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Embrouille sur le SMIC : gagner plus, la même chose, et moins en même temps !

par Stéphane Ortega

Publie le lundi 10 décembre 2018 par Stéphane Ortega - Open-Publishing
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Une des mesures qu’annoncerait ce soir Emmanuel Macron pour répondre à la colère des gilets jaunes pourrait être la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Une façon de remplacer le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy par un « travailler plus pour avoir moins de protection sociale »

 

« Notre politique est de faire en sorte que le travail paye », martèlent inlassablement, depuis des semaines, tous les ministres invités sur les plateaux de télévision et dans les matinales. Ceci, afin d’expliquer le sens de leur politique en plein mouvement de protestation des gilets jaunes. Pourtant, depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, les Français ont surtout retenu les mesures en faveur des plus fortunés, en particulier la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière qui coûte à l’État plus de trois milliards d’euros par an.

En réalité, depuis18 mois, le gouvernement a surtout fait en sorte que le capital paye. La transformation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour les entreprises en allégement permanent des cotisations patronales a été confirmée dans la loi de finances 2019. Elle coûte 20 milliards d’euros supplémentaires au budget de l’État cette année, en plus des 20 milliards annuels du coût du CICE. Autre mesure favorable aux entreprises : la baisse du taux d’imposition sur les sociétés. Elle doit passer de 33 à 25 %d’ici 2022. Un manque à gagner chiffré à 11 milliards. Cerise sur CAC40, l’imposition des revenus du capital a été unifiée et réduite pour un coût de plus d’un milliard chaque année. Toutes ces mesures sont animées par une philosophie, celle du ruissellement, consistant à prophétiser que ce « pognon de dingue » redescendra des « premiers de cordés » vers les couches moins privilégiées de la société.

 

Salaires : donner d’une main, reprendre de l’autre !

 

Du côté du travail, la philosophie générale de ce gouvernement, comme des précédents, est à la modération salariale. Objectif : renforcer la compétitivité des entreprises. Ainsi, aucun coup de pouce sur le SMIC n’est attendu, au-delà des +1,8 % annoncés, compensant à peine l’inflation, évaluée à + 1,9 % sur les 12 derniers mois. Dimanche 9 décembre, la ministre du Travail Muriel Pénicaud, a même signifié qu’augmenter le salaire minimum détruit des emplois. Par conséquent, une des annonces pressenties du chef de l’État pourrait être la suppression des cotisations sociales pour les salariés et les employeurs sur les heures supplémentaires.

Tout, sauf un changement de cap ! En 2018, le gouvernement a déjà déduit 3,15 % de cotisations maladies et chômage du salaire brut, compensées par une hausse de la CSG touchant aussi les retraités. Résultat : une vingtaine d’euros en plus sur la fiche de paye pour une personne rémunérée au SMIC. Pas de quoi remplir le frigo en fin de mois. En réalité, un simple transfert sans augmentation réelle des revenus des salariés. En effet, le montant du salaire global n’a pas été modifié par cette mesure. Une partie de la rémunération – le brut – étant transférée de la protection sociale au salaire net. Pas tout à fait un gain pour les plus modestes.

De plus, il s’agit d’une mesure ayant pour philosophie l’individualisation dans la mesure où la partie socialisée du salaire allant à la Sécurité sociale et à l’Unédic est rendue disponible immédiatement au salarié. Parallèlement, le gouvernement exige des « partenaires sociaux » une économie de plus d’un milliard d’euros par an dans le cadre des négociations sur l’assurance chômage. Les marges de manœuvre d’un tel cadrage sont étroites : baisse du temps d’indemnisation, réduction du montant des allocations, ou encore restriction des conditions d’attributions. D’une certaine façon : habiller faiblement le salarié au SMIC pour déshabiller celui privé d’emploi.

Une disparition, ce coup-ci, des cotisations sociales sur les heures supplémentaires procède du même principe de basculement d’une partie du salaire servant à la protection sociale vers le salaire net. Mais cette fois, pour augmenter son revenu immédiat, un salarié devra travailler plus longtemps en effectuant des heures complémentaires ou supplémentaires. Ces mêmes heures dont la majoration peut être baissée par un accord d’entreprise depuis la loi travail. Une étonnante façon de prétendre « faire en sorte que le travail paye ».

https://rapportsdeforce.fr/pouvoir-et-contre-pouvoir/embrouille-sur-le-smic-gagner-plus-la-meme-chose-et-moins-en-meme-temps-12102749

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