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Radio France : récit d’une assemblée générale explosive, au 27e jour de grève

par usager solidaire des grévistes de Radio France

Publie le mercredi 15 avril 2015 par usager solidaire des grévistes de Radio France - Open-Publishing
10 commentaires

C’est vers 17h15 que tout a basculé, ce mardi après-midi. Depuis quelques minutes déjà, on sentait que tout avait été dit, que tous les arguments avaient été échangés au cours de ces deux heures d’assemblée générale à Radio France (alors que s’écoulait un 27e jour de grève — retrouver ici le déroulé de la crise à Radio France). Certains syndicats n’étaient pas favorables à la poursuite du mouvement – l’Unsa, par exemple, l’avait déjà dit la veille, sous les huées —, mais le déchaînement des applaudissements, à chaque intervention pro-grève, ne laissait planer aucun doute sur la détermination des présents à continuer. « On vote ! On vote ! » s’est mise à scander la salle, impatiente de constater sa force dans une forêt de bras levés.

Le premier, Jean-Matthieu Zahnd de la CGT s’est levé. Il a pris le micro et, de sa voix de basse, a prévenu : « Il va y avoir des appréciations différentes… Ce que je peux dire de notre point de vue, c’est qu’hier on a voté la reconduction parce qu’on voulait la prolongation de la médiation (…) Aujourd’hui, pour faire pression sur la tenue du conseil d’administration, et par rapport aux échéances politiques de demain [mercredi, le conseil des ministres et les questions au gouvernement, ndlr], notre position est de reconduire la grève. Mais on se ralliera à l’intersyndicale ». Furtivement, un ange est passé dans le studio 105 surchauffé. Ce « mais » fleurait tellement la traîtrise, pour les présents. Interloquée, mais déjà fixée, la salle a regardé Jean-Paul Quennesson, de Sud, approcher à son tour du centre de l’estrade. Le musicien, dont la ferveur fait souvent frissonner les AG, a commencé par rappeler l’unanimité de l’intersyndicale, la force du collectif. Là encore, ça sentait le rétropédalage à plein nez. « Nous avons fait voter nos adhérents », s’est-il justifié, et il est apparu que ces adhérents ne suivaient plus. Ceux de la CFDT non plus, a expliqué le syndicaliste suivant. Brièvement, l’Unsa a confirmé qu’elle n’avait pas changé de ligne depuis la veille. Enfin, clôturant cette série de déclarations funèbres, la représentante du SNFORT a jeté : « nous levons les préavis aussi ». Une douche froide n’aurait pas fait plus d’effet.

“Ah, ça retourne sa veste, maintenant !”

Cela faisait deux heures que quatre cents personnes, voix fortes et joues rouges, entretenaient la flamme du combat social à coups de formules chocs (« ça emmerde tout le monde et c’est pour ça qu’il faut continuer cette grève ! »), de moments un peu fourbes (une imitation de la démarche et de l’attitude de Mathieu Gallet, l’espoir d’un nouvel article contre le pdg dans Le Canard enchaîné), de nouvelles réconfortantes (« Il y a 117 500 euros dans la caisse de grève ! »). Rompue aux phrases qui électrise les foules, la productrice Aline Pailler, de France Culture, relançait les passions après chaque intervention en demi-teinte des représentants de l’intersyndicale. Qu’ils appellent à « capitaliser » sur les avancées obtenues du médiateur, qu’ils proposent de continuer le combat autrement, qu’ils se félicitent d’avoir « fait venir » la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin dans les murs la veille au soir... rien n’y faisait, la salle grondait. Ivre de sa colère, furieuse de se voir emmenée sur le terrain de la capitulation. « Rentre chez toi », entendait-on dans les travées ; « Ah, ça retourne sa veste, maintenant » ; « C’est parce que tu pourrais pas partir en vacances si la grève continue, c’est pour ça que tu veux arrêter ? ». La foule semblait unanime, certaine de l’emporter encore. Comme la veille.

Mais sur les visages, dans les voix, la résignation était là. Cette fois, lisait-on dans les regards fatigués, il fallait mettre le hola. Mettre un terme à cette grève sans limite, « préventive », aux préavis aussi clairs que flous, pour reprendre des forces afin de mener le « vrai » combat : celui de la négociation du contrat d’objectifs et de moyens — lourd d’un plan de « départs volontaires ». Malgré la retraite de quatre organisations syndicales sur cinq, et la suppression des préavis en vigueur depuis le 19 mars, l’assemblée générale a voulu voter. Elle a décidé de poursuivre la grève. « Ça va être un effritement, un appauvrissement », a tenté Jean-Matthieu Zahnd (CGT), pas vraiment déterminé à continuer le combat hors de l’intersyndicale. Après réflexion et dans une ambiance de halle aux poissons, il a été décidé de poursuivre la grève un vingt-huitième jour. Rendez-vous a été donné mercredi à 10 heures, pour une nouvelle AG, « pour organiser l’après ». En début de soirée, Fleur Pellerin, a appelé le syndicat désormais esseulé à lâcher l’affaire, à son tour. De quoi faire couler des larmes de rage dans les yeux de ceux qui voulaient continuer encore au moins une journée, « pour qu’elle [la ministre de la Culture et de la Communication, ndlr] ne puisse pas arriver en disant « j’ai gagné » demain, au conseil des ministres ».

Télérama

Messages

  • la suppression des préavis en vigueur depuis le 19 mars

    Et voilà comment les organisations syndicales responsables (ouf ! la CGT en sera aussi demain) en toute "démocratie syndicale" (mitonnée dans les arrière arrière cuisines) font rempart à l’aventurisme des salariés en rage incontrôlée...

  • Mais pourquoi mettre de la musique en permanence ? le communiqué en boucle c’est tout. La grêve c’est la grêve.

    • à ma connnaissance, ce ne sont pas les grévistes qui mettent la musique, mais la direction. Tu peut fouiller le code du travail et les autres textes tant que tu veux, les salariés en grève n’ont pas le droit de toucher au matériel, ni même d’être dans les lieux normalement

      (et je ne trouve pas ça normal, mais c’est l’état du droit et j’imagine très mal les syndicats actuels oser recommander un truc illégal, on n’est vraiment plus en 68 pour eux, même si les conditions objectives sont en fait pires par certains côtés)

  • Voilà pourquoi les salariés ne croient plus aux organisations syndicales...Elles trahissent toujours à la fin et ne respectent pas les votes d’assemblée générale. Alors Roberto Ferrario, qui doit se bouger ? Les militants syndicaux avec leur logique d’appareil ? Ou les salarié qui ne luttent que pour gagner et pas négocier des miettes ?
    Très bon article qui résume depuis des dizaines d’années les rapports dans la lutte entre les intérêts particulier d’un syndicat et les intérêts des travailleurs. S’ils peuvent parfois converger, le syndicat décidera à l’arrivée toujours seul de manière non démocratique. C’est souvent le cas, malheureusement il y a plus de peureux que de Xavier Mathieu...C’est pourquoi la grève reconductible fait toujours peur aux syndicats, une assemblée générale peut s"émanciper des permanents syndicaux.


  • 15 avril 19h23 : "(Reuters) - La grève qui perturbe les antennes de Radio France depuis quatre semaines touchait mercredi à sa fin après la levée du préavis par la CGT, a-t-on appris auprès de journalistes du groupe public."

    CQFD. :-(

  • les syndicats - dont SUD, ce qui pose réellement problème - ont consulté leurs adhérents avant l’AG de mardi 14 avril. C’est une méthode efficace lorsqu’on veut faire reprendre la travail puisqu’on sait pertinemment qu’une certaine quantité d’adhérents ne sont pas grévistes et que l’on se trouve en terrain conquis. On met alors sur le même plan des personnels en lutte avec des personnels en retrait de cette lutte, c’est déjà très très critiquable.
    Et c’est bien une façon d’affirmer que la grève n’appartient pas aux gens qui la font, que l’Assemblée des grévistes n’est pas souveraine, et le pire est de ne pas se plier au vote majoritaire de cette Assemblée...
    Bilan extrêmement décevant pour Solidaires de cette grève :
     le SNJ, syndicat fondateur de Solidaires s’est ouvertement rangé du côté du gouvernement en étant en dehors de la grève
     SUD a fini par flancher devant les pressions en étant peut-être un des éléments les plus déterminant dans cette reprise du travail

    On est donc parfaitement dans l’air du temps, la droitisation du pays gagne de plus en plus nos syndicats, il faut impérativement mener le débat à ce sujet, nos pratiques syndicales sont en jeu...

    • Et oui ;c’est l’austérité dans les organisations syndicales et aussi dans la population !!
      Quand la classe ouvrière sera à la rue financièrement,et bien peut-etre y’aura il un renouveau ideologique à gauche pronant une véritable alternative révolutionnaire.
      On voit bien qu’è chaque fois qu’une grève se durcie ;c’est les intérèts confédéraux de certaints permanent qui sont protégé au détriment des salariés qui se retrouve eux ;le bec dans l’eau !!
      Avec tous cela,on ai pas sortie de l’auberge.

  • Les syndicats gardiens de la paix social. C’est aujourd’hui leur unique rôle -je me souviens encore de la lutte contre la réforme des retraites, embourbée par eux.

  • Où l’on voit que l’intersyndicale discute et négocie en dehors de l’assemblée générale. Conflit de souveraineté donc : Qui est légitime pour continuer ou arrêter une grève ? L’AG des grévistes ou l’intersyndicale ? Suivant ce que vous répondez vous saurez vous-mêmes ou vous situer : Dans la lutte des classes ou dans le camp de la négociation de collaboration avec les patrons.
    Sortir d’une grève massive de 28 jours sans avoir rien obtenu, ils sont forts les syndicats. Ils vont négocier à froid et s’ils n’obtiennent rien, ils font comment ? Ils croient que les salariés vont se remettre en grève comme des petits soldats. J’aimerais voir le taux d’abstention et le score de chaque syndicat aux prochaines élections, SUD en particulier.

  • Est-ce que le NPA peut nous dire si le gars de SUD est chez eux ? J’espère que non, parce que appeler à poursuivre la lutte après le 9 avril et casser une grève c’est pas très cohérent...Pareil pour la CGT, appeler les salariés à se bouger et se cacher derrière l’intersyndicale, c’est pas glorieux. Ce serait sympa qu’un technicien ait enregistré toutes les interventions des délégués syndicaux au début de la grève et comparer avec la fin. C’est comme les hommes politiques, de belles promesses, on y croit, puis... rentrer chez vous, laisser les gens responsables discuter....