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Dans les villes de droite, la chasse à la voiture est fermée

Publie le jeudi 16 avril 2015 par Open-Publishing
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http://www.lexpress.fr/actualite/societe/dans-les-villes-de-droite-la-chasse-a-la-voiture-est-fermee_1671543.html
Elus en mars 2014, des maires de droite facilitent désormais l’accès des automobilistes au centre de leur commune afin d’en doper l’attractivité commerciale. Au risque d’aller contre le sens de l’Histoire ?

"Quimper va regarder l’avenir dans le rétroviseur !" Au téléphone, Bernard Poignant cache son dépit derrière un bon mot. Depuis sa cuisante défaite aux élections municipales de mars 2014, l’ami et conseiller de François Hollande a mal à sa ville. Prenez les transports urbains. Son successeur à la mairie, l’UMP Ludovic Jolivet, n’a-t-il pas mis au rancart le plan patiemment élaboré par l’équipe Poignant ? Il prévoyait notamment de réserver aux bus l’un des quais de l’Odet, qui traverse la cité bretonne d’est en ouest. Trop coercitif à l’égard des automobilistes, a décrété le nouveau maire, qui craignait un engorgement du centre-ville. Sur les 2 x 2 voies bordant la rivière, voitures, deux-roues et transports collectifs continuent donc de se mêler. Ludovic Jolivet n’entend pas en rester là : il teste aujourd’hui la possibilité pour les véhicules motorisés de traverser tôt le matin le vieux quartier piétonnier autour de la cathédrale Saint-Corentin. "Que voulez-vous, c’est la droite...", grince Bernard Poignant.
A l’image de Paris, où les maires socialistes Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo mènent la vie dure aux automobilistes, la classe politique semblait rangée des voitures, au nom du développement durable et de la lutte contre la pollution. Voilà qu’on redécouvre la bagnole objet de toutes les attentions dans le coeur des agglomérations de taille moyenne. "La chasse à la voiture est fermée", proclament en choeur les nouvelles municipalités de droite, sitôt installées aux commandes. A Pau, François Bayrou a rouvert des accès au centre-ville pour "fluidifier la circulation", là où l’ancienne maire socialiste voulait "des espaces publics apaisés, sans voitures". Depuis la mi-février, les automobiles transitent de nouveau par certains axes du plateau piéton de Saint-Etienne. Le stationnement est de retour au pied du beffroi de Béthune, comme sur le parvis des Arts de Tourcoing. Ailleurs, des infrastructures de transports collectifs sont annulées au nom d’économies budgétaires : la nouvelle municipalité (UMP) de Niort a ainsi abandonné le projet de bus à haut niveau de service (BHNS), tandis qu’Amiens a troqué la ligne de tramway prévue contre ces mêmes BHNS.

Le "très mauvais signal" envoyé à la population

Le phénomène a fini par inquiéter le Groupement des autorités responsables de transport (Gart), un organisme qui réunit des élus locaux de tous bords. Ancien secrétaire d’Etat aux Transports de François Fillon, Dominique Bussereau y a critiqué "le très mauvais signal" envoyé à la population. Soucieux de préserver la concorde au sein d’une assemblée pluraliste, le président du Gart, Louis Nègre, sénateur maire (UMP) de Cagnes-sur-Mer, a prudemment commandé pour le mois de juin une étude, histoire d’y voir plus clair. Sur le terrain, les élus foncent sans attendre. Le 11 avril 2014, douze jours après sa victoire, la maire (UDI) d’Amiens, Brigitte Fouré, honore pied au plancher de sa vieille 2 CV une promesse de campagne : la réouverture aux voitures de la rue des Otages, un axe nord-sud en plein centre-ville piétonnier, où ne passaient que bus et vélos. "Démonter les panneaux de sens interdit était un geste symbolique, mais la politique est faite de symboles. La bonne solution n’est pas de contraindre mais de donner le choix", assure l’édile, qui fustige le dogmatisme antivoitures de l’équipe précédente. Un non-sens, estime-t-elle, dans une ville très étendue, où les transports collectifs ne peuvent s’enfoncer très loin en périphérie. Son adjoint, l’UMP Alain Gest, qui préside également la communauté d’agglomération, embraie : "A force de fermer le centre aux voitures, les habitants de l’extérieur d’Amiens n’y venaient plus. C’était une catastrophe pour l’attractivité de la ville."

Le retour de la vieille antienne "No parking, no business"

"Cyclistes et piétons consomment plus souvent que les automobilistes", expliquait une urbaniste en 2011
Sauver le commerce au coeur de la cité. L’argument revient en boucle dans le discours des vainqueurs des municipales, qui ont pu compter sur le soutien actif de cet électorat. "Une partie des commerçants pensent que, plus il y a de véhicules qui circulent devant leurs vitrines, mieux c’est", regrette Maurice Vincent, l’ancien maire (PS) de Saint-Etienne. D’autres édiles préfèrent faciliter le stationnement, tout en pourchassant les voitures-ventouses. A Angers, l’UMP Christophe Béchu offre désormais une première heure gratuite aux automobilistes. La vieille antienne "No parking, no business" a également été reprise à Tourcoing par le jeune maire (UMP) Gérald Darmanin, qui souhaite le retour du stationnement sur plusieurs places piétonnes de sa commune. Le raisonnement laisse perplexe Thierry Millon, directeur des études du cabinet Altares. "Par rapport aux bouleversements des habitudes de consommation introduits par Internet et aux arbitrages qu’effectuent les clients en temps de crise, l’accès en voiture n’est qu’un épiphénomène", tranche l’expert. En termes de stationnement, renchérit Dominique Riou, de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France, "la bataille est depuis longtemps gagnée par les grandes surfaces en périphérie". Mieux, plusieurs études montrent que la piétonnisation, inaugurée à Rouen au début des années 1970, est bénéfique au dynamisme commercial des centres urbains. "Cyclistes et piétons consomment plus souvent que les automobilistes", expliquait en 2011 l’urbaniste Anne Faure, soulignant toutefois que les grandes enseignes supplantent fréquemment les petits commerces indépendants dans les centres réaménagés.

Les partisans d’une ville agréable à vivre demeurent optimistes. A leurs yeux, les "décisions populistes" de quelques maires ne changent pas le sens de l’Histoire, qui va vers moins de voitures. Toujours dominante dans les trajets en périphérie, la part de l’automobile dans les déplacements décroît au sein des grandes agglomérations. Globalement, son utilisation est retombée entre 2005 et 2014 à son niveau d’il y a trente ans. Autre donnée de fond : les 18-25 ans ne sont plus que 44% à posséder le permis de conduire, alors que le taux atteignait les 60% en 1983. Cette désaffection, en partie liée à des questions de coût, a été confortée par l’essor des transports collectifs. Malgré les restrictions budgétaires et la suppression de l’écotaxe, qui devait participer à leur financement, peu de projets de lignes de tramway ou de bus en site propre ont été revus au lendemain des municipales. "Partout où il y avait un consensus fort autour du dossier, il n’y a pas eu de remise en question", insiste-t-on au Gart.
Droite et gauche conviennent que l’équilibre entre voitures, transports en commun, vélos et marche reste la solution d’avenir

Est-ce à dire que les clivages politiques seraient davantage mis en scène que réels sur ces sujets ? "Historiquement, la gauche est plus favorable aux transports en commun, reconnaît Jean Macheras, de la Fédération nationale des associations des usagers des transports (Fnaut). Mais le discours écologique infuse partout, y compris à droite. A Bordeaux, Alain Juppé a beaucoup fait pour le tramway." A l’inverse, la principale opposante au tramway d’Avignon n’est autre que la nouvelle maire, la socialiste Cécile Helle, qui a toutefois dû accepter la version allégée imposée par l’étrange coalition formée à la communauté d’agglomération par les écologistes et l’UMP.

Au fond, droite et gauche conviennent que la multimodalité, c’est-à-dire l’équilibre entre voitures, transports en commun, vélos et marche, reste la solution d’avenir. "Il faut faire évoluer les mentalités et se montrer convaincant pour inciter les automobilistes venus de la périphérie à utiliser les parkings relais et à prendre le bus", admet Brigitte Fouré, dans son bureau de la mairie d’Amiens. Equipements collectifs de qualité, horaires et trajets disponibles sur les téléphones portables, services de partage de vélos... les villes ne manquent pas d’outils pour pousser les conducteurs à lâcher le volant.

Les secteurs baptisés "zones de rencontre" se développent

Nulle part les piétons ne sont oubliés. A Pau, François Bayrou, après avoir réintroduit la voiture dans le centre, envisage de réduire la chaussée sur le balcon de la ville qu’est le boulevard des Pyrénées et sur la célèbre place Gramont. De quoi alimenter les critiques de la socialiste Martine Lignières-Cassou sur "l’absence de vision d’ensemble pour l’espace public" de son successeur. De son côté, l’opposition stéphanoise pointe les contradictions du maire (UMP) Gaël Perdriau, qui casse la logique du tout-piéton au profit d’une "zone 30 km/h" élargie. "Je veux simplement que chacun puisse avoir sa place pour profiter de la ville", justifie l’intéressé. De fait, ces secteurs réglementés, tout comme ceux baptisés "zones de rencontre", se développent, car ils permettent un réel partage de la voirie entre les différents modes de transports. "A 30 km/h, on peut demander aux automobilistes de faire attention aux autres usagers de la rue", confirme Dominique Riou, spécialiste des mobilités.
Cette coexistence dans l’espace urbain devrait encore s’améliorer avec l’avènement du véhicule électrique, estime le député PS Philippe Duron, qui préside l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). "Reste toutefois le problème du stockage, car une voiture ne se déplace que 5% de son temps de vie", admet-il. C’est bien cette pollution spatiale qui gêne le plus les contempteurs de la voiture. Ils jugent également ces modèles électriques peu exemplaires en termes écologiques, à cause de l’usure des pneus ou du nécessaire recyclage des batteries. "En ville, la moitié des trajets en voiture sont inférieurs à 1 kilomètre, rappelle Jean Macheras, de la Fnaut. Que transporter une personne de 80 kilos nécessite de déplacer près de 1 tonne de ferraille nous apparaît toujours aussi absurde." "Y a plus de bon sens", disait déjà Raymond Devos, en 1958, dans son fameux sketch sur un rond-point sans issue. Cinquante ans plus tard, certains maires cherchent toujours la sortie.

Messages

  • Excusez moi mais je pense que vous analysez un phénomène bien trop superficiellement. En effet, vous ne connaissez rien aux situations des villes dont vous parlez.
    Habitant à Saint Étienne, je peux constater de l’agonie dont souffre le centre ville et son commerce, car celui ci, pour des raisons historiques, est très difficile d’accès en voiture. Or, beaucoup de gens quittent Saint Étienne car ils ne peuvent pas circuler (la population de cesse de décroître depuis une vingtaine d’années), et ils ne reviennent pas en ville pour consommer et faire marcher le commerce.
    Le plateau piéton a été ouvert sur seulement deux axes pour fluidifier et simplifier la circulation pour ceux qui viennent dans la ville et ceux qui y habitent.
    Certains crient au retour des nuisances et de la pollution. Les nuisances seront faibles puisque seuls deux axes ont été reouverts, et ils n’étaient que semi pietons. Et pour la pollution, je tiens à faire remarquer que devoir contourner tout le centre ville pour aller d’un point A à un point B polue bien plus qu’un trajet direct, simple, plus rapide. Car non, la pollution ne s’arrête pas aux bornes automatiques.
    De plus, l’ancienne municipalité crie que cela est mauvais pour le commerce, alors que ça va dans le sens des consommateurs potentiels, qui veulent venir a Saint Etienne en voiture, et des commerçants qui sont majoritairement favorables à cette ouverture.
    Enfin, votre article ne mentionne pas que le nouveau maire de Saint Etienne vient de faire voter le projet d’une nouvelle ligne de tramway d’environ 4 kilomètres, pour desservir tout un quartier accessible justement qu’en voiture, ainsi que les équipements culturels tels que le Zénith, le Stade Geoffroy Guichard ou le parc des expositions, qui eux aussi n’étaient pas accessible à pied. Les Verts ont voté en faveur de ce projet. L’ancienne municipalité PS est contre.
    Je ne parle ici que de Saint Etienne, ailleurs les contextes sont sûrement différents. Mais je pense qu’il n’ai pas la peine de crier au scandale pour deux rues reouvertes a la circulation automobile quand on voit tous les projets de transport durables qui sont mis en place parallèlement.

    • moi même Stéphanois, Arno reprend les arguments du maire UMP de St-Etienne qui pour faire plaisir à une poignée de commerçants et de réactionnaires à remis le plateau piéton ouvert à la voiture , comme si St-Etienne a perdu 20 000 habitants à cause d’un pb de circulation dans le centre ville, je vous laisse le soin du niveau d’analyse !!!
      Et que dire des commerces fermés dans le centre ville, comme partout en france la population fait ses courses dans les grandes surfaces en périphérie de la ville avec la voiture, pour le bonheur de la famille Guichard de Casino et Mulliez d’Auchan, les commerces indépendants ont totalement disparu au profit des 5 centrales d’achats," mais bon la voiture c’est le progrès" et les grandes surfaces "le temple de la consommation".
      La première mesure du maire UMP de ST-Etienne a été d’abandonner les projets des pistes cyclables notamment celle de Bergson, le projet de la 3ème ligne du tram c’est un projet de prestige sans grands intérêts de 80 millions d’euros, mais bon les impôts ne sont pas chers à Sainté.
      Et puisque vous parlez de commerces, la nouvelle municipalité a également préféré conserver le parking des Ursules, immense bloc de béton des années 60 qui a défiguré le jardin de l’école des beaux arts et le quartier, alors qu’un projet d’ un ensemble de commerces,bureux et logements, étaient en cours.
      Et ne me dites pas que le centre ville n’est pas équipé de parking sous terrain (Hôtel de ville, Jean-Jaures, Chavanelle, Palais de Justice).
      Pour finir, le quartier le plus animé, avec des boutiques, restaurants,pubs, c’est le quartier St-Jacques : quartier piéton !!!!!