Exonération.

Il est rare que mon téléphone sonne.

En général c’est toujours une annonce commerciale, mais comme j’ai la vue basse, et que vois que du flou sur l’écran de mon téléphone, je ne veux pas prendre le risque de rater un appel important.

J’ai définitivement déclaré forfait au sujet de ces appels.

Elles commencent toutes par « Monsieur x », pouvez-vous m’accorder quelques instants ?

La voix est tellement suave, chaleureuse, qu’il faudrait vraiment être de mauvaise humeur pour dire « non, je n’ai pas une seule seconde ».

Mais cela fait 15 fois.

15 fois que je reçois le même appel concernant une exonération de taxe foncière dans certains cas, et nous avons des informations vous concernant qui permettent de penser que vous pourriez bénéficier d’un allègement conséquent des taxes qui vous sont actuellement imposées.

Maintenant, je ne raccroche plus.

J’attends patiemment que l’esclave opérateur (trice) ait fini son introduction.

Et j’observe un silence calculé d’environ sept secondes.

« Monsieur x », vous avez entendu ?

Et je prend la voix la plus calme du monde, le ton le plus mesuré possible, pour répondre.

Votre proposition est très intéressante, mais voyez-vous, je suis locataire et non propriétaire, et donc je crains que votre offre ne me concerne pas.

Merci et pardon pour le dérangement est la réponse, avant que la tonalité ne disparaisse.

Dans deux jours j’aurai exactement le même appel.

J’essaie en ce moment d’étoffer ma réponse pour qu’elle soit plus longue et difficile à déchiffrer du premier coup.

Par exemple :
« Oui, j’ai été jadis un propriétaire fortuné, mais des Marxistes-Léninistes ont nationalisés mes terres. Il peut donc être possible de faire appel au Vatican pour que justice me soit enfin rendu. »

Je pense que la tonalité cessera bien avant que je finisse ma phrase.