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BFMTV & le mirage du propriétariat dans la classe ouvrière

par arthur

Publie le vendredi 26 septembre 2014 par arthur - Open-Publishing
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Décryptage d’un lavage de cerveau prescrit au quotidien

En réalisant ces interviews orientées de travailleurs du bâtiment, les acteurs médiatiques de la société de consommation font passer la plus fadasse des soupes de l’idéologie dominante. Que ce soit le rêve du propriétariat associé à la tête baissée face à l’exploitation ou la défense de l’intérêt patronal contre sa santé au travail, les grands perdants de ces spots médiocres sont les travailleuses et les travailleurs du bâtiment eux-mêmes.

Décryptage d’une interview se servant d’un travailleur du bâtiment pour passer le discours de campagne sarkozyste.

En réalisant ces interviews orientées de travailleurs du bâtiment, les acteurs médiatiques de la société de consommation font passer la meilleure des soupes de l’idéologie dominante : le rêve du propriétariat associé à la tête baissée face à l’exploitation.
Loïc et ses états d’âme, BFM et le figaro s’en foutent mais ils se servent de lui. Le scénario a déjà été écrit et il s’agit de trouver un gars du bâtiment pour l’illustrer. Loïc est un bouche-trou, Loïc a t’il répondu aux mêmes questions de la voix off ? Sûrement pas. Ça s’entend nettement. Ses réponses ne correspondent aucunement aux affirmations de la voix off.

Dans ces conditions, n’importe qui fait l’affaire.

L’omniprésence de la voix off dans cette interview montre que peu importe ce que pourrait dire Loïc, le vrai héro de cette interview sont les théories droitardes assénées selon le scénario pré-écrit. C’est cette voix off qui a le plus de temps de parole, l’introduction, la conclusion et le déroulé de l’interview.

Loïc se fait enfler par BFM, par le Figaro, et avec lui l’ensemble des ouvriers du bâtiment.

1) Voix off : "Avec 2000 euros par mois, Loïc ne se plaint pas".

Dés le début, on pose le décor. Un bon salarié est un salarié docile. C’est un salarié qui n’est pas du genre à réclamer une augmentation à son patron pour améliorer sa situation financière, et encore moins pour l’ensemble de ses collègues. C’est un salarié docile qui plaide pour quelques miettes supplémentaires. C’est un salarié docile qui voudrait que la pression fiscale baisse un peu. Quoi, "la pression fiscale" ? Mais jamais jamais un ouvrier n’utilisera le terme de pression fiscale...

En fait Loïc ne répond pas à ça. Il commence par dire non. Il souhaite que l’essence baisse et ses impôts aussi. Et pourquoi Loïc veut-il la baisse de l’essence ? Car Loïc est en déplacement souvent. Il travaille pour l’entreprise Garcia TP située aux environs de nevers. Cette entreprise œuvrait-elle sur le chantier des grésillons au nord de Paris ? Loïc y était peut-être en déplacement à 275 km de chez lui ? C’est peut-être pour cela qu’il ne peut voir son fils qu’en période de vacances scolaires ? Où alors c’est peut-être à cause d’un divorce dû aux absences longues à cause du travail ? Loïc travaille peut-être aussi le week-end ? Loïc paye peut-être aussi l’essence de sa voiture qui n’est sûrement pas de fonction pour rentrer chez lui le soir ?

2000 euros, n’en déplaise à la voix off, c’est un salaire de misère dans ces conditions de travail. Loïc devrait se plaindre. Mais au fait, la répétition insistante du verbe "se plaindre" par la voix off - à connotation négative - ne vient-elle pas masquer un contre-emploi, ne déplace-t-elle pas un terme du champ lexical de la lutte par un autre du champ lexical de la défaite, de l’impuissance, de la résignation.

Le patron se plaint de ses ouvriers, quand ils sont en grève générale. Les ouvriers revendiquent des avancées sociales : ils s’organisent et luttent, quand ils comprennent que se plaindre n’avance à rien.

La sémantique de la voix off... toujours la sémantique de la voix off...

2) Voix off : Tous les mois, Loïc est obligé de faire ses comptes pour éviter les découverts mais il s’estime chanceux

A la réponse de Loïc, "Il y en a qui dorment sous les ponts", on peut difficilement imaginer que la question portait sur ses difficultés financières de fin de mois mis en avant par la voix off. Elle est plus une réponse à une question du type "Pensez-vous qu’il y a plus malheureux que vous ?". Et un ouvrier des travaux publics est plus heureux qu’un SDF même si parfois on rencontre des travailleurs du bâtiment qui sont aussi SDF. On a des camarades du syndicat dans ce cas de figure.

C’est ce que dit Loïc. Encore un décalage montrant le piège médiatique. La voix off remet artificiellement la réponse dans le contexte de la soumission et fait passer l’idée qu’il faut attendre de dormir sous un pont pour commencer à revendiquer.

Au regard de ses conditions de travail, Loïc se félicite également d’avoir une femme à la maison car, et ça n’apparait pas dans le reportage, Loïc ne pourrait pas assumer la vie quotidienne de sa famille sauf s’il démissionnait. L’homme au travail, la femme à la maison. Et la voix off se tait. Elle laisse parler Loïc, ses plus longues phrases, qui reproduit et s’empêtre dans le modèle patriarcal du capital. Ce cliché qui s’entend chez l’ouvrier - mais qui est généralisé - tend à montrer que le besoin d’émancipation des femmes n’est pas encore compris.

Derrière des discours bien-pensants sur la progression de l’égalité salariale entre les sexes et les genres, on voit que le sujet permettant d’élever la condition sociale des femmes n’est pas seulement l’égalité de salaire et de carrière mais bien cette remise en cause de ce modèle patriarcal qui reste une valeur fondamentale de la pensée capitaliste et de son organisation du travail. Atteindre l’égalité homme-femmes commence peut-être par un salaire égal mais ne sera rien sans une révolution totale de l’organisation du travail.

Le fait que le discours patriarcal soit mis en scène avec délectation par les journalistes à la solde du capital confirme que la primauté de la famille sur le travail est combattue par le patronat revanchard comme il l’a toujours fait. Et les discours dans nos entourages quotidiens qui sont de l’ordre de celui de Loïc nous montre le travail à accomplir pour combattre ce discours patronal.

3) Voix off : "Loic ne lâcherai son CDI pour rien au monde".

Tout est dit ! La voix off enfonce le clou. Le CDI est une chance selon elle, il ne faut pas se plaindre quand on en a un. Est-il encore besoin de démontrer que le chômage et l’intérim ont une fonction de domestication des salariés ? La dignité d’un travailleur ne vaut-elle pas plus qu’un CDI ? Surtout que les CDI du bâtiment ne sont en aucun cas un gage de pérennité dans l’emploi.

Loïc ne répond pas une nouvelle fois à l’affirmation de la voix-off. Sa réponse est faite par rapport au rôle du CDI dans la société de consommation à crédit. La société de consommation, deuxième pilier de l’exploitation après le travail. Le reportage s’échappe du Loïc travailleur vers le Loïc le consommateur.

Les journaux télé ont une narration pour leur spectateur. Ils classent leurs reportages du plus extérieur au spectateur vers le plus intime. Il en est de même de l’ordre des questions de ce reportage. Après avoir présenté Loïc le travailleur du BTP, on va le rapprocher du spectateur en lui montrant un Loïc comme lui, un consommateur. Et la question suivante enfonce la caricature du Loïc comme le spectateur, du consommateur au père.

4) Voix off : Quand on lui parle d’avenir, il n’est pas très inquiet pour lui, celui de son fils le préoccupe davantage

Sauf que Loïc ne parle pas de lui. "Il n’est pas très inquiet pour lui", ce n’est pas ce que dit Loïc. Il dit juste que son fils pourrait aussi faire conducteur d’engin. Voici comment l’intime de Loïc, est mêlé par la voix off avec l’intime du spectateur. Par l’enfant. Comment ne pas s’identifier ?

5) Voix off : Comme beaucoup de Français, Loïc et sa compagne voudraient bien accéder à la propriété mais vu le coût des crédits, c’est un doux rêve qu’il aimerait bien concrétiser ?

Loïc ne parle pas de ça !!! La réponse est si standard que ça pourrait aussi bien être à propos d’une recette de cuisine. Mais la dernière question aborde le troisième versant de l’exploitation, le propriétariat. Faire des efforts pour les modestes pour accéder à la propriété. Voici donc la conclusion de la démarche de BFMTV et du Figaro.

Le scénario est ainsi complet.

Travaille
Tais toi
Consomme
Procrée
Devient propriétaire

Vous ajoutez ensuite les procédés empathique dont use et abuse le journaliste pour que le spectateur s’identifie :

Usage du prénom de l’interviewé, plan large sur lui avec sa machine en arrière plan. Ce procédé tend à réduire Loïc à son statut assumé de "sans grade", tellement fier de son engin fournit par le patron.
Visite du chantier sous tous les plans, puis départ de Loïc. Le procédé captive l’attention du spectateur, inhibe par conséquent son attention et son esprit critique sur le discours qui est porté.

Dans ce "Portrait d’un ouvrier du BTP dans la campagne présidentielle", nous assistons à un reportage de campagne manipulant un ouvrier BTP pour faire passer des valeurs réactionnaires. Mais peut-on attendre autre chose de ces médias financés par le capital, sans éthique et sans scrupules.

Camarades du BTP, une seule chose à faire avec ces médias, ne pas y participer. Parfois plus facile à dire qu’à faire vu qu’il peut y avoir chantage sur l’emploi pour vous y contraindre. Alors ne reste plus à regarder ces reportages d’un œil de classe et leur manifester tout le mépris ouvrier qu’il leur est du.

« Je vous en remets une louche ?
- Non merci, il ne faudrait pas que le prolo fasse une indigestion.
- Ok, alors on ressert le couvert demain soir ?
- A la bonne heure ! »

N’hésitez pas à témoigner des arnaques médiatiques dont vous êtes victimes sur les chantiers.

http://www.cnt-f.org/subrp/spip.php?article456


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