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Répression à République. Les grands médias à la botte du gouvernement

par Philippe Alcoy

Publie le lundi 30 novembre 2015 par Philippe Alcoy - Open-Publishing
2 commentaires

Si en temps de « paix sociale » les médias dominants peuvent faire semblant de laisser une certaine place à une pluralité de discours sur les faits d’actualité, en temps de crise sociale et politique, de lutte de classes et d’injonction à la « responsabilité » face à « l’intérêt national », ils révèlent leur vraie nature : de simples agences de communication au service, en l’occurrence, du gouvernement, des classes dominantes en général. Ce dimanche 29 novembre, à l’occasion de la répression des manifestants pour le climat dans le contexte de la COP 21, et contre l’état d’urgence et les interdictions de manifestation, n’a pas fait exception, à un niveau d’intox qui en dit long sur ce à quoi gouvernement et médias sont prêts.

Les bons et les mauvais manifestants

La première opération de communication face à la répression à la Place de la République a consisté à séparer les « bons » manifestants, inoffensifs pour le gouvernement, et les « mauvais » manifestants, radicalisés et voulant « en découdre ».

Les premiers, encadrés par des organisations totalement inféodées au cadre institutionnel de la COP21, comme expliquait un des organisateurs de la « chaine humaine », seraient la preuve « qu’une mobilisation bien organisée, canalisée, pouvait se passer très bien ». Ces manifestants « citoyens », seraient les seuls « légitimes » et « acceptables ».

Les « mauvais » manifestants, au contraire, n’auraient pas été là, disent-ils, pour l’écologie mais, comme par exemple l’exprime Libération, en vue de la « contestation de la politique gouvernementale ». Ils osent contester l’état d’urgence, quel scandale !

Cette « diabolisation » se combine à une tentative de ridiculisation des secteurs les plus conscients des manifestants à travers des caricatures qui les présentent comme des « idéalistes violents ». Ainsi, Le Figaro se déchaine et les présente comme ceci : « Difficile de cerner les revendications des militants, qui ont crié des slogans variés face aux CRS : "L’état d’urgence, on s’en fout, on ne veut plus d’état du tout !", "Les gaz lacrymo, c’est pas très écolo !", "Liberté, liberté, liberté !". Clairement, les forces de l’ordre étaient l’objectif et la raison d’être des manifestants les plus radicaux qui portaient des cagoules ou des masques, et tentaient de charger la police aux cris de "ACAB", le fameux cri anticapitaliste signifiant "All Cops Are Bastard" ("tous les flics sont des connards") ».

Manifestants « profanateurs » de la mémoire des victimes des attentats

L’autre discours qui a eu beaucoup d’écho dans les médias a été celui qui présente les manifestants comme des irrespectueux de la mémoire des victimes des attentats du 13 novembre dernier. Pour preuve de cette véritable « profanation », comme certains n’ont pas hésité à le dire :certains « militants violents » auraient récupéré des bougies ou des pots de fleurs dans le mémorial aux victimes des attentats pour les lancer à la police.

Mais l’article déjà cité du Figaro va en réalité déjà plus loin, il dresse un portrait type du parfait « ennemi intérieur extrémiste » : « Un autre [manifestant] a tenté de mettre le feu à un drapeau français pris sur le mémorial. Pour l’allumer, il se sert de dessins d’enfants posés là en hommage ». Les manifestants réprimés sur la place de la République seraient ainsi responsables de dégradations irrespectueuses du mémorial, coupables de porter atteinte au symbole qui représenterait cet endroit, et, en vérité, rien de plus que des… terroristes à traquer avec une « fermeté totale » comme l’a dit Cazeneuve hier soir.

Or, alors que dans la presse il n’y a presque pas d’images montrant clairement des manifestants« se servant » des bougies du mémorial, « étrangement » les images qui, elles, circulent le plus pour l’instant, sont celles où l’on voit clairement des CRS marcher sur le mémorial et pratiquement tout détruire. Mais ces images n’ont été diffusées que sur les réseaux sociaux. Rien de tel sur les écrans de télé ou sur les pages des principaux journaux.

Répression préméditée

Selon Libération, la présence policière était « plutôt discrète ». Drôle de façon de percevoir la discrétion ! Au contraire, la présence policière était envahissante, des images et des témoignages le démontrent clairement.

Plusieurs témoignages dénoncent l’attaque par la police de manifestants présents sur les lieux et qui démontraient n’avoir aucune intention de s’affronter avec eux. Parfois il y a eu des interpellations et du matraquage de manifestants assis par terre exigeant juste la libération d’autres manifestants encerclés par les CRS.

Mais il n’y a pas que ça. L’incident qui a permis de « justifier » la répression est pour le moins très douteux. Un groupe de 20-30 personnes encagoulées qui se détachent de la manifestation et commencent à s’affronter avec la police présente en grand nombre. La réponse de la police est immédiate. Des gaz lacrymogènes et du spray piment ; des coups de matraques et près de 300 interpellations dont 174 gardes à vue. Mais comme affirme Reporterre : « les « hommes en noir » qui ont suscités [les affrontements] ont rapidement disparu (…) sans qu’apparemment aucune interpellation n’ait lieu ».

Connaissant les méthodes d’infiltration de la police, cet évènement est plus que douteux. Notamment, que les déclarations des représentants du gouvernement à commencer par Hollande, semblent indiquer que l’objectif était bel et bien « taper fort » dès le début de la COP21 pour éviter que les manifestations se multiplient malgré l’interdiction de manifester, voire pour chercher un prétexte pour prolonger l’interdiction de manifester.

En effet, après la répression à République Hollande déclarait depuis Bruxelles : « c’est pourquoi ces manifestations ne sont pas autorisées. Nous savions qu’il y avait des éléments perturbateurs qui n’ont rien à voir d’ailleurs avec les défenseurs de l’environnement ou ceux qui veulent que la conférence (COP21) réussisse, et qui sont là uniquement pour créer des incidents. C’est pour ça qu’il y avait eu des assignations à résidence… ».

On voit alors que cette collusion des médias avec le gouvernement participe de la « diabolisation » des militants contestant la politique répressive de Hollande avec son état d’urgence et la limitation des droits démocratiques fondamentaux. Elle sert à justifier officiellement l’extension de la « lutte contre le terrorisme » à celle contre les « extrémistes de tout type ». C’est-à-dire, en l’occurrence, les militants syndicalistes combattifs, militants politiques, etc. Ce n’est pas par hasard que ce soit le cortège formé par des militants du NPA, d’Alternative Libertaire, d’Ensemble, etc., qui ait été traqué et proprement raflé en masse par la police sur la place de la République.

Source : http://www.revolutionpermanente.fr/J-ai-vu-les-policiers-isoler-une-partie-des-manifestants-du-reste-de-la-manif-et-les-maintenir

Messages

  • Oui, bon ; et constater, répéter, reproduire les mêmes configurations, tomber dans les mêmes impasses et les mêmes pièges depuis cinquante ans (et je suis gentil), et couiner pareillement à chaque fois, c’est qualifiable de quoi ? Sinon d’inconséquence et pseudo naïveté shadockienne - si ça rate dix mille fois, beh c’est forcément que ça doit marcher un jour ? C’est hélas la religion du mouvement social, ne se poser aucune question ni sur le quoi, ni sur le comment. A se dire que les rares révolutions qui ont eu lieu, c’est quand on a raté de faire exactement comme d’habitude ! Et que pour une fois toutes les parties en présence n’ont pas pu prévoir ce qu’allaient faire les autres. Parce si’il y a quelque chose qui nous définit (et pas que nous), c’est bien d’être platement et tristement prévisibles.

  • Selon l’alerte de 17 H 11 de l’ImMonde :

    Neuf gardes à vue prolongées après les échauffourées de dimanche
    Au lendemain des débordements qui ont éclaté dimanche place de la République à Paris, seules neuf gardes à vue ont finalement été prolongées lundi. Un total de 341 personnes avaient été interpellées, dont 317 placées en garde à vue, pour avoir bravé l’interdiction de manifester en vigueur dans le cadre de l’état d’urgence.