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Des nouvelles de l’alphabat

par arthur

Publie le lundi 8 février 2016 par arthur - Open-Publishing

Action

Luis est déjà installé, les feuilles du dernier cours, étalées devant lui. A voix haute il relit les mots, les malaxe, les triture. Le monde s’agite autour de lui, mais totalement absorbé par sa lecture, il ne semble pas s’en apercevoir.
Pourtant deux autres travailleurs venus chercher de l’aide à la permanence sont déjà là, une heure avant l’heure, comme impatients de trouver une écoute, un soutien dans les problèmes qu’ils rencontrent.
Le café est prêt, les verres siglés du chat hérissé et emplis de la boisson chaude circulent de mains en mains.
Nimétigua, vient d’arriver. Le cours commence.

Le pouvoir lire

Le premier obstacle, à franchir dans l’apprentissage de la lecture, peut résider pour certains camarades dans un handicap visuel. Sur 3 camarades inscrits cette année au cours syndical d’alphabétisation, 2 sont dans cette situation.
Si dans l’immédiat le syndicat met des lunettes-loupes à leur disposition, cette situation n’est pas satisfaisante. Toujours à la recherche d’un camarade qui puisse prendre le mandat santé du syndicat, le Conseil Syndical accompagne ces camarades dans leurs démarches pour disposer de lunettes adaptées à leur vue et pour celui se trouvant actuellement sans revenus ni indemnités, de couvrir, en solidarité, les frais restant à charge.

Une ville-apprendre

Le sujet du cours d’aujourd’hui porte sur l’agglomération parisienne que nous habitons tous. Que connaissent de Paris, qui en est le centre, nos camarades qui souvent ne font qu’au mieux le traverser en allant au boulot ?
Dans la vie de difficultés et de précarité (travail, santé, logement, etc) qu’ils rencontrent : flâner en ville, se baguenauder le nez en l’air, être curieux de ce que l’on rencontre, semble du domaine de l’improbable.
On commence donc par chercher les endroits remarquables, les monuments singuliers, que chacun peut connaître.
Nimetigua cite : « la place de la République », qu’il connait bien comme lieu de départ de manifestations de sans-papiers.
On s’interroge ensemble sur le monument qui en occupe le centre. Comment est-il ? Que représente-t-il ? Qui l’a construit, et pourquoi ?
On essaye de définir ce qu’est un monument et à quoi il sert. On écrit le mot au tableau.
Eric explique ce que représente cette colonne et inscrit 3 dates : 1789, 1830, 1848. On évoque les rois et la République. On parle de la naturalisation.
Luis parle de : " la tour Eiffel " qu’il n’a, jusqu’à maintenant, pas eu le temps d’aller visiter.
Eric parle de la Révolution Industrielle, du début de la construction en fer dans le bâtiment, des expositions universelles.

Matière à discussion

Ibrahim, nomme ensuite : « la place Denfert-Rochereau », près de laquelle il a failli habiter.
On s’accorde pour dire que le monument qui en occupe le centre est plutôt une statue. On écrit le mot au tableau. On discute de ce qui fait la différence entre une colonne et une statue.
On se demande en quoi s’est fait. Dans la discussion qui s’engage, Eric, qui anime aujourd’hui le cours, s’aperçoit que les camarades ne font pas la différence entre Matière et Matériau, ce second terme étant d’usage courant dans nos métiers du BTP. Il écrit les deux mots au tableau.
On revient donc aux statues pour essayer de définir quelle peut en être la matière de base.
Un des salariés d’origine haïtienne qui attendent la permanence cite le bois, puis le mot créole désignant la planche. On écrit le mot créole au tableau.
On parle de pierre, de sable, de béton, de placo, de plâtre, de brique et de torchis. Eric fait le lien entre la brique sèche d’Afrique et la maison à colombage européenne. On écrit chacun dans la colonne Matières ou dans celle des Matériaux.

La salle se remplit, car l’heure approche de la permanence syndicale. D’autres camarades effectuent dans la grande salle les dernières prises de vues et interviews pour le film sur la journée de commémoration critique que nous avons organisée en novembre dernier.

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