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En Israël, un catalogue Ikea sans femmes pour les ultra-orthodoxes

par Juliette Deborde

Publie le samedi 18 février 2017 par Juliette Deborde - Open-Publishing

Le géant suédois du meuble en kit avait déjà provoqué l’indignation en 2012 en Arabie Saoudite avec un prospectus dans lequel les femmes avaient été effacées.

Des livres religieux alignés sur des étagères, un père et ses deux garçons portant kippas et papillotes, une armoire remplie de vêtements masculins traditionnels… Le géant suédois du meuble Ikea a diffusé ce mois-ci en Israël un catalogue un peu particulier. Destiné à la communauté juive ultraorthodoxe, le prospectus ne contient aucune photo de femmes ou de fillettes à l’intérieur, relève le journal israélien Yediot Aharonot dans un article publié mercredi, qui décrit « un monde imaginaire où des garçons sont élevés dans une société uniquement masculine ».

Lits superposés, bibliothèques conçues pour contenir des livres saints, tables pliantes pour shabbat : le catalogue propose les articles les plus susceptibles d’être utilisés par la communauté haredim, qui représente environ 10% de la population de l’Etat hébreu (8,5 millions d’habitants) et vit dans un strict respect des lois du judaïsme. Les textes du prospectus appellent le lecteur à « profiter du plaisir d’être ensemble en famille », déclinaison hassidique du slogan « njut » de la firme scandinave.

Un catalogue bien différent de la version israélienne classique (visible ici en ligne), qui présente en couverture un homme et trois femmes (tous têtes et bras nus) discutant autour d’une table, une mise en scène fidèle à l’esprit de la marque, qui met en avant depuis plusieurs années des couples gays ou mixtes dans ses publicités (ce qui lui a valu des appels aux boycotts dans les années 90 de la part des conservateurs américains).
Une « élimination des femmes de la sphère publique »

L’absence de femmes du catalogue de meubles version ultraorthodoxe n’a pas laissé indifférent les internautes : « Je ne savais pas qu’il y avait des familles monoparentales dans la communauté haredim », pouvait-on ainsi lire sur Twitter, relaie Times of Israel, qui souligne qu’Ikea possède trois magasins dans l’Etat juif, tous fermés pendant shabbat et les fêtes juives, et dont les restaurants sont casher. Un internaute, Zev Shandalov, a aussi publié une lettre sur Facebook dans laquelle il exprime sa « profonde tristesse » face à ce catalogue, qui participe selon lui à diffuser « une image totalement fausse de ce qu’est une famille juive ». « Vous avez fini par capituler face à l’idée que l’élimination des femmes de la sphère publique est une bonne chose », écrit le professeur israélien, qui juge « honteux » de « faire de l’argent en insultant et en dégradant publiquement les femmes. »

La marque suédoise n’est pas la première faire disparaître les femmes pour se conformer à la vision intégriste des religieux les plus conservateurs : en 2015, le journal hassidique israélien Hamevasser avait effacé d’un coup de Photoshop les silhouettes d’Anne Hidalgo et Angela Merkel sur la photo du cortège des chefs d’Etat et de gouvernement réunis pour la marche du 11 janvier 2015 post-attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher, jugeant la représentation des femmes indécente, rappelle le site les Nouvelles News.
Excuses

Pour essayer d’éteindre la polémique, un responsable local d’Ikea a présenté ses excuses pour le catalogue dans un communiqué relayé par l’agence Religion News Service (RNS) : « Nous comprenons que des personnes ont été choquées et que cette publication n’est pas en accord avec les valeurs d’Ikea, et nous nous en excusons. Nous nous assurerons que nos futures publications reflètent ce qu’Ikea défend, et dans le même temps respectent la communauté haredim », est-il indiqué. La marque de meubles avait déjà fait amende honorable en 2012 après avoir reconnu avoir effacé les femmes de son catalogue saoudien, une affaire qui avait provoqué l’indignation en Suède, pays épris d’égalité femmes hommes.

L’enseigne, qui s’était d’abord justifiée en expliquant qu’elle devait trouver un équilibre entre ses propres valeurs et les législations locales des pays dans lesquels elle était implantée, avait alors promis revoir ses procédures en interne pour qu’un tel incident ne se reproduise plus.

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