Accueil > Tribunal Européen des Droits Humains, Amnesty International...dénoncent (...)

Tribunal Européen des Droits Humains, Amnesty International...dénoncent l’Etat espagnol !

par Antoine (Montpellier)

Publie le jeudi 15 mars 2018 par Antoine (Montpellier) - Open-Publishing
9 commentaires

Les partis du régime (PP, PSOE, Ciudadanos) répondent : rien à cirer !

Alors que la situation est confuse et reste tendue en Catalogne, que le Gouvernement de Madrid ne parvient plus à obtenir de majorité pour voter le budget, que les retraités se lèvent en masse contre les mesures qui appauvrissent encore plus leurs pensions, que les féministes espagnoles ont fait une incroyable démonstration de force pour réclamer, parmi d’autres revendications, l’égalité des droits pour les femmes, que les affaires de corruption dans le Parti Populaire défrayent toujours plus la chronique judiciaire et affaiblissent la crédibilité du Chef du Gouvernement et de ses ministres... le Tribunal Européen des Droits Humains, siégeant à Strasbourg, et Amnesty Internationalinterpellent sans ménagement les autorités espagnoles sur leur non-respect de la liberté d’expression.

Brûler une photo du couple royal, c’est une manifestation de la liberté d’expression. Voilà la position du Tribunal Européen des Droits Humains (TEDH), qui a pris en considération le recours présenté par deux jeunes : ils avaient été condamnés pour injures envers la Couronne pour avoir brûlé une photo du Roi et de la Reine en 2007 à Gérone en signe de protestation pour la visite, dans la ville, de Juan Carlos I et Sofía. Les magistrats européens pensent que la condamnation au pénal infligée à ces jeunes par la Justice espagnole « constitue une interférence avec la liberté d’expression ».

La Audiencia Nacional avait condamné en 2008 les deux jeunes à quinze mois de prison qui avaient été remplacés par une amende de 2700 euros. Le Tribunal Constitutionnel avait rejeté en 2015 le recours intenté par les condamnés, décision qui avait suscité quatre positionnements divergents au sein du tribunal. Les jeunes avaient finalement saisi l’Europe pour l’« ingérence injustifiée » qu’induisait, selon eux, la condamnation dans leur droit à la liberté d’expression qui est protégée par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits Humains (CEDH).

Plus de dix ans après les faits, le TEDH donne raison, à l’unanimité, aux deux jeunes et conclut, dans la sentence publiée ce mardi (consultable en français), que l’acte de brûler la photo de Juan Carlos I et Sofía, qui avait valu à Enric Stern et Jaume Roura d’être condamnés, « n’avait pas été une attaque personnelle contre le roi d’Espagne visant à mépriser et à offenser » l’institution mais « l’expression symbolique du rejet et de la critique politique » de la monarchie.

En conséquence de quoi, les magistrats estiment que la Justice espagnole a porté atteinte à l’article 10 de la CEDH par la condamnation au pénal des jeunes pour avoir brûlé des photos et ils condamnent l’Espagne à leur restituer les 2700 euros de l’amende par laquelle ils avaient été sanctionnés et à les indemniser à hauteur de 9000 euros. La sentence à l’encontre de l’Etat espagnol est exécutoire. 

Les magistrats soutiennent que « la mise en scène orchestrée, bien que donnant lieu à cet acte de brûler l’image des monarques, est une forme d’expression d’une opinion dans le contexte d’un débat portant sur une question d’intérêt public, à savoir, l’institution de la monarchie ». Ils rappellent que la liberté d’expression protège non seulement les actes ou idées considérés « non offensants » mais également ceux qui génèrent « commotion » et « préoccupation ».

Les juges européens inscrivent la protestation organisée par ces jeunes dans le cadre d’« une critique à l’endroit du roi, en tant qu’il est chef et symbole de l’appareil de l’Etat », critique que lesdits militants indépendantistes avaient réalisée en mettant le feu à une photographie, mise à l’envers, de Juan Carlos I et Sofía. Les magistrats [se font plus précis quand ils écrivent] que le fait de brûler les photos « participe de la critique politique ou de la dissidence et correspond à un rejet de la monarchie en tant qu’institution ».

Le TDEH démonte l’argumentation avancée par sept des onze juges du Tribunal Constitutionnel (TC) pour rejeter le recours sollicité par les jeunes. Les magistrats du TC avaient considéré que brûler publiquement le portrait des monarques n’était pas qu’un acte « offensant » mais aussi une incitation à la haine et à la violence. Le TC avait interprété la protestation de ces deux jeunes comme « exprimant l’idée que les Monarques méritaient d’être mis à mort ».

Les magistrats européens rejettent totalement l’idée que l’acte de brûler les photos des monarques puisse être considéré une incitation à la haine et ils rappellent que ce type de délits protège des minorités subissant des discriminations pour des raisons de race ou de sexe. Par là, les magistrats de Strasbourg pensent qu’opérer, comme a fait le TC, un lien entre le fait de brûler des photos des monarques et le discours de haine et la violence « porterait préjudice au pluralisme, à la tolérance et à ce qui fait qu’il y ait une société démocratique ».

Le TEDH, par cette position, s’inscrit dans la logique des positionnements particuliers émis par les magistrats progressistes du TC, qui, en s’opposant au critère majoritairement validé par le plénum du tribunal, avaient considéré que celui-ci devait juger recevable le recours intenté par les deux jeunes. La magistrate Adela Asua, suivie par son collègue Fernando Valdés Dal-Ré, avait rappelé ceci dans l’énoncé de son positionnement particulier : « La critique usant de grossièreté, la manifestation politiquement incorrecte, les gestes ou actes désagréables, de mauvais goût ou recourant à une exagération choquante ne peuvent pas être exclus du champ légitime de la liberté d’expression ».

https://blogs.mediapart.fr/antoine-montpellier/blog/150318/le-tribunal-europeen-des-droits-humains-rappelle-lordre-la-justice-espagnole

Messages

  • Ce tribunal est élu par qui et comment ?Il le faut légitime pour s’occuper des affaires intérieures d’un pays ...

    • Peu importe par qui il est constitué, un tribunal européen, du strict point de vue de la lutte des exploités n’a d’intérêt que dans le clivage qui peut s’opérer entre lui et, en l’occurrence, l’Etat espagnol. Que la sentence du TEDH s’oppose à la justice espagnole alors que l’Etat espagnol se réclame de l’Europe, en particulier, pour appuyer ses politiques anipopulaires, que, par réaction, le Gouverneemnt espagnol et les partis du régime en viennent à dire qu’ils se contrefoutent de cette décision européenne, cela crée un brouillage de la légitimité de l’Etat espagnol ! Il se contredit sur l’Europe, il révèle que celle-ci ne l’intéresse que pour attaquer les classes populaires et tout cela aux yeux du peuple espagnol. C’est cela qui est en jeu : on doit mener une offensive frontale, indépendante de l’Etat et de sa Justice et contre l’UE mais aussi savoir créer les porte-à-faux dans les institutions de l’ennemi. A ce titre, je n’ai aucune illusion sur le TEDH, je me fous de sa légitimité, il me semble simplement utile pour enfoncer un coin dans le bloc de pouvoir espagnol et lui enlever de sa légitimité. Légitimité pour légitimité, il me suffit que "normalement" l’Etat espagnol doive reconnaître la légitimité du TEDH : ce n’est pas le cas et c’est une bonne leçon de choses.

    • l"ingérence chez les autres me gène et ne s’applique qu’à quelques uns , triés sur le volet .A t- on jamais vu un tribunal s’ingérer chez les Américains qui, eux s’ingèrent et frappent partout ?
      Laissons les Espagnols se débrouiller , ils sont grands et on a assez à faire chez nous avec Macron, Mayotte, les DOM etc...

    • Ce concept de "chez les autres" m’est étranger. Je suis internationaliste et, tout comme dans le monde actuel (mais ça ne date pas d’aujourd’hui), le capital a son propre "internationalisme", si on veut riposter à la bonne hauteur, la pire des choses est de parler de "chez soi", chez les autres ! Cela sert à couvrir les dictateurs et leurs alliés et cela s’appelle abandonner des peuples au bon vouloir de "leurs" tyrans. Très peu pour moi. C’est clair, nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde... L’expérience de la Guerre Civile espagnole m’a vacciné contre ce que tu proposes !

    • Antoine tu à pas honte de compare les brigades international qui on combattu les fascistes de Franco avec ta demande au pouvoir impérialistes américaine et a la mème coalition des pays que ont dévasté le moyen orient d’intervenir militairement dans tous ces pays on se rappelle la position du NPA faut faire la guerre en Libye en Irak en Égypte en Syrie et quoi encore ????

      Donc tu compares les camarades internationalistes des année 30 avec l’armée des unités spéciales de la CIA et du US Marine Corps ????

    • Ma position a à voir avec ce que les Kurdes du Rojava (et d’ailleurs) acceptent, à savoir l’appui logistique US, et que donc tu condamnes ! Tu n’as pas honte de prendre une position qui est un coup de poignard dans le dos des Kurdes ? J’attends ta réponse pour rajouter quelque chose sur ton délire concernant l’appui du NPA aux guerres que tu évoques : dans l’immédiat je note que nous n’étions pas au même endroit à l’époque pour que tu n’aies pas vu la présence du NPA dans les manifs antiguerre !

    • Mea culpa Roberto, lu trop vite ton post. Je suis en désaccord avec ta position mais je parlais de la position sur les guerres d’Irak contre Sadam Hussein. Donc, ne tiens pas compte de cette partie du message. En revanche, je maintiens sur la question des Kurdes. Je reviendrai plus tard sur le sujet.

    • En mars 2011, deux jours après l’adoption de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies autorisant la guerre en Libye, Gilbert Achcar a publié une interview louant la guerre en tant qu’opération humanitaire pour empêcher que le régime du colonel Mouammar Kadhafi n’attaque les groupes d’opposition à Benghazi.

      Gilbert Achcar a dit : « Mais, vu l’urgence qu’il y a à empêcher les massacres qui résulteraient inévitablement d’un assaut sur Benghazi par les forces de Kadhafi et l’absence de tout autre moyen alternatif pour atteindre ce but protecteur, personne ne peut raisonnablement s’y opposer… On ne peut pas, au nom de principes anti-impérialistes, s’opposer à une action qui éviterait un massacre de la population civile. »

      Il a qualifié les alliés libyens de l’OTAN « de mélange de militants des droits humanitaires, de partisans de la démocratie, d’intellectuels, d’éléments tribaux et de forces islamistes – une très large coalition… Finalement, il n’y a aucune raison d’avoir une approche différente à leur égard qu’à l’égard de n’importe quel autre soulèvement de masse survenu dans la région. »

      Il avait écrit, « Les questions cruciales sont donc les suivantes : pourquoi la campagne aérienne menée par l’OTAN en Libye est-elle de si basse intensité, non seulement en comparaison de la composante aérienne de la guerre menée pour la mainmise sur l’Irak, également riche en pétrole, mais aussi en comparaison de la guerre aérienne pour le Kosovo, territoire peu important sur le plan économique ? Et pourquoi l’Alliance s’est-elle abstenue en même temps de fournir des armes aux insurgés comme ils l’ont demandé à maintes reprises ? »

    • Oui, cette position d’Achcar tient compte d’une donnée essentielle qui fait rupture, mais seulement partiellement, avec ce qui s’est passé avec l’aide internationale à la République espagnole : présence sur le terrain de Brigades Internationales mais politique de non-intervention des "démocraties" européennes et donc acceptation, par elles, du déséquilibre militaire au détriment de la République espagnole ! Je pose au passage la question : est-ce que l’appel des républicains espagnols à ce que ces démocraties (capitalistes) et pas seulement le Front Populaire français apportent une aide militaire à la République était une erreur monumentale ?

      Retour sur Achcar et les révolutions démocratiques de 2011 : la différence avec l’Espagne, c’est l’incapacité du mouvement ouvrier et démocratique international à venir aider directement ces révolutions. Mais il y a identité avec la situation espagnole dans l’appel à l’aide militaire internationale : le fait qu’en Espagne elle ait été refusée alors qu’en Syrie, pour ne prendre que ce qui a cours actuellement, elle ait été acceptée par une partie de "l’international", les Etats Unis, ne change rien au fait que si une démarche d’appel était juste en 36-39 en Europe, elle n’est pas fausse en 2018. Ou alors, il faut expliquer pourquoi.

      Je note, au demeurant, que l’appui US, inexistant aujourd’hui sur la Ghouta, n’a jamais permis aux révolutionnaires d’obtenir la seule arme qui aurait fait plier Assad, l’arme antiaérienne ! Pourquoi ? Parce que, contrairement à la légende entretenue par certains, les Etats-Unis sont d’accord sur un point essentiel avec la Russie : ne pas faire tomber le régime baassiste. La divergence, secondaire, c’est que les uns voulaient (aujourd’hui ce n’est même plus le cas) faire tomber Assad pour sauver le régime (Etats-Unis) alors que les autres (les Russes) voulaient sauver le régime en gardant Assad ! Cela veut dire que les oppositions entre Russie et Etats-Unis devraient commencer par voir où elles portent. Achcar évoque tout cela, citations à l’appui, dans tous ces écrits.

      Et donc l’appel à aider les insurgés, y compris du côté des US : eh oui, les Kurdes montrent que cela est possible, en jouant des contradictions de la géopolitique desdits US. L’appui militaire aux Kurdes se fait sur la base d’une hégémonie politique des Kurdes sur le terrain des combats. Plus clairement dit : se faire aider par les Etats-Unis n’implique pas mécaniquement devenir le suppôt des US. Je ne crois pas, mais peut-être je me trompe, que tu penses que les Kurdes sont les agents des Américains par le seul fait de recevoir leurs aides, c’est probablement plus compliqué que ça, non ? Quant à savoir si accepter l’aide des Russes (et des intégristes iraniens !) d’un dictateur comme Poutine à un personnage comme Assad c’est moins pire qu’accepter l’aide US aux Kurdes, la question pourrait être posée. Car il n’y a pas les purs anti-impérialistes, acceptant ou soutenant les Ruses-Iraniens-Assadiens d’un côté et les sales collabos (les Kurdes ?) des impérialistes US de l’autre...

      Enfin la position de ceux qui, négligeant ces subtilités sur la géopolitique US, prétendent que ce qui se joue en Syrie est une offensive américaine pour faire tomber Assad, devraient lire ceci : "Revenons sur l’idée avancée selon laquelle l’Occident chercherait à renouer avec un récit acculant Bachar el Assad dans le but de préparer une intervention militaire. Monsieur el Khal peut-il nous donner son avis d’expert sur cette question : si la diffusion de ces images sert à préparer les esprits en vue d’une attaque, pourquoi l’Occident n’est-il pas intervenu militairement quand il en a eu l’occasion, à l’été 2013, lorsque le régime syrien a bombardé la population de la Ghouta au gaz sarin ? Pourquoi les USA, les Anglais et les Français n’ont-ils pas saisi l’opportunité en or de cette intervention offerte par le régime ayant dépassé la ligne rouge fixée par Barack Obama — intervention qui se serait faite avec l’approbation de toute l’opinion internationale à ce moment ? Pourquoi encore, alors qu’il y a un an les médias français tenaient le même discours sur Bachar el Assad qui dévastait Alep, la France n’est-elle donc pas intervenue ? Cela fait-il 7 longues années que « les puissances occidentales » nous préparent psychologiquement à une intervention en Syrie qui ne vient toujours pas ? Car pour l’instant les puissances occidentales brillent surtout par leur abandon total de la cause du peuple syrien. Un silence tacite, complice et du coup coupable de la communauté internationale." (lire ici)

      Pour finir : ne pas aider quelqu’un dans un tel conflit, c’est aider quelqu’un d’autre. En l’occurrence à dénoncer la menace US pour rejeter que des résistants à la dictature puissent demander l’aide US, cela revient à laisser que la Russie aide le dictateur syrien alors que celui-ci est tout sauf un progressiste (un dictateur progressiste est un oxymore obscène) mais, en quelque sorte, pire, il est un agent de l’économie libérale, en somme capitaliste, imposée à son pays qui plus est dans une logique clanique qu’il serait fort dommageable de soutenir au nom de l’intérêt des peuples. Quant aux djihadistes, aujourd’hui en déroute, il y aurait beaucoup à dire sur ce à quoi ils ont servi en Syrie pour sauver la mise à Assad avant que, très vite, comme cela s’est fait ailleurs avec d’autres, ils se retournent contre lui !