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Sous les salaires...un dangereuse feuille de route...

Publie le jeudi 31 mars 2005 par Open-Publishing

Sous les salaires...une dangereuse feuille de route...

Un train peut en cacher un autre, le plus dangereux étant toujours celui qu’on ne voit pas.Il en est de même pour les négociations entre syndicats de fonctionnaires et gouvernement.
Officiellement, il s’agit, ce 29 mars, de négocier la revalorisation des salaires.
Mais l’objectif est aussi, selon le quotidien Les Echos, de « trouver des syndicats pour signer la feuille de route fixant un programme chargé de négociations pour moderniser la fonction publique ».
Donc, sous les salaires... il y a une feuille de route.
En la signant, les organisations syndicales s’engageraient sur la voie de « négociations » étalées jusqu’en janvier 2006, portant sur quatre thèmes, parmi lesquels « le dossier sensible de la gestion du recrutement et de la mobilité dans la fonction publique ». Un texte qui « évoque notamment la réforme des cadres statutaires » (1).

Que ces choses-là sont dites avec ménagement...
La réalité est beaucoup plus brutale.
Le texte dont il est fait mention a été remis le 8 mars aux organisations syndicales.
Il prévoit le passage de plus de 900 corps de la fonction publique à « 28 cadres statutaires ».
La principale caractéristique de ces « cadres statutaires », c’est que tout ce qui était jusque-là droits collectifs deviendrait maintenant individuel.
L’objectif : imposer à tous les niveaux et sous toutes les formes ce que le texte appelle « la mobilité ».
Par exemple : le passage imposé d’une administration à une autre, le changement imposé de métier (afin « de concilier les attentes des services en termes de compétences »).

Il s’agit de mettre en place dans ce but « des dispositions statutaires moins rigides », afin d’instaurer une « gestion prévisionnelle des compétences et de suivi individuel des carrières ».
Des « cellules de suivi individualisé des agents » seront mises en place, qui font furieusement penser aux cellules de reclassement dans les entreprises privées frappées par les restructurations et les plans de licenciements. Etc. (2).

Avec ces nouveaux « cadres statutaires », le professeur agrégé d’anglais sera contraint demain d’enseigner les mathématiques, et pourquoi pas, après-demain, d’être responsable d’un « point-poste » de la commune ou de la recette des impôts.
Quant à l’auxiliaire de puériculture en crèche municipale, elle pourrait se voir imposer d’être au guichet de l’état civil de la mairie ou d’être affectée à l’entretien des bâtiments publics !

On le voit : le « transfert » des personnels TOS aux collectivités territoriales ne fait qu’ouvrir le bal.

C’est tout le statut de la fonction publique, c’est la fonction publique elle-même et, donc, le modèle républicain qui devraient voler en éclats.
Plus de statut pour les fonctionnaires, mais une espèce de « service du travail public obligatoire »...
C’est, dans le public, l’anticipation des contrats intermédiaires de M. Borloo dans le privé (lire pages 8 et 9). C’est la République qui est en danger mortel !

Et qu’on ne nous dise pas que l’Union européenne n’y est pour rien !
Le démantèlement de la fonction publique - et singulièrement l’écrasement du statut des fonctionnaires -, c’est une application directe de la LOLF, cette « loi d’orientation des lois de finances », qui permet désormais que les budgets consacrés aux personnels de la fonction publique soient utilisés à d’autres dépenses (publiques).
Or cette LOLF elle-même a été adoptée comme application du pacte de stabilité dans l’objectif d’enfermer les dépenses publiques dans la limite des 3 % de déficit budgétaire.

Et qu’on ne nous dise pas que la « Constitution » européenne n’y est pour rien, elle dont le texte ignore le terme même « services publics » et qui stipule (article III-167) : « Sont incompatibles avec le marché intérieur les aides accordées par les Etats (...) qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence. »

Libre à l’ex-ministre PS Jack Lang de déclarer que cette « Constitution » est « le traité le plus progressiste que nous ayons eu en Europe ».
Libre à lui d’affirmer qu’une victoire du vote non « ouvrirait une grave crise en Europe, et cela serait très mauvais pour notre pays ».
Aucun traité ne peut être progressiste qui sape les fondements de la République.
Rien de bon ne peut déboucher du démantèlement de la République une et indivisible.

Le 29 mai, nous voterons non pour sauver la République, sauver la fonction publique, pilier de la démocratie, sauver le statut des fonctionnaires, pilier de la République et des droits ouvriers, de tous les salariés, du public comme du privé !

Daniel Glückstein

(1) Toutes les citations qui précèdent sont tirées des Echos (29 mars 2005).
(2) Toutes les citations qui précèdent sont tirées du document publié par la DGAFP intitulé L’avenir de la fonction publique : y réfléchir ensemble. Lire aussi page 7.