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Télévision. «  Pour le Che, la guérilla devait avoir ses propres médias  » (vidéo)

par Laurent Etre

Publie le lundi 9 octobre 2017 par Laurent Etre - Open-Publishing
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Un documentaire Che Guevara, naissance d’un mythe, qui met l’accent sur le rapport du guérillero-ministre à sa propre image et le rôle potentiellement révolutionnaire des outils d’information.

Entretien avec son auteur, Tancrède Ramonet.

Votre documentaire s’intitule Che Guevara, naissance d’un mythe. Qu’entendez-vous par «  mythe  »  ?

Tancrède Ramonet Je l’entends au sens de Roland Barthes, qui définissait le mythe comme un «  système de communication  », un «  message  ». Mon idée, avec ce documentaire, était de montrer la manière dont a été construite l’image de Che Guevara et comment elle a pu être utilisée dans une bataille de communication entre les grandes puissances, durant la guerre froide. Mais je ne fais pas le même travail que Barthes, pour ce qui est de l’analyse de l’idéologie à l’œuvre. Je reviens simplement à l’origine du mythe, et j’expose les étapes de sa construction. Le documentaire bat ainsi en brèche l’idée selon laquelle le Che se serait adonné à un délire narcissique. Nous ne sommes pas en présence d’un culte de la personnalité. Si le Che a accepté la mise en avant de son image, c’était pour promouvoir son idéal révolutionnaire.

Le «  mythe  » correspond donc à l’homme…

Tancrède Ramonet Exactement. Dans le film, j’essaie de réunifier Che Guevara et son mythe. On ne peut comprendre l’un sans l’autre. Aujourd’hui, il existe une tendance à séparer le mythe de l’homme, pour mieux salir celui-ci, que l’on fait passer pour un abominable tortionnaire, un idéaliste prêt à passer sur le corps de ses adversaires… On salit l’homme et on rend le mythe inefficace. C’est ce qu’a fait, par exemple, le journaliste Serge Raffy, l’été dernier (1).

Quelle a été l’action du Che par rapport aux médias  ?

Tancrède Ramonet Comme Fidel Castro, Che Guevara était convaincu que la guérilla devait disposer de ses propres organes d’information. C’est ainsi qu’il crée Radio Rebelde («  radio rebelle  ») dès 1958, dans la sierra Maestra. Il s’agissait de proposer à la population une autre information que celle qui lui était donnée par le gouvernement de Batista, lequel impose alors une censure digne des plus grandes dictatures. Rappelons que, sur les sept cents jours que dure la guérilla, on en compte à peu près six cent quatre-vingts durant lesquels la censure s’applique à tous les médias cubains. À peine la révolution a-t-elle triomphé que Che Guevara crée l’agence de presse Prensa Latina, qui doit porter la parole des révolutionnaires cubains, permettre aux autres pays d’être réellement informés sur ce qui se passe à Cuba. Dans le même temps, Che Guevara nationalise les titres de presse et exproprie les journaux d’opposition. Et, bien sûr, n’oublions pas que la première mesure de la révolution, c’est la création de l’institut du cinéma cubain, l’Icaic.

En quoi était-il important pour vous de mettre l’accent sur cette action de la révolution cubaine par rapport aux médias  ?

Tancrède Ramonet La question de l’information se pose partout où des forces progressistes prennent le pouvoir. Il faudra aussi se la poser en France, où 10 milliardaires contrôlent l’essentiel des médias. Lors de la dernière campagne présidentielle, on a pu constater la force médiatique déployée contre toutes les propositions de changement, notamment celles portées par Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise, qui n’ont pourtant rien à voir avec un projet d’insurrection armée.

Au final, quel est le trait le plus saillant de la figure de Che Guevara  ? N’est-ce pas son volontarisme  ?

Tancrède Ramonet Ce volontarisme est ce qui fait à la fois sa force et sa faiblesse. Une critique qui lui était faite, de son vivant, était de sous-estimer le poids de la réaction et l’imprégnation du capitalisme dans les mentalités. Pour autant, le Che n’était pas un volontariste délirant. Il est d’abord et avant tout marxiste, sa vision est dialectique. Il y avait chez lui l’idée que la révolution va changer l’homme, mais que, en même temps, il faut commencer à changer l’homme, par l’éducation, pour que la révolution puisse advenir.

Tancrède Ramonet,

réalisateur et producteur

(1) Voir le dossier de l’Obs du 27 juillet au 2 août 2017, intitulé «  Les derniers secrets du Che  », et sa critique par Jean Ortiz  : «  Le Che et les “raffyrinades”  », sur www.humanite.fr

https://www.humanite.fr/television-pour-le-che-la-guerilla-devait-avoir-ses-propres-medias-643251


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