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Espagne : Finca La Turquilla, le taureau par les cornes

par Jean-Pierre Petit-Gras

Publie le lundi 30 juillet 2012 par Jean-Pierre Petit-Gras - Open-Publishing
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Mardi 24 juillet, un millier de jornaleros et jornaleras andalous a envahi la Finca La Turquilla, « propriété » de l’armée espagnole située entre Osuna et Ecija, dans la province de Séville. Sur cette superbe terre, 1200 hectares d’un seul tenant, les militaires s’adonnaient pacifiquement à une de leurs passions : la reproduction des chevaux de race. Cette noble occupation nécessitant une vingtaine d’hectares, le reste était (par)semé de blé et tournesol, afin surtout de toucher les subventions de la politique agricole commune de l’Union Européenne. Après tout, d’autres que la reine d’Angleterre ou les gros céréaliers de la Beauce ont le droit de bénéficier des primes...

Mais pour les ouvriers agricoles du SOC-SAT1 (les mêmes que ceux qui ont occupé la Finca El Humoso à Marinaleda, il y a 30 ans, et celle de Somonte, à Palma del Río, au début du mois de mars dernier), cet état des choses est une insulte. Elle fait injure aux 40% d’ Andalous sans emploi, ni moyen de vivre dignement dans une région pourtant riche, qui fut le berceau de l’agriculture en Europe, il y a plus de 4000 ans. Et par laquelle ont transité la plupart des espèces végétales et des techniques de culture...

Les « solutions » imposées par les gouvernements aussi bien du PSOE (social-démocrate) que du PP2 (droite franquiste modernisée) naviguent entre les indemnités de misère (420 euros par mois pendant 6 mois, à condition d’avoir travaillé « suffisamment ») et les boulots saisonniers, en compétition avec des travailleurs importés (clandestinement ou non) d’Afrique du Nord ou d’Europe Centrale. Pour la récolte des oignons, par exemple, les salaires atteignent le montant royal de 20 euros par jour.

Face à la crise financière consécutive à l’éclatement de l’énorme bulle immobilière dont pendant des années s’étaient gavés investisseurs et autres profiteurs, et devant les mesures drastiques d’ « ajustement » imposées en partie par la Communauté Européenne, mais face aussi aux discours d’impuissance et aux pratiques de diversion (les prochaines élections, l’équipe nationale de foot et les mariages princiers) les jornaleras et jornaleros du SOC ont ouvert une voie. Celle de la récupération des moyens de se nourrir, d’habiter et de construire ensemble une vie plus autonome, libre et joyeuse.

Avec Marinaleda, Somonte, La Turquilla, une brèche s’est ouverte... En Andalousie, dans le reste de l’Espagne, en France et ailleurs en Europe, cette nouvelle action pourrait non seulement trouver un écho, mais aussi, peut-être, donner des idées.
28/07/2012 - Jean-Pierre Petit-Gras

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