Accueil > Bolkestein-Constitution, la valse à mille temps : le précédent de la (...)

Bolkestein-Constitution, la valse à mille temps : le précédent de la "directive portuaire"

Publie le vendredi 25 mars 2005 par Open-Publishing
5 commentaires

de Jean-Jacques Chavigné, Gérard Filoche

Le recul de la Commission sur la directive Bolkestein est un simple recul temporaire, tactique, pour essayer de faire gagner le "oui" au référendum français du 29 mai.
La Commission aura ensuite tout le temps de faire adopter l’entièreté de cette directive.

Le précédent de la directive portuaire doit nous servir de leçon : elle indique clairement ce qui nous attend en cas de victoire du "oui".

"La directive sur les ports reste à quai » avait pu titrer Libération après le désaveu, en novembre 2003, de la Commissaire européenne aux transports, Loyola de Palacio, par le Parlement européen.

Le Parlement européen avait, en effet, refusé d’adopter son projet de libéralisation des services portuaires. Ce projet avait pourtant déjà été adopté par le Conseil des ministres.

Il prévoyait d‘ouvrir à la concurrence les services portuaires (manutention, pilotage, remorquage, amarrage...). C’était dans le domaine portuaire, l’application avant la lettre de la « directive Bolkestein » puisque cette directive permettait d’organiser la concurrence entre les salariés de l’Union Européenne en utilisant une main d’¦uvre sous qualifiée à bord des navires ou embauchée par des agences d’intérim à quai.

Le rejet de cette directive par le Parlement européen ne devait rien au hasard mais tout à la lutte des dockers et des agents portuaires dans toute l’Europe.
Selon Libération du 10 mars 2003, à Marseille la grève avait été suivie par les 1 200 dockers et 80 % des agents portuaires. Au Havre, 90 % des 1 500 agents du port autonome et les 1 700 dockers avaient arrêté le travail. Les ports de La Rochelle et de Bordeaux étaient également bloqués.
En Allemagne, la grève touchait les ports de Hambourg (1 100 dockers), Brême, Bremerhaven, Emdem et Nordenham.
La grève entraînait la fermeture des ports finlandais pendant 48 heures.
En Belgique, les ports de Zeebrugge, d’Ostende, de Gand et d’Anvers étaient également touchés par la grève alors que 2 000 dockers manifestaient à Bruxelles.
Cette « eurogrève » avait été organisée par l’International docks workers auquel adhère, en France la CGT et l’European transport federation (à laquelle adhèrent la CFDT et FO).
Lundi 10 mars, plus de 3 000 dockers venus de ports français, belges, espagnols et hollandais avaient manifesté à Strasbourg alors que le Parlement européen débattait de cette directive. Les dockers s’étaient, à plusieurs reprises, opposés aux forces de police.
Le 20 novembre 2003, le Parlement avait fini par renoncer à adopter cette directive, désavouant à la fois la Commission et le Conseil des ministres.

Mais avant la fin de son mandat, la même Commissaire aux transports, Layola de Palacio, proposait l’adoption d’une nouvelle directive « portuaire » qui n’était que la reprise, à peine modifiée, de l’ancienne.
Le nouveau Parlement européen est beaucoup plus à droite que le précédent : Layola de Palacio compte sur lui pour obtenir sa revanche.
Cette directive est toujours à l’ordre du jour de la nouvelle Commission en place depuis quelques mois. L’actuel commissaire aux Affaires Maritimes est, d’ailleurs, le représentant de Malte, pays tristement connu pour son pavillon de complaisance. La directive « portuaire » sera donc de nouveau soumise au vote du Parlement européen.

Ce qui arrive à la directive portuaire indique très clairement ce qu’il adviendra de la directive « Bolkestein ».
D’autant que cette directive n’a, contrairement à la directive « portuaire », fait l’objet d’aucun rejet du Parlement européen. Elle n’a fait l’objet que de quelques bonnes paroles ... accompagnées d’une déclaration officielle qui ne retire rien, et d’une mise au point de Jean-Claude Juncker, président en exercice qui déclare « la directive ne sera pas retirée » (AFP).
Si le « oui » l’emporte, le 29 mai prochain, la Commission attendra - peut-être - quelques mois puis reprendra à son compte la totalité de la directive. De toute façon, ce sera la Présidence britannique dés le 1er juillet, 2005 et Tony Blair y est favorable ! Non seulement le projet de Constitution ne s’y oppose pas, mais il contient les articles clefs contre « toute entrave à la liberté d’établissement » qui fondent juridiquement Bolkestein.

Voter « non » au référendum est donc le seul levier qui existe pour empêcher le Conseil et le Parlement européen d’adopter la directive « Bolkestein ».

Ce vote créerait, en effet, le rapport de force permettant de renégocier une Constitution qui rende anti-constitutionnelle tout directive « Bolkestein » ou assimilée.

Cela signifie que la Constitution européenne modifiée devrait inclure :

La reconnaissance explicite et précis de vrais services publics et de leur droit à l’existence, indépendamment de la « concurrence libre et non faussée ».
La reconnaissance du droit de chaque Etat à protéger son environnement, la sécurité de ses salariés et de sa population, sans que ce droit soit considéré comme une discrimination à l’égard des autres Etats de l’Union européenne.
La reconnaissance du droit pour chaque Etat d’imposer, en toutes circonstances sur son territoire, l’application de son droit du travail et de ses conventions collectives, sous le contrôle de son Inspection du Travail.
La levée de l’interdiction de l’harmonisation des législations sociales et fiscales, expressément prévues par l’actuel projet de Constitution.

Sans ces modifications de la Constitution, nous n’aurions aucune garantie de ne pas voir resurgir, à un moment ou un autre, la directive « Bolkestein » ou son double.

S’ils se refusaient à apporter ces modifications, les dirigeants européens prendraient alors délibérément le risque d’un nouveau « non » à un nouveau référendum français.

Messages

  • Amis et camarades français,
    Je vous écris d’un pays, la Belgique, où on ne consultera pas le peuple au sujet de la constitution européenne. J’en garde un sentiment de frustration et d’amertume formidable !
    Le peuple de France est donc le dépositaire d’un combat européen général. L’espoir passe par vous ! Que le NON à cette consitution des ténébres l’emporte pour que vive, enfin, l’Europe des peuples, de l’amitié, de la fraternité.
    Amitiés.
    Albert Jenhai

    • cher camarade filloche pourquoi ne quitte tu pas ce parti parait t’il " socialiste " composé de " sociaux " libéraux blairiste

      rend leur ta carte et rejoins nous dans le mouvement social

    • Le camarade Filoche est un camarade. Un socialiste. un camarade. libre. Un companero. Ein Genossen. Tovarich !

    • La question reste entière...
      Si le NON l’emporte après le référendum est-ce que les socialistes et les verts qui ont pris position contre le Traité partiront de leurs partis ?
      Honnêtement je ne le pense pas.
      Même si je suis persuadé qu’il le faudrait, que la construction d’une opposition anticapitaliste en france passe par là, je ne suis pas persuadé que les hérauts du NON auront le courage de quitter leurs partis respectifs (même si j’ai un tout petit peu plus confiance en la sincérité d’un Filoche que d’un Emanuelli)
      ramiro

    • La question de la sincérité est une question casuistique qui n’a pas sa place ici. L’important, pour le moment est que le NON l’emporte. Et que dans les discussions entre amis, dans la famille, au travail etc. nous ayons le maximum d’arguments, de toutes sortes, afin de convaincre les hésitants d’aller voter NON. En ce sens les arguments des camarades Filoche ou même Mélanchon, sont pertinents dans ce cadre. Lisons les, retenons les bien, et de façon adroite - non grossièrement propagandiste (car alors c’est l’effet inverse qui se produit) - tentons, au détour d’un apéro et d’une banale discussion sur les gosses, les prochaînes vacances, l’augmentation du prix des bas au supermarché..., de glisser l’argument qui fait mouche, en fonction de la psychologie et des préoccupations de l’interlocuteur. C’est comme cela que nous ferons gagner le NON. Ensuite pas d’emballement. C’est pas la révolution ! Mais simplement "sur le plan de l’esprit, une vague crise ministérielle" (Aragon en 1926 à propos de la révolution russe !). Mais une vague crise ministérielle c’est déjà pas mal.
      L’analyse de la directive portuaire, de l’Op out ou de Bolkenstein... sont suffisamment parlant pour convaincre plus d’un hésitant (évidemment il faut parfois user de pédagogie..).