reconstruire un réel outil coopératif au service de la paysannerie comme du consommateur , les requins sont à notre porte , de Carrefour en passant par des Intermarché,ou encore des Leclerc ou je ne sais quelles enseignes qui cachent toutes des milliardaires ; l’exploitation des être humains y est patente autant du côté paysan que côté consommateur des fortunes se construisent sur le droit inaliénable à se nourrir et les paysans à vivre dignement de leur métier ; la spéculation n’y a pas sa place , pas plus que les profits insultants , tôt ou tard nous nous rapproprierons les circuits de distribution afin d’en chasser ces profiteurs assassins ! C’est dans l’ordre des choses …..

J’entends déjà nos détracteurs , avec à la bouches des mots comme rétrogrates , hommes du passé , ou passéistes , non messieurs ,mesdames c’est tout le contraire et l’histoire nous donnera raison , la finance ne s’imposera pas longtemps maintenant , même si nous devons passer par des périodes houleuses , perturbées , voir par des épisodes violents , de tout de façon le peuple aura , au bout du compte raison ,la paysannerie aussi ;nous ne sommes pas rien que des fabricants d’EBE ou de marge brute , nous ne sommes pas que des producteurs de matières premières , de minerai comme disent ces économistes du CAC 40 , nous sommes avant tout des êtres humains qui réfléchissent à leur avenir et à ceux de leurs enfants .

Nous savons tous qu’un monde juste est possible ,notre syndicalisme est là pour participer à le construire et nous le ferons , je n’ai aucune prétention , je ne ferai pas parti de ceux qui en écrirons la conclusion , il me reste une énorme confiance en la jeunesse , elle a su déjà arrêter d’autres machines infernales , en 1936 le mouvement avait su imposer en ce qui nous concerne les office du blé et bien évidement en 1945 ils étaient bien jeunes ceux qui ont stoppé la bête immonde , mais encore en 1968 elle a bien su arrêter cette société bien pensante qui l’étouffait . La FEDERATION sera de ce fait à la pointe du combat comme toujours depuis plus d’un siècle , avec cette jeunesse qui reprendra le flambeau en engageant encore le combat Humain pour une agriculture Humaine dans un monde juste , durable et HUMAIN .

JC Depoil

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