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Hugo Chavez : Une victoire (videos)

par Thierry Deronne

Publie le lundi 8 octobre 2012 par Thierry Deronne - Open-Publishing
6 commentaires

Le choix fait par les vénézuéliens, le 7 octobre 2012, du programme socialiste, écologique et participatif de Hugo Chavez avec 54,5 % des voix, face au programme néo-libéral du candidat Henrique Capriles qui a obtenu 45 % des voix, est d’autant plus significatif qu’il a suscité une forte participation citoyenne (80 %). Il appelle à mon sens deux réflexions.

1. Il est temps de comprendre l’Histoire du peuple du Venezuela, qui a trop vécu, trop lutté, trop retenu ses larmes, trop appris, trop compris. Dans cette société fondée dans la violence du maître et de l’esclave, dans la castration continue du sujet, la rage de l’humiliation s’est souvent accumulée au point de faire sauter toutes les barrières. L’échec de la première république (1814) était due en grande partie au caudillisme de Boves qui transforma la rage collective en instinct de destruction. Il a fallu que Simón Bolivar (1783-1830) élimine ce danger, reprenne cette rage à zéro, et fasse de son armée d’esclaves le ferment d’une république et l’outil de l’émancipation du reste de l’Amérique Latine.

A la fin du vingtième siècle, le Venezuela pétrolier aurait pu retomber facilement « dans les griffes de Boves ». La colère de l’immense pauvreté, l’arrogance de l’élite, tout y conduisait. Ce qui a évité au Venezuela de devenir une deuxième Colombie ou un deuxième Mexique, c’est l’élection de Hugo Chavez, militaire qui avait refusé la répression comme réponse aux problèmes sociaux, et construit un programme « bolivarien » transformant la violence en force de construction : assemblée constituante (1999) puis démocratie participative (2002-2012).

C’est tout le paradoxe de cette histoire incomprise : il a fallu au peuple élire en 1998 un leader bolivarien venu des des forces armées pour reprendre l’Histoire, exorciser la rage, la peur, pour être soi, mais surtout « être plus » comme dit Paulo Freire, c’est-à-dire dialoguer avec le reste du monde, se reconnaître peu à peu dans les autres.

Quand Chavez parle longuement à la population, en pédagogue des droits humains, de l’économie socialiste, des droits inscrits dans la nouvelle Constitution, de l’Histoire censurée du Venezuela, c’est tout le contraire d’un embrigadement. Il travaille pour que le processus ne dépende plus d’un seul homme, et il le fait inlassablement. En 2012, la sédimentation de la démocratie participative, avec ses 40.000 conseils communaux, a déjà rompu avec le paternalisme endémique et la paix sociale achetée par les régimes antérieurs.

Pour arriver à cela, Chavez ne fait que reprendre la manière du chanteur Ali Primera qui enseigna aux Vénézuéliens qu’il existait un passé et un dehors. Le chantre des casas de cartón, du haut de sa voix rauque et de ses notes blessées, racontait qu’il y a autant de morts en Haïti que le colibri bat d’ailes en un siècle. Primera refusa de vendre son chant ou d’apparaître dans une télévision qui au Venezuela n’admettait que les blancs, préférant l’abrazo de foules grandissantes, jusqu’à sa mort. En parlant avec humour à ceux à qui jamais on ne parlait, Ali Primera ou Hugo Chavez réveillent un peuple et lui communiquent le sentiment d’exister.

Exister. Dignité. Ces mots expriment le corps brun, noir, pauvre sorti de l’ombre et qui vous cherche, vous saisit par le bras, jusque sous la pluie, et ce visage trop présent soudain qui vous parle, vous parle de ce qu’il refuse à présent de perdre, dans le rire souverain, là où se dressent chaque matin les échoppes des vendeurs de rue, là où la jeune femme brune lève un bras musclé et pose sa question en reposant son enfant par terre. Mains noires plongées dans la terre noire, qui ne demandent qu’à nourrir les corps décharnés de Haiti, la république soeur : la pensée resurgit dans la lutte, dans le temps, lentement, devenant université, musique, pensée, sentiments, Petrocaribe, Alba…

On rappelle parfois que les idées de Rousseau débarquèrent ici dans les caisses de machines à imprimer traînées sur le sable par les généraux de Bolivar, on oublie qu’elles ont dû coexister très tôt avec l’imaginaire, bien enraciné dans la moëlle, du « cumbe », cette commune libre ou les esclaves en fuite réinventaient le monde. L’imprimerie allait bientôt tomber aux mains d’une élite post-bolivarienne comme outil de distinction contre la « plèbe analphabète » ? Mais la révolution bolivarienne rend deux siècles plus tard au peuple ces livres à des prix symboliques. Le Venezuela est devenu en 2012 le troisème pays d’Amérique Latine en nombre de lecteurs.

2. Cette victoire est aussi la défaite des grands médias qui aujourd’hui « pensent » la gauche occidentale. Tête basse, celle-ci n’ose plus parler une autre langue. Elle comprendra peut-être un jour que son refus de démocratiser et de pluraliser en profondeur le champ médiatique, la condamne non seulement à ne plus comprendre le monde, mais à ne plus y être entendue et, à terme, à disparaître elle-même. Car réduire le monde à un journal télévisé, c’est finalement cesser d’exister soi-même.

Le cliché : « Ah ! quel dommage que Chavez soit trop primaire pour comprendre que les ennemis de ses ennemis ne sont pas forcément des amis » exprime la difficulté, voire le refus de s’informer et d’admettre que l’Autre est capable de penser subtilement, d’avoir une stratégie à long terme et une Histoire assez dense pour qu’on ne le définisse pas en creux.

Comment ignorer encore, en 2012, le mouvement profond d’une diplomatie qui procède en droite ligne de Simón Bolivar et de son projet de réunir “les trois quarts de l’Humanité” lors du Congrès de Panama (1826) pour bâtir « l’équilibre du Monde » ? Rêve multipolaire saboté par les grandes puissances de l’époque mais souvent repris depuis par les nations du Sud (Bandoeng 1955) ? Au-delà des contingences de qui gouverne chacun des États (combien de despotes ici ou là à l’époque de Bolivar, à l’époque de Bandoeng, aujourd’hui ?), cette multipolarité – un des cinq objectifs pour lesquels Hugo Chavez vient d’ètre réélu – consiste à préparer, par des accords d’État à État, le jour où comme en Amérique Latine, et peut-être sous son influence, l’intelligence collective des peuples permettra de démocratiser les institutions politiques et de construire des relations internationales sur les principes de souveraineté, d’égalité, de respect et de coopération. C’est dans ce sens que Caracas resserre ses liens avec l’Afrique et l’Asie, et accueillera le sommet des non-alignés en 2015.

Thierry Deronne, Caracas, 8 octobre 2012.

Photos de l’auteur : à Caracas, le peuple vénézuélien fête la victoire du 7 octobre 2012.

URL de cet article : http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/10/08/une-victoire/




Portfolio

Messages

  • la sequence qu’on nous a caché :

    ........• Vendredi, pour son dernier meeting à Caracas, Chavez rassemblait une foule de 3 millions de personnes. Il s’agissait évidemment de la plus grande manifestation jamais rassemblée dans ce pays de 30 millions d’habitants. Venezuelanalasys.com notait, le même 5 octobre 2012 : « Over three million Chavez supporters flooded the streets of Caracas yesterday to show their support for the re-election of current Venezuelan president Hugo Chavez ahead of the country’s presidential elections on Sunday. The rally was the final act of the three month long election campaign, and is reported to be the largest to have taken place in the nation’s history, stretching right throughout the seven main avenues of the capital city. »

    Rendant compte de cette “océan de partisans”, le Guardian du 5 octobre 2012 préférait plus modestement mentionner des “centaines de milliers” de partisans, en rappelant, comme par un paradoxal rapport de cause à effet, que l’élection de dimanche serait “la plus disputée” pour Chavez.
    « Amid thunder and driving rain, Hugo Chávez stormed to the conclusion of his toughest presidential race yet on Thursday with a passionate address to hundreds of thousands of supporters in Caracas. The mass rally transformed the city centre into a sea of cheering, dancing, red-shirted followers on the final day of campaigning before Sunday’s vote, which looks likely to be the closest since the former tank commander won power in 1998… »

    Le cas est exemplaire dans le détail même, tout de retenue… “Centaines de milliers” ? “Trois millions”, cela aurait fait plus net, plus tranché. Le Guardian n’hésite pas devant l’hyperbole lorsque la rue se révolte à Téhéran ou à Moscou, on sait dans quelles proportions. Une manifestation de 3 millions de personnes dans un pays de 30 millions d’habitants, c’est comme si Romney ou Obama qui-marche-sur-l’eau rassemblait 30 millions de personnes à Washington, ou Cameron 6 millions de personnes à Londres. Cela valait la comparaison, après tout… Il faut aussi rappeler que, selon la presse-Système qui avait répété l’argument d’un recrutement par salaire des partisans-figurants de Chavez, on aurait aussi pu dire qu’ils étaient sans doute payés pour l’applaudir. L’argument impose le silence......

    http://www.dedefensa.org/article-chavez_relanc__08_10_2012.html

  • Enfin sur cette planète un peuple intelligent, qui refuse les politiques néo-libérales et qui ne s’est pas laissé lobotomisé par les pro-capitalistes de tous poils !!

    Même si tout n’est pas parfait dans la politique de Chavez, c’est plutôt encourageant pour le reste du monde.

  • Heureuse pour le Vénézuela et pour son peuple ! honneur à l’ invincible camarade " Chavez " Longue vie à lui !

  • Une victoire de la Démocratie Participative , une victoire du Suffrage Universel ! Preuve que celui-ci n’est pas la panacé du capitalisme et qu’un Peuple peut s’en servir pour un changement plein de justice sociale et fiscal ! Mais il paraît que pour y parvenir d’autres solutions majoritaires peuvent exister ? J’avoue mon ignorance mais je crois que "La Louve" doit savoir ! Vite, je suis avide d’apprendre ! En attendant : Adelante Commandante ! Venceremos ! Il n’est pas vrai que le capitalisme soit le meilleur régime pour l’Humanité !

  • Plus qu’une victoire, un soulagement. Bravo Hugo !

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