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Philippe Martinez : une erreur de diagnostic fondée sur un déni !

par jodez

Publie le lundi 7 janvier 2019 par jodez - Open-Publishing

Le diagnostic erroné

Dans un très récent interview (voir i-après) Ph. Martinez attribue les mauvais résultats électoraux de la CGT doublée par la CFDT (à 11.000 voix près précisons cependant) à un comportement qui serait trop idéologique.
Préconisant d’en revenir au concret et de redevenir le syndicat de la feuille de paye.

POURTANT si on a un peu de mémoire le même constat a été fait dans les années 90 à partir du bilan de la chute des effectifs de 2 millions en 1975 à 855.000 dont 200.000 retraités en 1992.

A l’époque quasiment les mêmes arguments étaient évoqués pour expliquer les difficultés : l’élitisme militant, l’évolution du salariat, la nécessité de fonder l’activité syndicale sur les besoins et les aspirations des salariés.

Et plus de 25 ans après ces objectifs (1 million d’adhérents) n’ont toujours pas été atteints, les conquêtes sociales sont en panne et les conquis sociaux issus de la Libération sont TOUS remis en cause avec une aggravation de l’agression sous Macron.

Les arguments utilisés aujourd’hui par Ph. Martinez pour expliquer les difficultés de la CGT posent donc un sérieux problème.

Le déni

Sauf à considérer qu’ayant établi un juste diagnostic des problèmes il y a 25 ans rien n’a été fait pour mettre en œuvre les préconisations de l’époque c’est le diagnostic lui-même qui doit être remis en question et qui doit porter lui sur le choix des ORIENTATIONS fait à l’époque et qui persiste encore aujourd’hui !

Mais depuis des années les dirigeants de la CGT successifs, Bernard Thibault, Thierry Lepaon et à présent Philippe Martinez se refusent à examiner la pertinence des orientations des années 90 : l’acceptation de la construction européenne et l’appel incantatoire à une Europe sociale impossible, l’adhésion à la CES, le retrait de la FSM, l’acceptation du "dialogue social", le "syndicalisme rassemblé", l’alliance privilégiée avec la CFDT et les conséquences de ces choix ET sur la santé de la CGT et sur le sort des travailleurs ! :

Pourtant, les mauvais diagnostics de l’époque conduisent aux mauvais résultats d’aujourd’hui, et à nouveau un mauvais diagnostic ne peut conduire qu’à de nouveaux déboires.

Car en quoi la CGT est-elle trop idéologique ?
En quoi les revendications les plus concrètes ont-elles été abandonnées ?
Surtout, ses statuts qui se réclament de la Charte d’Amiens affirment la nécessité de la DOUBLE BESOGNE qui a pour caractéristique précisément de NE PAS SÉPARER la lutte revendicative quotidienne ET le combat pour le changement de société de contenu anti-capitaliste.
Démarche qui a un contenu évidement idéologique.

Mais comment trouver un défaut à cette aspiration dans un moment de crise systémique du capitalisme, de creusement considérable des inégalités, de précarisation et d’appauvrissement massifs de larges fraction des travailleurs et des populations ET à un moment où le mouvement des gilets jaunes le montre, c’est le système, sa logique, ses institutions mêmes qui sont mis en cause à une large échelle ?
Chez les travailleurs et plus largement dans la population.

Et que c’est un constat séculaire du mouvement ouvrier dans la lutte de classe qui l’oppose à la bourgeoisie et à l’oligarchie tout conquis est sans cesse remis en cause tant que perdure le pouvoir de la classe exploiteuse.

Les enjeux et les défis d’aujourd’hui pour le syndicalisme et pour la CGT

Et comment ne pas s’interroger en ce présent brûlant sur le rejet des organisations, syndicats compris, par des populations précarisées qui engagent une puissante lutte qui met le pouvoir en grande difficulté, rejet fondé sur la considération que toutes ces organisations font parties du système, ce qui effectivement les déconsidèrent à leurs yeux.

Et bien que les bases de la CGT fassent preuve d’une belle combativité comment ne pas s’interroger sur cette institutionnalisation bien réelle des organes de direction quand on la rapporte par exemple à la revendication proclamée du "dialogue social" quand on sait que ledit dialogue est financé par l’état ET par le patronat en faveur des organisations syndicales notamment de l’ordre de plusieurs dizaines de millions ?

Quelle indépendance donc par rapport au système de domination et d’exploitation et à sa reproduction politique et institutionnelle ?

Et quels résultats du dialogue et de la concertation quand seule la puissance et la détermination de la lutte, l’appui de l’opinion sont en mesure de faire reculer le pouvoir comme le prouve le mouvement actuel ?

Et où sont passé précisément dans le quotidien les efforts, les démarches la lutte idéologique pour dénoncer la domination de classe et le fait qu’elle se pérennise ?

Une autre question évoquée dans l’interview de Ph. Martinez pose aussi problème qui relève quant au fond de l’orientation du "syndicalisme rassemblé" et de la recherche d’une unité de sommet qui fait l’impasse sur la nécessaire clarification des orientations des uns et des autres devant les travailleurs.

Car comment mettre de côté les divergences avec la CFDT qui non seulement se comporte comme le porteur d’eau du pouvoir (écouter par exemple Laurent Berger ce dimanche matin sur France inter) , accompagne toutes les contre-réformes mais encore s’est fixé comme objectif depuis longtemps de "passer devant la CGT" avec l’appui du patronat et de tout le gratin réactionnaire et social démocrate ?

Pour servir les intérêts des travailleurs ?
NON PAS mais pour tenter d’en finir comme le proclamait récemment Le Figaro avec la Charte d’Amiens et les traditions de lutte de classe en France.

Ne rien dire de cela, faire comme s’il s’agissait de simples divergences sans importance et sans conséquences pour les travailleurs et les luttes c’est tourner le dos aux exigences de l’heure et préparer de nouvelles déconvenues pour l’organisation.

Et c’est bien pourquoi les questions que nous posons doivent obtenir réponse et faire partie intégrante du débat pour le 52e congrès confédéral.

En un mot faire le bilan de la stratégie appliquée depuis 25 ans !

En en finissant avec l’argument sans cesse brandi du rejet des arguments qui empruntent la voie publique comme violant le débat interne.

Car c’est précisément le déni, l’absence de prise en compte des causes réelles et profondes des écueils que rencontre la CGT par les directions et les congrès successifs qui conduisent les militants à porter le débat sur la place publique, afin qu’il devienne enfin incontournable au sein de l’organisation !

Pour le plus grand bien de la grande CGT qui doit impérativement retrouver les couleurs et les reliefs de sa grande histoire.

Le Front Syndical de Classe
7 janvier 2019

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SOURCE : Le Figaro
4 Janvier 2019

L’interview en question :

Martinez : « la CGT est parfois trop idéologique »

La CGT, qui a perdu sa place de premier syndicat au profit de la CFDT, est "parfois trop idéologique" et doit "redevenir le syndicat de la feuille de paie et du carreau cassé", estime aujourd’hui son secrétaire général Philippe Martinez.

"Si nous sommes passés deuxièmes, c’est parce que nous sommes parfois trop idéologiques et pas assez concrets. Nous devons redevenir le syndicat de la feuille de paie et du carreau cassé", analyse Philippe Martinez dans un entretien aux journaux du groupe Ebra. Le "carreau cassé" (de l’atelier) était une expression utilisée par l’ancien secrétaire général (1982-1992) et figure de la CGT Henri Krasucki, pour souligner que le syndicat devait d’abord s’intéresser au quotidien des salariés avant de tenir de grands discours.

"Si elles veulent regagner un peu de crédibilité, les organisations syndicales de ce pays doivent mettre de côté leurs divergences et travailler ensemble sur des revendications concrètes. La mobilisation aux ronds-points, c’est bien, la mobilisation dans les entreprises, c’est mieux", insiste M. Martinez.

Par rapport aux "gilets jaunes", le responsable syndical estime qu’il n’est "pas possible de courir ou marcher avec eux au niveau national, car il n’y a pas d’organisation, pas de ligne... Mais dans les territoires, il y a eu des manifs communes, des tracts communs avec une main rouge et une main jaune qui se serrent". "Il y a des choses à faire ensemble, à condition d’éviter des dérives racistes, antisémites, qui sont marginales mais qui existent", juge-t-il.

Secrétaire général de la CGT depuis 2015, lorsqu’il a succédé à Thierry Lepaon, Philippe Martinez indique qu’il décidera "fin janvier" s’il sollicite un nouveau mandat lors du congrès de Dijon du 13 au 17 mai.

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