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QUE NOUS RESTE-T-IL ?

par Raymond H

Publie le jeudi 14 juin 2018 par Raymond H - Open-Publishing

Que nous reste-t-il à nous filles et fils de prolétaires qui étions jeunes en 1968 ?
Que nous reste-t-il, à nous, les grands absents des commémorations du cinquantenaire des « évènements de mai 68 » ?
Que nous reste-t-il de cet espoir que nos parents, nos familles prolétaires portaient avec nous en 1968, portaient à travers nous ?
Que reste-t-il de ce renouveau du projet communiste que nous portions, comme nos parents et nos familles l’avaient porté avant nous en 1936 puis pendant la résistance ?
Plus rien de médiatique ou de médiatisable. Et pourtant, plus que jamais, nous sommes là.

Certes la bourgeoisie au service du projet capitaliste a des capacités de résistance et de retournement formidable ; elle a le pouvoir idéologique, économique et donc la contrainte sociale et politique. Tout cela servit par un appareil d’état et de propagande aux ordres.
Même si le capitalisme créée involontairement les conditions objectives de la révolte des prolétaires [bien qu’il en ait conscience il ne peut rien faire car la concurrence intra-système, nécessaire moteur de son développement, aboutit à cela et c’est incontrôlable], les conditions idéologiques, organisationnelles et politiques de la révolution ne sont pas totalement au rendez-vous pour dépasser les révoltes : il s’agit principalement de l’existence d’un parti des communistes à même d’organiser le prolétariat et de lui faire porter le projet communiste.

Que reste-t-il de « mai 68 » ?
Des voleurs, des traites, des réformistes sont passés par là.
Ils nous ont manipulés en jouant de la radicalité pour mieux nous séduire, puis nous ont trahis en éclatant nos organisations ou en rentrant dans le rang. Ils sont retournés dans les chaussons de leur classe d’origine, la classe moyenne, la petite-bourgeoisie (et parfois même la grande bourgeoisie).

Que reste-t-il ?
Un PS croupion, moribond (enfin) qui s’est construit sur la vague de 1968 mais qui n’a jamais été dans le camp des prolétaires.
Un PCF tout aussi révisionniste et sectaire qu’en 1968, qui n’en finit pas de mourir et dont la longue fin de vie est un obstacle à tout renouveau et à la construction d’un vrai parti des communistes.
Une France Insoumise inspirée par Podemos, qui joue de la radicalité de paroles, agglomérant ainsi les mécontents, mais qui défend un projet de société qui s’accommode du capitalisme en le réformant à la marge sans toucher à ses fondements.
Des syndicats qui essaient de se maintenir et d’être autonomes sur le terrain, mais dont les directions sont liées idéologiquement aux partis ou organisations politiques. Ce qui limite leur marge de manœuvre et fait repoussoir à des adhésions.
Les blackblocs, nouvelle radicalité dans un monde contestataire consensuel.
Mêmes erreurs stratégiques que la majorité du mouvement autonome de la fin des années 1970 : la violence pour la violence ; pas de programme politique ; pas de liens politiques aux masses ; élitistes par certains aspects ; refus de l’outil du parti des communistes. Cela vient du fait que la direction politique et militaire est aux mains de la petite-bourgeoisie urbaine intellectuelle qui peut bien se révolter car, de toute façon, elle a la sécurité sociale de se maintenir (ce que n’ont pas les prolétaires). Pour l’instant ça brille mais ça ne va pas loin.

Que nous reste-t-il alors ?
Sur le plan organisationnelle, pas grand-chose de fort (une ou deux organisations révolutionnaires qui se maintiennent tant bien que mal ; des syndicats de classe dans des entreprises ; …).
Mais, nous reste la haine de classe que nos parents et nos familles nous ont donnée en héritage et que nous vivons encore.
Cette haine de classe qui nous permet de garder espoir, de lutter, de nous organiser à tous les niveaux.
Cette haine de classe qui nous permet de distinguer nos amis de nos ennemis pour éviter de nouvelles trahisons et garder notre autonomie de penser et d’action ainsi que le cap de la marche au communisme.
Cette haine de classe qui sert à nous maintenir unis, nous prolétaires quelque soit nos origines et notre sexe et de ne pas fricoter avec le premier venu ou d’apporter notre soutien à des gens troubles et luttant pour d’autres intérêts.
Cette haine de classe, intacte, là, indéfectible, invisible car non médiatisable et non médiatisée, mais réelle et profonde.

Il nous reste donc quelque chose de formidable que la bourgeoisie n’arrivera pas à nous enlever pas plus que la petite-bourgeoisie n’arrivera à récupérer, car elles s’en sont responsables tant qu’ils existent en tant que telles, en tant que classes exploiteuses.

Vive le communisme (« producteurs sauvons-nous nous même »).