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CGT : Lepaon jusqu’à quand ?

par Lila Vermer

Publie le jeudi 18 décembre 2014 par Lila Vermer - Open-Publishing

Après l’appel de la fédération des services publics CGT exigeant la démission de Lepaon « dans les plus brefs délais », après celui de la fédération de la santé et l’intervention dans L’Humanité de Georges Séguy, secrétaire général de la CGT de 1967 à 1982, souhaitant « une solution d’urgence », la contestation contre Lepaon est montée d’un cran. Les dirigeants des fédérations et d’unions départementales CGT, réunis lundi 15 décembre au siège de la centrale, ont enfoncé le clou en demandant très majoritairement son départ. Les jours de Lepaon à la tête de la CGT semblent comptés.

Ce sera un soulagement pour nombre de syndiqués qui se sont sentis trahis et salis par son comportement. Et comment ne pas l’être ? Exiger, tel un cadre supérieur d’une grande entreprise, un logement dans les beaux quartiers, un bureau dernier cri et une indemnité « parachute », tout cela payé avec les cotisations des syndiqués, est indigne de quelqu’un qui prétend représenter les intérêts des travailleurs.

Mais la possible éviction de Lepaon ne transformera pas l’appareil CGT, et encore moins sa politique. Lepaon n’est pas le seul dans son genre. Tous les militants de base ont eu besoin de la presse pour découvrir les petits privilèges octroyés à Lepaon, mais les autres dirigeants de la CGT, eux, les avaient sous les yeux, et les ont même peut-être approuvés.

Le trésorier de la CGT, qui s’était défendu en expliquant « On n’a pas osé le loger à Aubervilliers ou à Clichy », craignant qu’il soit « trop dépaysé dans de telles banlieues », a été démissionné. Mais ses paroles sont révélatrices de la façon de vivre et de penser d’une couche de bureaucrates, coupés depuis longtemps des travailleurs et de leurs conditions de vie. Autant dire que le remplacement de Lepaon par un autre ne mettra pas fin à ce genre de mœurs. Quant à espérer que cela permettra à la CGT de redresser sa politique, ce serait s’illusionner.

Les sommets des appareils syndicaux sont mille fois plus proches du patronat et des cabinets gouvernementaux que des travailleurs du rang. C’est vrai pour la CGT, comme pour tous les autres syndicats, de la CFDT à la CGC en passant par FO.

Conseil économique et social, commissions ministérielles, organismes paritaires : les organisations syndicales se sont intégrées depuis fort longtemps dans les institutions. Elles y ont acquis des responsabilités, y entretiennent toute une couche de permanents et de bureaucrates qui sont en contact quasi journalier avec les représentants du patronat et de l’État, si bien que, dans leur fonctionnement, les syndicats s’appuient sur des dirigeants plus préoccupés de leur propre sort que de celui des travailleurs qu’ils sont censés représenter.

Habitués à diriger en dehors de tout contrôle des travailleurs et même des syndiqués, ils n’ont aucune envie de leur rendre des comptes, aucune envie de les associer aux décisions. Et tout ce monde-là s’accommode parfaitement de l’ordre établi.

Au-delà de telle ou telle personnalité, c’est cette intégration des syndicats qui les conduit tout naturellement à la collaboration de classe et au suivisme vis-à-vis des gouvernements, à commencer par ceux qui se disent de gauche. Au lieu de compter sur les travailleurs, sur leur conscience de classe et leur combativité, les dirigeants des organisations ouvrières les trompent en jouant le jeu du « dialogue social » et en faisant croire à la bonne volonté gouvernementale.

À chaque fois que les travailleurs se sont mobilisés massivement et auraient pu ébranler l’ordre bourgeois, que ce soit lors des grèves de Juin 1936 ou encore en Mai 68, les directions syndicales, et en premier lieu la CGT, car c’était elle qui avait le crédit auprès des travailleurs, ont rendu un fier service aux défenseurs de l’ordre. Elles ont canalisé le mouvement, en le laissant sans perspectives avant de l’arrêter.

L’affaire Lepaon ne sera pas l’électrochoc permettant de créer une nouvelle CGT menant une politique plus offensive. Ce sont des fuites internes qui l’ont déclenchée. Ce simple fait montre que le bras de fer qui se joue au sommet de la CGT ne recouvre pas des divergences politiques, mais des rivalités d’appareil étrangères aux intérêts des travailleurs.

Si de nombreux militants de la CGT sont pour le départ de Lepaon, c’est qu’à leurs yeux il foule aux pieds les valeurs pour lesquelles ils se battent et s’organisent. Mais ils n’ont rien à attendre des bureaucraties syndicales : tout dépend d’eux-mêmes, de leur capacité à s’organiser, à faire vivre leur syndicat démocratiquement et à contrôler leurs responsables directs.

http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2420&id=6