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Aurore Martin : Lettre au Président de la République

par LDH FIDH

Publie le mardi 6 novembre 2012 par LDH FIDH - Open-Publishing

Monsieur le Président,

La remise aux autorités espagnoles d’Aurore Martin et son incarcération sont sans doute
formellement légales. Elles n’en demeurent pas moins, à la fois, une démonstration d’espèce de
« la force injuste de la loi », comme un de vos prédécesseurs avait su le dire à d’autres occasions,
et une faute politique.

Admettre qu’une ressortissante française puisse faire l’objet de poursuites pénales pour des faits
légaux en France, mais réprimés en Espagne, atteste d’une incohérence de l’Etat de droit
européen qui porte préjudice à l’idée même de justice.

Cette seule considération aurait dû suffire à empêcher l’exécution d’un mandat d’arrêt qui ne
repose que sur l’expression d’idées politiques et sur aucun faits délictueux, et encore moins
criminels.

Ceci nous amène à rappeler que, lors de son adoption dans la précipitation à la suite des attentats
du 11 septembre 2001, nous avions souligné les dangers d’une telle mesure sans harmonisation
des incriminations pénales en vigueur dans les pays de l’Union européenne, et sans garanties des
droits de la défense (devenus, en ce domaine, de pure forme). Malheureusement, le souci
d’apaiser les peurs engendrées par ces attentats, ainsi que la propension naturelle des
gouvernements à s’arroger de plus en plus de pouvoirs, ont fait que nous n’avons pas été écoutés.

Ce n’est pas sans raisons que la Commission européenne, elle-même, s’interroge sur les
dysfonctionnements d’un système aussi peu respectueux des libertés individuelles, au point
d’envisager des modifications de la directive. Nous vous demandons d’appuyer cette démarche
et, au besoin, d’en prendre l’initiative.

Mais, au-delà de ces éléments juridiques, il reste et il demeure qu’une jeune femme est
aujourd’hui en détention pour une durée au moins de plusieurs mois, devant une juridiction
d’exception parce que les autorités espagnoles ont cru devoir criminaliser une expression
politique, celle de l’indépendantisme basque.

Est-il besoin de rappeler que nous avions fermement condamné le recours à la violence de l’ETA,
passée la dictature franquiste ?

 
Aujourd’hui, la situation n’est plus la même et nous ne comprenons pas qu’Aurore Martin se voit
reprocher des activités purement politiques qui ont amené son courant politique à être le
deuxième parti politique du pays basque espagnol lors des dernières élections.

Il y a quelque chose d’incompréhensible à constater que les autorités françaises et espagnoles
continuent à penser que c’est en ayant recours à la répression que se réglera ainsi un problème
politique multiséculaire.

La multiplication des protestations de toutes origines qui se manifestent atteste qu’il est temps de
donner à cette question une solution autre que judiciaire ou policière.

Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’intervenir auprès du gouvernement espagnol
afin que s’ouvre un véritable dialogue politique qui inclut tous les acteurs, y compris du côté
français.

Nous vous demandons d’user de votre influence afin qu’Aurore Martin ne soit pas la victime
d’un conflit qui est en train de trouver une issue dans le cadre démocratique.

Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.

Recevez, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Pierre Tartakowsky
Président de la Ligue des droits de l’Homme

Souhayr Belhassen
Présidente de la Fédération internationale
des Ligues des droits de l’Homme

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