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Petites leçons de dramaturgie sur certains articles fondamentaux du traité. Troisième partie

Publie le jeudi 31 mars 2005 par Open-Publishing
1 commentaire

de Barbara Bouley MetteurE en scène et dramaturge

A l’attention des futurs acteurs et actrices de la constitution européenne.

3 -Parenthèse sur les auteurs de ce texte

Note préliminaire :
Un texte de constitution, c’est l’ensemble des lois fondamentales qui régissent l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics. Il est en quelque sorte la loi suprême d’un état.
Question courte : l’Europe serait-elle devenue un Etat ?

On ne le dit pas assez, ce texte que l’on voudrait nous faire ratifier par la voie des urnes le 29 mai 2005, est fondamental.

Par lui, nous pouvons ressentir plus fortement notre appartenance à une communauté.

Et les occasions sont rares où les individus peuvent sentir qu’ils font partie d’un ensemble.

Pour que des individus aient le sentiment de faire partie d’un même ensemble, il est nécessaire qu’au-dessus d’eux existe un espace « neutre et anonyme » à partir duquel leur appartenance commune est garantie.

Personne ne peut donc prétendre être le détenteur de cet espace dit des « communes mesures »1.

Or, il se trouve que M. Valéry Giscard d’Estaing, publiquement, s’auto-désigne comme auteur ou même père de cette constitution. Il est en réalité, aux côtés de M. Guiliano Amato et de M. Jean-Luc Dehaene, le président de la commision qui fut désignée par le Conseil de l’Europe pour élaboration de ce texte.

Ce qui est grave avec cette dérive médiatique (jamais démentie par l’ancien président français) c’est que lorsqu’un homme (ou un groupe d’individus) accole son nom à un texte de constitution (donc à l’ensemble des lois fondamentales d’un Etat), il revendique un savoir absolu sur les destinées du collectif.

Le collectif devient non plus un ensemble informe de citoyens libres mais de vulgaires sujets.
La référence des hommes et des femmes de cet ensemble à un même ordre des choses devient impossible. S’évanouissent et meurent rapidement alors tous les repères qui conduisent à une identité commune.

Il devient vital que ce projet soit modifié par les citoyens et citoyennes de tous les pays d’Europe afin qu’il redevienne un projet anonyme. C’est à cette condition de participation, que nous retrouverons cet espace « neutre » à partir duquel notre appartenance commune à la démocratie en Europe sera garantie.

Amusons nous un peu...

J’ai recensé les fameuses stars qui ont participé à l’élaboration de ce texte fondateur :

Une tête bien masculine : Valéry Giscard D’Estaing, Giuliano Amato, Jean-Luc Dehaene.

Un cœur aussi d’ailleurs : 26 représentants des chefs d’état et suppléants (dont 21 hommes et 5 femmes).

Et le reste des membres : 60 représentants des Parlements nationaux et les suppléants (dont 54 hommes et 6 femmes) ; 32 représentants du Parlement européen et les suppléants (dont 20 hommes et 12 femmes) ; 4 représentants de la commission européenne (4 hommes) ; 26 représentants des pays candidats à l’adhésion et les suppléants (dont 21 hommes et 5 femmes).
26 représentants des Parlements nationaux des pays candidats à l’adhésion (dont 17 hommes et 9 femmes) ; 13 observateurs (11 hommes et 2 femmes).2

Composition de la « star-commission » : 190 personnes (dont 151 hommes et 39 femmes).

Soit : 79,5 % d’une rédaction masculine et 20,5 % d’une rédaction féminine.

Les femmes ne furent que peu conviées à la fondation (l’écriture) de ce texte fondateur.

Pour ceux et celles qui ne prendraient pas très au sérieux ce calcul basique, je renvoie aux articles suivant de la constitution :

ARTICLE II-80 : Égalité en droit

Toutes les personnes sont égales en droit.

...Excepté pour la rédaction de texte fondateur.

ARTICLE II-81 : non-discrimination

1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les
origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les
convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

...Mais de la discrimination il y en eu beaucoup lors de la rédaction de ce texte fondateur.

ARTICLE II-83 : Égalité entre femmes et hommes

L’égalité entre les femmes et les hommes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération. Le principe de l’égalité n’empêche pas le maintien ou l’adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté.

...sauf dans le domaine de l’écriture de ce texte fondateur.

ARTICLE III-116

Pour toutes les actions visées à la présente partie, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à
promouvoir l’égalité, entre les femmes et les hommes.

...Mais n’a pas cherché à promouvoir l’égalité entre hommes et femmes pour la rédaction de ce texte fondateur.

ARTICLE III-118

Dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions visées à la présente partie, l’Union
cherche à combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion
ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Il apparaît nettement que ce fameux « combat » contre la discrimination fondée sur le sexe ne fut pas mené au sein même de l’équipe des rédacteurs qui, sans aucune conscience des principes de la démocratie, prétendent aujourd’hui accoler leurs noms à cette constitution de l’Europe.

Nous sommes au XXIéme siècle.
Que dire des autres discriminations...
Qui s ‘amuse au jeu des pourcentages sur les auteurs de ce texte ?

A suivre : Petite leçon de dramaturgie

4. Solidarité

Messages

  • C’est intéressant d’avoir les chiffres mais pas étonnant même si cela reste toujours aussi révoltant !
    Lors de "l’élargissement de l’europe " aux pays du Nord, il y a bien 20 ans...au parc de la villette il y avait un jeu pour les gosses et parmi les questions, celle-ci : Dans quel pays d’Europe y-t-il le plus de femmes directrices ? J’ai pensé à ces "pays du Nord" qui avaient l’air plus évolués que nous dans ce domaine... mais la réponse était la France ! Hé oui, j’avais oublié toutes les directrices ... d’écoles maternelles ! Maternelles les écoles ! Dans les autres on mets des hommes, comme dans les lycées, collèges etc sans parler des présidents d’université ! Il y a eu une femme directrice de théatre (Mme Ory à Metz, dégagée au bout de quelques années dès que le truc avait refait surface...) tellement rare que Chirac lui a refilé une décoration !
    Alors que les institutions européennes se trouvent dans le même état démontre que les droits de l’homme sont toujours ceux de l’"homme" !
    J’ai cherché Olympe de Gouge sur Google et cela renvoie à des sites... qui ne disent vraiment pas non à la constitution qui nous préoccupe !
    Ta compilation est donc tout à fait appropriée et si elle pouvait en convaincre certains, elle serait de salubrité publique !
    Merci !
    Ozoon