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CINEMA SUBVERSIF - Trois raisons de découvrir Les chèvres de ma mère.

Publie le vendredi 18 avril 2014 par Open-Publishing
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Par Thierry Chèze, publié le 16/04/2014 à 14:20
Récemment récompensé au festival de Valenciennes par le jury présidé par Jean- Jacques Beineix.

Avec Les chèvres de ma mère, Sophie Audier nous entraîne au coeur des gorges du Verdon où sa mère Maguy s’apprête à prendre sa retraite. Un événement a priori anodin. Mais pas pour elle. Car cette fin d’activité bouleverse sa vie en profondeur : en arrêtant la fabrication de fromages de chèvres qui constituait son activité depuis 40 ans, elle doit en effet céder son troupeau. Un crève-coeur à ses yeux... et le déclenchement de l’envie de sa fille de se lancer dans son premier long métrage documentaire.

"L’idée est précisément née le jour où ma mère m’a dit qu’elle allait prendre sa retraite. Je voulais raconter son histoire et plus largement notre histoire à toutes les deux. Je souhaitais l’accompagner dans ces moments-là pour garder une trace et transmettre. Car avec l’arrêt de son activité, quelque chose de ma vie et de mon enfance s’arrêtait aussi subitement." Sa mère pensait que ça n’intéresserait personne. Alors, comme on le fait habituellement pour la recherche d’investisseurs, Sophie Audier lui a préparé un petit dossier pour la convaincre. Avec succès. Même si évidemment, cette peur de ne pas parvenir à passionner au- delà du cercle de leurs proches restait présent dans un coin de l’esprit de la réalisatrice.

Jusqu’à l’arrivée d’Anne-Sophie, une jeune agricultrice qui souhaite s’installer en reprenant l’activité et le troupeau de sa mère. "Je ne pouvais rêver mieux pour sortir mon film d’une simple question familiale, en posant la question de la transmission". De fait, Les chèvres de ma mère se construit sur la relation entre ces deux femmes en ne cachant aucun des moments où elles sont en difficulté. "J’aurais pu avoir tendance à arrondir les angles, mais je m’en suis empêchée". Ce parti pris suscite forcément chez le spectateur une empathie pour leurs combats face aux multiples obstacles rencontrés. Et c’est précisément parce qu’elle parle si pertinemment de ce cas singulier qu’elle connaît par coeur que Sophie Audier réussit à tendre vers l’universel, sans jouer à la donneuse de leçons. Avec de purs moments d’émotion comme lorsque ses petites filles lisent à cette grand-mère un poème écrit pour la fin de cette partie-là de son existence. "C’est la scène préférée de ma mère. Mais, sur le moment, je ne m’attendais pas à cette émotion-là." L’art de se laisser surprendre... mais de saisir malgré tout l’instant avec sa caméra.
Parce qu’elle y raconte au quotidien l’évolution de nos campagnes

On peut aussi voir Les chèvres de ma mère comme la chronique d’une confrontation entre deux mondes. "D’un côté, ma mère qui a fait son bout de chemin sans subventions en gardant intact, tout au long de ces années, un esprit de liberté. Et, de l’autre, une jeune femme qui ne peut s’installer qu’en suivant des règles- la normalisation du lieu de production et le processus d’aide à l’installation- avec des conséquences qu’elle n’aurait jamais imaginées."

Ce documentaire montre ainsi concrètement comment faire appliquer à de petites exploitations ces règles créées pour les grosses provoque des situations ubuesques. Il s’achève même avant que l’installation d’Anne-Sophie soit effective ! "Après la retraite de ma mère, j’ai continué à tourner. Mais je finissais par toujours filmer la même chose." Et on ne peut lui donner tort : à l’heure où Les chèvres de ma mère sort en salles, Anne-Sophie vient à peine de s’installer et construit tout juste sa fromagerie. "On marche sur la tête : on l’a d’abord obligée à faire un plan de développement d’installation puis tout a été fait ensuite pour qu’elle ne puisse pas le suivre." Les chèvres de ma mère apporte donc sa pierre à l’édifice de la compréhension de ce monde paysan en voie de disparition.
Parce qu’on y découvre une cinéaste

Avec ce film, Sophie Audier boucle, enfin, joliment une première boucle de sa vie. Celle qui l’a conduite à passer d’un avenir tout tracé d’éleveuse de chèvres au métier de cinéaste. "J’ai grandi dans ce lieu assez isolé qu’on voit dans mon film. Très jeune, j’ai donc énormément lu de livres et de contes pour m’évader et mon imaginaire s’est développé très tôt. Ensuite, comme interne dans mon lycée, je ne ratais aucun film du ciné-club organisé le vendredi soir où j’ai découvert Fanny et Alexandre, Diva, Tarkovski..." Puis elle poursuit ses études à Aix-en-Provence où elle se retrouve alors littéralement happée par le cinéma. "J’aime le lieu où je suis née. J’aime les chèvres. Et le fait que le cinéma l’ait emporté sur mes premières amours témoigne de la passion que j’éprouve pour lui".

Diplômée de la FEMIS, Sophie Audier signe en 1998 un premier moyen métrage documentaire, Dis moi charbonnier, où il était déjà question de transmission. Puis elle entame dans la foulée une carrière de scripte au côté notamment de Jacques Rivette (Secret défense), Roman Polanski (La neuvième porte) ou Radu Mihaileanu (Le concert) avant de revenir derrière la caméra avec Les chèvres de ma mère, couronné du Grand Prix du festival de Valenciennes 2014 catégorie documentaire. Un trophée mérité car au-delà de l’histoire passionnante qu’elle raconte, de l’émotion jamais larmoyante qu’elle réussit à faire naître, on y découvre aussi et surtout une cinéaste dans ses parti pris de réalisation et de montage comme dans le rythme et la fluidité qu’elle a su donner à son récit.

Quand on lui parle d’influences, elle cite spontanément deux noms : Jean Rouch et Alain Cavalier. Sophie Audier a eu la chance d’avoir le premier comme professeur pendant deux semaines. "Il nous a montré des films ethnographiques. Et en partant du cinéma vérité, il nous a entraîné vers la poésie et tout son imaginaire. J’étais alors à la FEMIS. Et il m’a en quelque sorte autorisé à filmer et à me lancer dans la réalisation en suivant mon intuition et mes envies."

Quant à Cavalier, c’est bien évidemment sa série de portraits qui l’a fascinée. "Il possède cette capacité rare de faire littéralement corps avec sa caméra pour filmer un quotidien et raconter une histoire. Le tout avec une maîtrise incroyable de la mise en scène, du cadre et de la dramaturgie" Sophie Audier partage avec lui le goût de l’intime. "Ma mère avait posé une seule condition à ce tournage : que je sois seule avec elle. J’ai donc tout fait : prises de vue et son pour que son quotidien ne soit jamais altéré par ma présence." Un vrai défi relevé haut la main !

http://www.lexpress.fr/culture/cinema/trois-raisons-de-decouvrir-les-chevres-de-ma-mere_1508262.html

PRISES DE POSITION SUR LE REFUS DE PUCER LES ANIMAUX
http://www.franceculture.fr/oeuvre-prises-de-position-sur-le-refus-de-pucer-les-animaux-de-.html

Puçage, suite et pas fin - Emission de France Culture
http://www.franceculture.fr/emission-terre-a-terre-pucage-suite-et-pas-fin-2014-03-15

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