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Souvenir : Bienvenue à Sarkoland : Le dessinateur Placid condamné

Publie le mercredi 14 janvier 2015 par Open-Publishing
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Suite à la toute récente condamnation du dessinateur Placid, Denis Robert contre-attaque : « La vraie censure est en marche. Elle est perfide, efficace et économique. Elle défend l’honneur des multinationales, des vedettes du foot ou du show biz et des premiers ministres. Elle s’attaque aux petits éditeurs, aux dessinateurs sans ressources, aux écrivains et aux journalistes indépendants. »

Ce matin, j’ai reçu un mail de Placid. Il avait réalisé la couverture de mon livre « le milieu du terrain ». Auparavant, il avait dessiné celle d’un petit guide très instructif sorti en 2001 qui avait pour titre « Vos papiers ! » et pour sous-titre « Que faire face à la police ? ». Le syndicat de la magistrature et un de ses membres Clément Schouler avait aidé à la publication de cet ouvrage.

Le livre, paru en 2001, a été l’objet d’une double plainte (diffamation et injure) de la part de Daniel Vaillant, alors ministre de l’intérieur. Placid, l’éditeur (Michel Sitbon, l’esprit frappeur) et l’auteur avaient été relaxés en première instance. Le parquet a fait appel. Le 23 novembre 2006, à son procès, Placid s’est défendu seul sans avocat. Le jugement vient d’être rendu. « J’ai été condamné à 500 euros d’amende pour "injures publiques envers une administration, en l’occurrence la police nationale" » nous apprend Placid. Michel Sitbon, est condamné à 800 euros d’amende pour complicité et Clément Schouler, à 1000 euros à cause d’une phrase dans sa préface où il explique qu’ en France les contrôles d’identité aux faciès se multiplient…

« Clément Schouler et son avocat ont fait un pourvoi en cassation. Je ne sais pas faire ça, ça me gonfle de m’occuper de quoi que ce soit, je me contente de faire cette lettre. Et pas particulièrement pour vous demander conseil, juste pour que l’information circule » écrit Placid qui poursuit : « Pendant ce procès en appel, je me suis défendu. J’ai produit des photocopies d’œuvres de dessinateurs célèbres pour leurs portraits ou caricatures de policiers (Siné, Cabu, etc.). Ce qui semblait m’être reproché était le nez retroussé du policier, proche du nez d’un cochon. J’ai aussi produit des exemples de ma production de dessins, où on peut voir des "nez de cochon" sur toutes sortes de personnages (…). J’ai enfin montré l’exemple d’une illustration que j’ai faite peu avant dans un magazine pour lycéens, où j’avais représenté une policière sympathique »

Puis, Placid d’expliquer : « Ce que j’ai appris aussi, c’est l’intervention de Nicolas Sarkozy dans le procès Charlie Hebdo récent. La comparaison est simple : je suis condamné pour une image, suite à une plainte initiée par le ministère de l’intérieur, patron actuel : Sarkozy. Je ne cherche pas la bagarre. Je sais juste qu’une amende de 500 euros est plus compliquée à supporter pour moi qu’une amende de 500 000 Euros pour, disons, un responsable de Elf ».

Il y a en ce moment un glissement brutal et visible vers la censure et la démesure dans la censure et l’injustice dans ce pays.

L’affaire Placid intervient au lendemain de la plainte initiée par le Parquet de Paris contre un pauvre blogger qui n’avait fait que reproduire les notes confidentielles de Rondot ou le PV de Van Ruymbeke. Ces PV avaient déjà été largement publiés par le Monde, le Figaro, l’Express, le Point, etc… Aucune plainte n’a été déposée contre ces journaux. De la même manière, mon éditeur et moi sommes poursuivis au Luxembourg et à Paris par les banques ou par Villepin pour avoir chercher à écrire la vérité dans les affaires Clearstream, mais égratigné des édiles. Tous ces journaux qui, plus ou moins outrageusement, roulent pour Sarkozy sont là aussi épargnés. Tant mieux pour eux. J’indique qu’ une fois de plus le pouvoir, dans toute son hypocrisie et son aveuglement, tape sur le supposé faible. Ce pouvoir n’est pas anonyme. Il s’agit de la Chancellerie, du parquet général, du parquet de Paris et de tous ces magistrats au mieux procéduriers, au pire, rampants. Il s’agit du Ministère de l’Intérieur et de ses zélés sous-fifres, qui font campagne en ce moment pour l’édification d’un Sarkoland géant.

Comme Placid, je suis troublé de voir les principaux leaders politiques de ce pays, et tous ces intellectuels en goguette et la plupart du temps sans courage, défiler pour sauver l’honneur du malheureux Val et de Charlie Hebdo au procès des caricatures. Devant les caméras de TF1, de France télévisions, etc… Et oublier le reste. La vraie censure est en marche. Elle est perfide, efficace et économique. Elle défend l’honneur des multinationales, des vedettes du foot ou du show biz et des premiers ministres. Elle s’attaque aux petits éditeurs, aux dessinateurs sans ressources, aux écrivains et aux journalistes indépendants. Elle use et abuse de mises en examen et de frais de procédure. Elle s’opère méthodiquement dans le silence des tribunaux, des campagnes électorales. Et des journaux. Elle est en train de gagner la partie.

Denis Robert

La lettre du dessinateur Placid

Objet : Placid police

Chers amis,

j’ai appris par "Le Canard enchaîné" que j’ai été condamné à 500 euros d’amende pour "injures publiques envers une administration, en l’occurrence la police nationale", à cause un dessin que j’ai fait en 2001, pour la couverture du livre "Vos papiers !", sous-titre : "Que faire face à la police ?".

Je n’ai pas encore reçu le jugement par voie d’huissier, je n’ai pas les détails. Ce livre était publié par les éditions "L’esprit frappeur". L’éditeur, Michel Sitbon, est condamné à 800 euros d’amende pour complicité avec moi, et avec l’auteur du texte, Clément Schouler, membre du syndicat de la magistrature, condamné à 1000 euros d’amende(l’auteur n’est pas condamné pour injure, mais pour diffamation, à cause d’une phrase dans sa préface : "il y a en France des contrôles d’identité aux faciès, et ils se multiplient" (je cite de mémoire).

Le canard enchaîné a diffusé l’info, me nommant Jean-François Duval (mon vrai nom), l’humanité de même. Libération n’a parlé que du cas de Clément Schouler, oubliant la condamnation de l’éditeur et du dessinateur. Politis aussi peut-être ( ? : l’accès aux articles par leur site est bloqué par un abonnement). J’en oublie sûrement, mais il a été très peu parlé de cette affaire dans la presse, surtout de la condamnation du dessin de couv.

Clément Schouler et son avocat ont fait un pourvoi en cassation. Je sais pas faire ça, ça me gonfle de m’occuper de quoi que ce soit, je me contente de faire cette lettre. Et pas particulièrement pour vous demander conseil, juste pour que l’information circule.

Quelques précisions : le livre, paru en 2001, a été l’objet d’une double plainte (diffamation et injure) de la part de Daniel Vaillant, es-qualité ministre de l’intérieur. Le procès a eu lieu en 2005, je ne me suis pas alors présenté à l’audience et j’ai été relaxé, ainsi que l’auteur et l’éditeur. Le parquet a alors "interjeté appel" (je crois qu’on dit comme ça, qu’est-ce que c’est barbare le langage juridique !). J’étais présent (mais sans avocat) au procés en appel devant la 11ème chambre, le 23 novembre 2006. Le jugement a dû être rendu le 18 janvier dernier.

Pendant ce procès en appel, je me suis défendu. J’ai produit des photocopies d’œuvres de dessinateurs célèbres pour leurs portraits ou caricatures de policiers (Siné, Cabu, Jossot, Thierry Guitard, Steinlen, etc.). Ce qui semblait m’être reproché était le nez retroussé du policier, proche du nez d’un cochon. J’ai aussi produit des exemples de ma production de dessins, ou on peut voir des "nez de cochon" sur toutes sortes de personnages (jardinier, anarchiste, etc.). J’ai enfin montré l’exemple d’une illustration que j’ai faite peu avant dans un magazine pour lycéens, où j’avais représenté une policière sympathique. Etc., etc.

Ce que j’ai appris aussi (comme vous), c’est l’intervention de Nicolas Sarkozy dans le procès Charlie Hebdo récent. La comparaison est simple : je suis quand à moi condamné pour une image, suite à une plainte initiée par le ministère de l’intérieur, patron actuel : Sarkozy.

Je ne cherche pas la bagarre. Je sais juste qu’une amende de 500 euros est plus compliquée à supporter pour moi qu’une amende de 500 000 euros pour, disons, un responsable de Elf. (Je suis un artiste, et les artistes sont pauvres, ce n’est pas un mythe)

Après avoir pensé un moment écrire une "lettre ouverte", ou "communiqué de presse", je me contente de diffuser l’info auprès d’un cercle restreint de dessinateurs, journalistes, éditeurs, ou autres que je connais personnellement (vous en faites donc partie).

Vous pouvez en parler si vous voulez à qui vous voulez (merci de pas diffuser mon adresse mail à tous vents). Si vous voulez m’en parler, sachez que je ne serai de retour devant mon mail que mercredi prochain.

Merci de votre attention, Placid

Publié : samedi 17 février 2007.
Denis Robert

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article43197

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