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Fillon, l’eternel tricheur : coaché par sms pendant le débat a la Tv

Publie le mercredi 22 mars 2017 par Open-Publishing

Fillon coaché par les SMS pendant le débat TF1 : de la triche, pas de la com’

Durant le débat des candidats sur TF1, François Fillon a été conseillé à distance par sa communicante, via des SMS. Outre que le procédé est déloyal, il interroge sur les ratés de la communication du candidat Fillon.
François Fillon lors du débat de l’élection présidentielle le 20 mars 2017

Des notes et des fiches, l’ajustement des micros : François Fillon se prépare au Grand débat sur TF1. Il aurait aussi, contrairement aux autres candidats bénéficié d’une assistance à distance ... par SMS.
Afp/Patrick Kovarik

Pour le moment, l’affaire prête à sourire, et c’est bien dommage, car elle est grave. Pendant le débat des candidats, sur TF1 lundi soir, François Fillon - qui prétend tout de même à la plus haute fonction de l’Etat - a été coaché, dirigé, conseillé à distance par sa communicante en chef, Anne Méaux. Trois heures durant, le champion Les Républicains, en cachette, de manière sournoise et hypocrite, s’est ainsi offert un avantage dont les autres ne disposaient pas : celui d’être conseillé par une professionnelle de la communication. François Fillon s’est placé dans la position de la marionnette, actionnée via SMS par un ventriloque invisible. Vertigineux.

Le Parisien et le Figaro révèlent l’affaire ce mercredi matin, la traitant au passage comme une anecdote piquante, une saillie drolatique, une bagatelle frivole. "Pendant l’émission, il consultait régulièrement son téléphone sur lequel lui parvenaient en direct notes et conseils d’Anne Méaux" écrit le Figaro. "En plateau, l’ancien Premier ministre avait sa botte secrète. Personne ne l’a vu, mais cet incorrigible geek a passé le débat à envoyer et recevoir des SMS", écrit Le Parisien. Mais l’information est plus qu’une anecdote. Elle dit tous les travers de l’époque où la communication politique à la française se confond avec des pratiques d’influence et de détournement qui ne sont pas de la communication.

En étant conseillé à distance, par SMS, Fillon a triché

En France, les communicants pensent avoir fait leur métier quand ils manipulent de l’influence, demandant un papier ici, en bloquant un autre là. Ce sont des procédés auxquels les deux fondateurs de la communication politique moderne, Pilhan et Colé, même communicants présidentiels, n’ont jamais recouru. De même qu’ils n’auraient jamais inventé un dispositif aussi insensé que celui mis au point entre François Fillon et Anne Méaux pour les besoins du débat de lundi soir. Ils pensaient communication avant de penser influence et non influence pensée en communication.

Il faut oser le dire : François Fillon a triché. C’est un fait. En se donnant les moyens d’être conseillé en temps réel, en douce, il s’est affranchi de toute règle de loyauté. Il n’a pas combattu à armes égales face à Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Marine Le Pen qui, eux, étaient seuls face à leur destin suspendu tout au long du débat.

Oui, ce n’est pas de la communication, mais une tricherie pathétique. Un procédé petit bras. Ni élégance, ni prestance. De quoi inciter les organisateurs des prochains débats à poser une nouvelle règle : interdiction pour les candidats de disposer d’un smartphone ou de tout instrument de communication à distance sur le plateau, le temps du débat.

Ainsi meurt une certaine idée de la communication politique à la française. Que nous dit le procédé usé par Anne Méaux et François Fillon ? Qu’ils ont pensé, l’un et l’autre, que leur dispositif leur permettrait de camper un candidat plus réactif et plus efficient que les autres, puisque dirigé à distance par un œil extérieur. Et qu’a-t-on vu, en vérité ? Un candidat perdu tout au long de la première heure de débat, absent, égaré et émollient… Un candidat comme frappé de stupeur.

Fillon, un candidat qui ne peut plus être que sous perfusion ?

SMS ou pas SMS, une certaine forme de vérité Fillon est apparue comme évidente aux yeux de la partie des téléspectateurs qui ne sont pas inclus dans le dernier carré de ses électeurs irréductibles : François Fillon n’y croit plus, François Fillon a déjà intégré sa défaite, François Fillon ne peut plus être élu président de la République. Ici se mesure le poison du procédé SMS.

Le procédé vaut aveu. Le candidat est dans un tel état qu’il n’est plus possible de le laisser seul se confronter à d’autres candidats. Tout est dit. François Fillon est devenu un candidat sous perfusion, à qui il faut administrer de l’élément de langage par SMS durant un débat comme on administre de la morphine à un malade en souffrance. Sans l’idée qu’il se fait de sa béquille communicante, François Fillon risque de s’effondrer, voilà ce que révèle cette affaire de SMS…

Si Fillon n’est plus dans le coup, le distraire du débat en le bombardant de SMS ne pouvait qu’aggraver la perception de son évanescence. Dans un débat de ce type, l’attention du candidat ne peut pas, ne doit pas être perturbée par l’extérieur… Non seulement l’idée était déloyale, mais elle est était, en outre, contre-productive.

Comme le dit Gérard Colé, "la communication politique, c’est comme la chirurgie esthétique, quand ça se voit, c’est que c’est raté". Et on ajouterait, au regard de ce nouvel épisode encore accablant pour le tandem politico-communicationnel Fillon-Méaux, que lorsque l’on voit la triche, c’est encore plus raté, et que c’est même un peu la honte. Parce qu’à la fin des fins, et cela aussi doit être dit, que Le Parisien et Le Figaro aient pu être informés de cet élément déterminant, c’est la preuve que quelqu’un, quelque part, a vu l’entourloupe, et qu’il a jugé utile d’en avertir les journaux.

La communication du tandem Fillon-Méaux, celle d’un monde disparu

Si l’on excepte la seule séquence allant de l’annulation de la visite au Salon de l’Agriculture à la mise en scène du Trocadéro, pour le coup réussie, la communication Fillon est un lent et long naufrage, une interminable descente aux enfers, une suite de revers et travers, une série à montrer dans les années futures à tous les aspirants en communication politique. "La com’ de Fillon, c’est House of tocards" disent les méchantes langues dans tout Paris. Et tout cela pour une raison simple : cette communication s’est évertuée à faire de l’influence là où il fallait faire de l’image.

La communication du tandem Fillon-Méaux est celle d’un monde disparu. Au hasard et en vrac, notons les fautes. Les passages systématiques au JT de TF1, comme si ce 20h était encore le seul prescripteur pour toutes les générations et les couches sociales… La fuite devant les caméras de Quotidien ou du Petit journal, montrant un candidat en panique… Le recours à des éléments de langage à la papa, portés par des figures d’un autre siècle, tels Jean-Pierre Raffarin ou Gérard Larché au lendemain du débat de TF1, "François Fillon a la stature"… Et ainsi de suite… Tout semble pensé et conçu pour un univers médiatique qui n’aurait pas bougé depuis 1988… Anne Méaux sait-elle qu’Yves Mourousi a été remplacé par Jean-Pierre Pernaut au 13h de TF1 ?

Si Anne Méaux avait fait de la communication politique, avant le débat sur TF1, elle aurait aidé son candidat en amont, pensant avec lui et pour lui à créer l’un de ces moments de télévision qui avait fait sa force durant la Primaire LR, anticipant les éventuelles attaques ou questions compliquées, cherchant des angles nouveaux pour atteindre Macron ou Le Pen… Il est d’abord question d’imagination anticipatrice, pas de réaction en temps réel.

La communication politique appliquée à l’élection présidentielle est une aventure qui doit solliciter l’imaginaire français. Une aventure dont le candidat est un héros, pas une marionnette. Jupiter lance la foudre, il ne répond pas à ses textos.

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