Accueil > 24 mai : les raisons de l’autre (émission france-culture)

24 mai : les raisons de l’autre (émission france-culture)

Publie le mercredi 4 mai 2005 par Open-Publishing

Mardi 24 Mai 2005, de 20h30 à 22h
Lecture avec émission en direct de la pièce
Les raisons de l’autre

Maison de la Radio
Studio 106 - Sacha Guitry
116, avenue du Président Kennedy
75016 Paris

Attention : Réservation obligatoire des places au 3230

Merci de vous présenter à partir de 19h30 dans le hall A de la Maison de Radio France, votre nom figurera sur une liste au contrôle (dans la limite des places disponibles)

Cette lecture sera suivie d’entretiens avec Erri de Luca, Paola de Luca, Oreste Scalzone et les auteurs Roberto Silvi et Cecilia Calvi

 www.radiofrance.fr/chaines/france-c...

24 Mai 2005

Les raisons de l’autre de Roberto Silvi et Cécilia Calvi

de 20h30 à 22h

En direct et en public du studio 106 à la Maison de Radio France

Au départ j’avais essayé d’écrire un roman, dans lequel je racontais une histoire semblable à celle de cette pièce. Cécilia Calvi, scénariste professionnelle, a lu et apprécié ce que j’avais écrit, et m’a lancé le défi de me remettre au travail pour faire de ce matériel un texte théâtral : elle m’aurait aidé et conseillé.

Après un échange de plusieurs e-mails, d’interminables coups de fil, corrections, coupures et adjonctions, voici le résultat. A vous de juger.

Le texte, très autobiographique, représente une grande partie de ma vie, mais pas toute ma vie et, à certains moments, pas seulement la mienne.

En racontant cette histoire, comme cela arrive toujours dans les romans et tous les travaux d’écriture, je me suis scindé en deux : d’un côté l’auteur, de l’autre le narrateur de l’histoire.

Je suis l’auteur, mais le narrateur est Stefano le vieux.
Cela m’a permis d’avoir un personnage plus efficace du point de vue dramaturgique, en raison d’une charge plus forte d’expériences vécues.

Par exemple, moi, l’auteur, je ne fume pas régulièrement des pétards ni ne bois sans modération pour pouvoir écrire et, chose importante, à la différence de Stefano le vieux, j’ai la chance de n’avoir jamais tué personne.
Ainsi la scène de l’homicide, dont je n’ai pas eu de difficulté à imaginer la dynamique, est vraisemblable mais elle n’est pas vraie.

Et si Stefano raconte l’attentat contre le directeur de la prison de Bologne, qui n’a jamais eu lieu, c’est parce que j’éprouvais la nécessité d’aborder ce qui pour moi a été un moment fondamental dans l’histoire de la lutte armée : le passage à l’homicide politique.

Quant à moi, même si je ne la’i pas pratiqué, je sais que j’aurais pu la faire, ne serait-ce que par hasard ou pour obéir à une discipline de groupe auto-imposée.

C’est pourquoi je me sens co-responsable de ces choix et j’ai voulu en parler, essayant de comprendre combien de sa propre humanité est mise en jeu dans une telle action, à combien de cette humanité on doit renoncer pour pouvoir accepter de tuer, pour pouvoir déshumaniser la victime.

Je crois que les raisons qui poussent à l’homicide politique font épouser une sorte de lutte qui ne peut que produire d’autres oppressions.

Il faudrait savoir se soustraire au développement tragique de l’histoire qui a produit, et ne pourra que produire, des millions de morts, et apprendre à utiliser les armes des opprimés (les ouvriers, mais aussi et surtout les femmes, les malades, les exclus) sans vouloir leur indiquer des méthodes qui reproduisent à l’infini les systèmes de prévarication des tenants du pouvoir.

J’adresse donc aux lecteurs-spetateurs de ce texte l’invitation à le considérer surtout comme une oeuvre littéraire-théâtrale et non pas un document historique.

Je n’ai pas utilisé la confrontation entre Stefano le jeune et le vieux pour refouler le passé, lié pour toujours à la période historique qui l’a accouché, mais pour observer comment je l’ai vécu et par ce biais le critiquer et, si possible, le dépasser.

Stefano le vieux dit au début : "... Je n’ai jamais cherché qu’à regarder ma... notre histoire d’une manière plus détachée. Entre moi et toi il y a plus de vingt ans et à présent j’arrive mieux à voir tes rigidités."
Roberto Silvi.

"Vingt ans se sont écoulés depuis ce dernier coup de feu, mais son écho résonne encore dans mon esprit. Jour après jour mon âme se consume, mais le vacarme de mes années de révolte retentit toujours en moi. Leur souvenir m’accompagne par les routes de mes nouvelles aventures, dans mes nouveaux amours, en leur ôtant saveur et couleur. je suis condamné à vivre de souvenirs."

Un homme, d’environ cinquante ans, est en train de corriger le texte d’un livre autobiographique qu’il a presque fini : il n’y manque que la fin. Il est convaincu de pouvoir découvrir dans son attitude d’antan les raisons de sa maladie d’aujourd’hui, la sclérose en plaques, qu’il croit avant tout psychologiques. En une sorte d’auto-analyse, l’écriture de ce livre lui sert à reparcourir les années pendant lequelles son engagement politique radical l’a amené jusqu’au choix des armes, et à l’homicide politique.

C’est l’occasion pour l’auteur de brosser une fresque des années 1970 en Italie, mais aussi d’affronter une série de questions qui vont au-delà de cette problématique : sa façon d’aimer, de vivre, le sens de la vie, de sa maladie, de sa mort peut-etre proche.

Avec notamment André Wilms, Marie Payen
Traduction : Marie Famulicki et Janie Lacoste
Bruitage : Sophie Bissantz
Réalisation : Blandine Masson

Cette pièce sera suivie d’entretiens avec Roberto Silvi, Cécilia Calvi, Paola De Luca.

"Il me semble que personne avant Roberto n’avait réussi à trouver le ton pour parler de notre histoire... Il fallait inventer un temps différent, autre que celui de la chronique, de la confession, du journal intime... Chaque personnage a son double, le jeune et la personne mûre, le dur et l’émotif, le rationnel et le romantique, la femme et l’homme, et chacun a d’autres doubles qui vivent en lui, dans un prisme magique.

Plus qu’un des personnages, le héros de cette pièce semble être le temps même, pris dans ce prsme.

Ceux qui d’aventure sont restés en dehors de ce temps, ont de la peine à se comprendre et à se faire comprendre. Quand ils se racontent ils arrêtent d’être des personnes et deviennent des personnages, des figures didactiques ou grotesques.

Combien de fois pendant ces années me suis-je sentie prisonnière politique... et ce non pas en raison de ma condition d’exilée ou de détenue, mais à cause de cette corde de douleur qui me lie à un autre temps et que je n’ai pas de mot pour exprimer.

Roberto a pris ce temps, il l’a regardé dans les yeux et l’a fait parler. Il lui a mis un microphone devant la bouche et a rendu perceptible une rumeur de vie."

Paola De Luca

"Parfois, pour expliquer ce que je fais parmi les agités politiquqes des nouvelles générations, je me réfère à la loyauté. Non pas à la fidélité qui pour moi a une connotation physique, et moi, je peux être fidèle à des etres humains mais pas à des idées abstraites. Loyauté : je reste loyal envers les raisons et les séquences révolutionnaires d’une longue lutte politique contre le pouvoir constitué. Je ne renie pas. Voici ma formule : si je rencontrais le jeune que j’ai été, je voudrais qu’il me serre la main, qu’il me reconnaisse comme son prolongement.

Cette drôle d’idée me sert de guide mieux que nombre d’autres rappels concrets. Après la lecture de l’oeuvre de Roberto Silvi "Les raisons de l’autre", je me découvre en accord avec lui qui s’est engagé dans cette pensée jusqu’à mettre en scène la rencontre entre le lui-même d’aujourd’hui et le jeune révolutionnaire qu’il a été.

Maintenant je le sais : c’est un rendez-vous violent, celui que je voudrais régler d’une poignée de main. Maintenant je le sais : il n’y a pas de tapes sur l’épaule, ni de toasts à la santé des femmes rencontrées. Maintenant je le sais : la confrontation des âges est une brûlure.

Notre conclusion politique de l’époque fut d’accepter de tuer. Un jour, vers la quarantaine, j’ai rencontré Marek Edelman, dernier commandant vivant de l’insurrection du ghetto de Varsovie en 1943. je l’ai remercié pour ça : s’être abaissé au niveau de ses ennemis, être devenu l’assassin des assassins, avoir sacrifié ainsi son humanité, son droit à être meilleur. Même la plus sacro-sainte des luttes armées, l’insurrection du ghetto de Varsovie, ravalait ses combattants au rang d’assassins. J’ai remercié Marek Edelman pour s’être sacrifié jusqu’à descendre sur le terrain du sang versé. Pour tuer il faut s’abaisser, même si on a une foule de raisons, puis c’est la victoire finale qui donne son aval aux raisons.

Nous, les révolutionnaires de l’époque, nous avons accepté de tuer et nous nous sommes abîmés pour toujours. Le savions-nous ? Oui, et nous avons affronté la ruine de nous-mêmes comme une offrande à verser en dot pour une meilleure vie pour les autres, des multitudes d’autres. Tomber, être tués, tout était pris en compte, sans pour autant entrer en balance avec le droit de tuer. Seuls nous-mêmes pouvions nous l’attribuer et nous l’avons assumé. Le nombre d’êtres humains en jeu, la majeure partie des opprimés, nous autorisait à nous pousser dans cet avant inconnu de nous-mêmes. Et à la fin, sur beaucoup d’entre nous il reste la puanteur indélibile de la poudre qui a fait mouche. Et sur tous les autres, exactement sur tous les autres, même ceux qui trichent en disant jen’y étaispas, jenesavaispas, jen’étaispasd’accord, il reste la complicité et la coresponsabilité de cette colère politique meurtrière. je ne renie pas. roberto Silvi ne renie pas non plus dans "Les raisons de l’autre" : collision de deux âges de lui-meme, défi à celui qui a droit, à celui qui a usurpé l’autre. Il faut se faire mal jusqu’à se casser en deux pour arriver à écrire la fin.
Je suis sorti sonné de cette lecture et ébranlé dans ma drôle d’idée de serrer la amin au jeune que j’étais. C’est un jeu de la rencontre que je ne referai pas.

Erri de Luca.

Roberto Silvi

Né à Naples en 1952. il s’est engagé dans la lutte armée dans les années 70. Réfugié en France en 1982 pour échapper à la justice italienne, il y a vécu dix ans avant de retourner en Italie où il a purgé sa peine. C’est en prison qu’il a commencé l’écriture de sa pièce "Les raisons de l’autre" avec la collaboration de Cecilia Calvi. Roberto Silvi s’est installé définitivement à Paris en 2000.

Cécilia Calvi

En Italie, elle a écrit, dirigé et interprété de 1975 à 1990 plusieurs spectacles de théâtre, le plus souvent satires de la société et du monde politique.
Elle a également réalisé des longs-métrages et collaboré avec de grands auteurs italiens tels que Nino Manfredi et Gigi Proietti. Elle esta ctuellement scénariste pour la RAI.

Pendant les années 70 je faisais du théâtre politique. Ayant la chance de vivre une époque dans laquelle la création et l’imagination étaient un espace ouvert (pour le meilleur et pour le pire), je portais partout les spectacles, des usines occupées à l’Université et dans les quartiers. ’était ma façon de participer à ce grand mouvement de lutte et de renouveau.
Puis il y a eu une sorte de léthargie socio-culturelle, une diaspora qui a dispersé le mouvement et replacé hacun dans le rôle qui lui collait le mieux à la peau, et cela d’une façon parfois imprévisible.

Quand il y a trois ans j’ai rencontré Roberto, à travers sa présence, ces années 70, sur lesquelles la société avait préféré étendre un voile de silence, sont devenues vivantes, avec toute leur intensité dramatique.

Et m’est revenue à l’esprit la grande interrogation à laquelle je n’avais jamais eu de réponse : pourquoi lui (comme certains de mes amis) si semblable à moi par l’éducation, par la culture, a-t-il fait le choix de la lutte armée ? Quel est le point de non-retour qui nous sépare ? Quelles étaient ses pensées, ses émotions, ses contradictions, pendant une action violente et spectaculaire ? Quelle part de lui-même a survécu à ce séisme psychologique, à cette autodiscipline féroce, à ce rêve dissout dans une profonde blessure ?

La réponse se trouvait dans un livre écrit et non publié de Roberto.
Et elle serait peut-être restée prise dans ces pages si elles n’avvaient été repensées et réécrites dans une forme théâtrale.

La grande possibilité qu’offre le théâtre est sa capacité de communication immédiate : il suffit d’un acteur, d’une voix, d’un spectateur, d’un espace. un rapport direct et immédiat, sans entraves bureaucratiques, liberté totale sans aucune censure.

Et on a réussi.

On a réussi à percer un peu ce silence imposé par une "culture du refoulement" et à raconter d’alors et de maintenant.

Et à ceux qui comme moi s’étaient posé cette question, Roberto a apporté sa réponse personnelle, déchirante et lucide. Il a eu le courage de se mettre en jeu et de s’offrir sans réserve pour partager une expérience qui a marqué sa vie et celle de toute une époque. Il nous a donné une pièce de ce puzzle compliqué et incomplet qu’est notre histoire récente.

Ecrire ensemble n’a pas été facile, mais on ne s’est jamais rendu. On a mis seulement un peu plus de temps. Sincères et impliqués. Comme ceux qui, espérons le, voudront bien partager notre expérience.
Cécilia Calvi.

Roberto Silvi et Cecilia Calvi, Les Raisons de l’autre, Colibri (2004)
Un homme, d’environ cinquante ans, est en train de corriger le texte d’un livre autobiographique qu’il a presque fini : il n’y manque que la fin. Il est convaincu de pouvoir découvrir dans son attitude d’antan les raisons de sa maladie d’aujourd’hui, la sclérose en plaques, qu’il croit avant tout psychologiques. En une sorte d’auto-analyse, l’écriture de ce livre lui sert à reparcourir les années pendant lequelles son engagement politique radical l’a amené jusqu’au choix des armes, et à l’homicide politique.

C’est l’occasion pour l’auteur de brosser une fresque des années 1970 en Italie, mais aussi d’affronter une série de questions qui vont au-delà de cette problématique : sa façon d’aimer, de vivre, le sens de la vie, de sa maladie, de sa mort peut-être proche.

Texte en français - italien
Commentaires Le livre est distribué en France par Coerrance, 45 rue d’Aubervilliers - 75018 Paris tél : 01.40.05.04.24