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France : le « non » de gauche se sent pousser des ailes

Publie le samedi 19 mars 2005 par Open-Publishing

de MONA CHOLLET

Jeudi, à Paris, un meeting du Parti communiste accueillait les « parias » Verts et socialistes à donner le coup d’envoi de la campagne unitaire.

Les discours ont commencé depuis une petite heure, ce jeudi soir, quand l’animateur, entre deux interventions, annonce la nouvelle : pour la première fois, un sondage CSA pour « Le Parisien/Aujourd’hui », à paraître le lendemain, donne le « non » à la Constitution européenne gagnant à 51%. La salle, bondée, explose de joie. Il ne manquait plus que cela pour parachever le lancement en fanfare de la campagne officielle du « non » de gauche au référendum du 29 mai prochain.
Dès le début de la soirée, dans le gymnase Japy aux murs bariolés d’affiches appelant à « un NON d’espoir », les militants et sympathisants, toutes classes d’âge confondues, se pressent dans une bonne humeur qui ne tient pas qu’au climat printanier. « Il flotte dans cette salle un sacré parfum de liberté... Je dirais même : un parfum de victoire ! », s’écrie Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du Parti communiste organisateur de la soirée, en arrivant à la tribune.

DIRECTIVE BOLKESTEIN

Les fortes mobilisations des dernières semaines, la soudaine célébrité de la directive Bolkestein et des effets dévastateurs qu’elle aurait sur le droit du travail en instaurant la règle du moins-disant social au sein de l’Union européenne, en attestent : en même temps qu’un rejet des politiques libérales, on voit se propager dans l’opinion française une prise de conscience de leur lien avec les modalités actuelles de la construction européenne. « Pourquoi donc croyez-vous que Raffarin a annoncé l’ouverture prochaine de négociations sur les salaires ? Pourquoi croyez-vous que la directive Bolkestein est mise en réserve jusqu’au 29 mai ? Sainte-Pétoche est avec nous ! », ironise le socialiste Jean-Luc Mélenchon, qui, comme l’écologiste Francine Bavay, a bravé les menaces de sanctions émises par son parti pour participer à la réunion, provoquant un embouteillage de caméras de télévision autour du podium. Des représentants de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et du Mouvement républicain et citoyen (MRC, chevènementiste) complètent le tableau. Des trotskistes faisant campagne avec des socialistes, qu’ils honnissent ; un Vert (Daniel Cohn-Bendit) projetant de participer à des meetings de l’UDF de François Bayrou... Le débat sur la Constitution a bel et bien dynamité le paysage de la gauche française. Marie-Georges Buffet récuse le chantage des défenseurs du « oui » : « On nous traite comme des enfants qu’on gronde : voter « non », ce n’est pas bien ! A croire que ce n’est pas un référendum, mais un plébiscite ! On nous dit : si le « non » triomphe, ce sera un nouveau 21 avril [2002]. Mais si le 21 avril a eu lieu, c’est justement parce que la gauche n’a pas été jusqu’au bout de l’effort nécessaire pour répondre aux attentes de ses électeurs ! »

POUR OU CONTRE L’EUROPE ?

Le 5 mars, à Guéret, le secrétaire national du PS, François Hollande, bombardé de boules de neige lors de la grande manifestation de défense des services publics, expliquait benoîtement que cette dernière n’avait « rien à voir » avec la Constitution européenne. Mélenchon s’inscrit en faux : « L’Europe n’est pas un nirvana qui flotterait au-dessus de la droite et de la gauche ! Le « non » à Chirac et Raffarin et le « non » à la Constitution sont un seul et même « non » : un « non » aux politiques libérales ! » Marie-Georges Buffet assène : « Ce projet, c’est comme si on inscrivait la politique de Raffarin dans la Constitution française ! » Tous dénoncent un document élaboré non par des représentants des peuples dûment mandatés pour cette tâche, mais par un petit cercle composé de « ce qui se fait de plus réactionnaire » sur le continent. Et attaquent le « non de haine, de repli et de rejet » porté à l’extrême droite par Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen -le seul « non » qui, outre les bisbilles occasionnées par les divergences entre poids lourds du PS, ait droit de cité dans les médias. « Et qu’on ne nous dise pas que la question, c’est pour ou contre l’Europe ! s’insurge Claire Villiers, militante d’Agir ensemble contre le chômage (AC !). Pas à nous, qui avons organisé en 1997, à Amsterdam, la première marche européenne des chômeurs ! » Et d’ajouter : « J’en connais qui hésitent, parce qu’ils se disent que l’Europe est au moins garante de la paix. Mais ce que nous promet cette Constitution, au contraire, c’est la guerre de tous contre tous ! »

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