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EN MARCHE CONTRE L’INFORMATION - Trois médias visés par la plainte du ministère du travail, LIBÉRATION, MEDIAPART, LE PARISIEN

par MANUEL JARDINAUD ET DAN ISRAELMEDIAPART

Publie le jeudi 15 juin 2017 par MANUEL JARDINAUD ET DAN ISRAELMEDIAPART - Open-Publishing

La plainte du ministère du travail pour « vol et recel » après des fuites relatives à la réforme du code du travail vise les articles de Libération, du Parisien et de Mediapart. Ces trois médias ont chacun dévoilé des documents qui perturbent la mécanique gouvernementale sur ce sujet.

Confirmation : la plainte contre X du ministère du travail pour « vol de document, recel et violation du secret professionnel », déposée la semaine dernière, vise Mediapart, Le Parisien et Libération. Ces trois médias ont, à tour de rôle depuis fin mai, publié des documents confidentiels relatifs à la réforme du code du travail. Celle-ci, que le gouvernement veut faire passer grâce à des ordonnances, fait actuellement l’objet de discussions avec les partenaires sociaux.

Selon nos informations, c’est le ministère du travail qui a décidé de la manière de faire pour contrer ces fuites qui perturbent la communication du gouvernement. À Matignon, on dit assumer cette plainte pour lutter contre la déloyauté au sein de l’administration. Ce matin, néanmoins, mini marche arrière : la qualification de « recel » semble devoir être abandonnée, « car la presse n’est nullement visée par la plainte », affirme la journaliste de RTL Élisabeth Martichoux dans un tweet citant Matignon. Un recul que confirme Mediapart.

Sur le fond, ce pas de côté ne change rien. Il s’agit avant tout de frapper fort contre les sources journalistiques pouvant perturber le processus qui mènera, en octobre prochain, au vote du Parlement sur cette réforme du code du travail plus que sensible. Précisément, à travers cette action, le ministère du travail souhaite identifier la ou les personnes qui ont transmis des documents aux trois médias. En premier lieu, le calendrier ultra-serré de la réforme dévoilé par Médiapart le 31 mai dernier. Jamais démenti par le ministère, il confirmait pour la première fois la volonté farouche du gouvernement d’aller vite, très vite, pour faire voter ses ordonnances et tenter d’étouffer dans l’œuf toute possibilité de contestation.

Autre élément visé, celui publié par Le Parisien, qui a dévoilé, le lundi 5 juin, un texte de 10 pages qualifié « d’avant projet de loi ». Ce document, daté du 12 mai dernier, liste neuf projets d’ordonnances, dont certaines traitent de sujets jamais encore évoqués durant la campagne par Emmanuel Macron, comme l’introduction des éléments du contrat de travail dans la négociation au sein de l’entreprise. Une véritable révolution.

Troisième document dans le viseur de la justice : un tableau, mis en ligne par le quotidien Libération le 7 juin, provenant de la Direction générale du travail. Il recense de manière très précise des hypothèses de réforme encore jamais annoncées, comme celle du CDD ou de l’augmentation du seuil des effectifs pour le déclenchement des plans sociaux. Des réformes inacceptables aux yeux de certains syndicats. Plus que troublant sur la volonté de dialogue du gouvernement, le document propose même des articles de lois pré-rédigés, comme si tout était déjà décidé en haut lieu. La ministre du travail avait, dans un premier temps, balayé l’importance de cette révélation, avant de demander à son administration de porter plainte, telle une DRH de multinationale souhaitant préserver ses secrets industriels.

Ce feuilleton judiciaire montre à quel point le gouvernement est fragile sur sa communication, qu’il souhaite verrouiller au maximum. Le retrait de la qualification de « recel » visant les journalistes sert surtout à redorer son blason, en surface. Car cette procédure contournant le droit de la presse est désormais une méthode classique pour museler l’émergence d’informations dérangeantes, comme le rappelait récemment Edwy Plenel, le président de Mediapart.

Quoi qu’il en soit, et malgré ces péripéties judiciaires, le sujet de la réforme du code du travail est loin d’être épuisé. Le premier round de consultations avec les partenaires sociaux se poursuit ce mercredi avec la CFE-CGC et l’U2P (artisans et professions libérales), après les rencontres avec la CGT, la CFTC, FO et le Medef en début de semaine. En outre, selon le calendrier dévoilé par Mediapart et bien que les négociations n’en soient qu’à leur début, ce 14 juin marque la date de l’envoi du projet de loi d’habilitation au Conseil d’État. Y aura-t-il des fuites ?

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https://www.mediapart.fr/journal/france/140617/trois-medias-vises-par-la-plainte-du-ministere-du-travail?onglet=full