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Casino : quand des syndicats font le jeu du capitalisme sauvage

par François

Publie le jeudi 21 mars 2019 par François - Open-Publishing

Le groupe Casino – pilier de la grande distribution française et internationale – traverse une période de restructuration un peu mouvementée. Sous le feu d’attaques boursières répétées, le groupe est aussi la cible de tirs fratricides : des accusations syndicales déconnectées des réalités du terrain, et dont la finalité pose question. A se demander à qui profite le crime…

Casino : Non à la mort programmée. Le 19 mars dernier, le titre de cette publication du syndicat CFDT n’est pas passé inaperçu à Saint-Etienne où siège le groupe. Seulement voilà, par un jeu de billard à trois bandes, ce qui semble constituer une défense proactive des salariés du groupe apparaît surtout comme un coup de poignard dans le dos. « La marque Casino est vouée à disparaître, explique le secrétaire général CFDT services Loire/Haute-Loire Guillaume Touminet, dans les colonnes du Progrès. Le propos n’est pas détaillé et l’argumentation ne va pas plus loin que ce jugement cinglant. Mais le mal est fait, et on se demande bien si ce n’est pas le but.

En effet, beaucoup de contre-vérités – même dites de bonne foi – brouillent les cartes dans le dossier Casino. Sur le plateau de la chaîne de TV locale TL7, la déléguée syndicale CFDT chez Casino, Estelle Silbermann a exprimé ses craintes, avec nombre d’imprécisions : « Nous avons appris la vente des magasins Monoprix par voie de presse. Nous découvrons ça comme tout le monde, sans savoir ni où, quand, comment. Nous ne voulons pas payer le prix du changement et des innovations. Aujourd’hui, les salariés du groupe Casino sont très angoissés. Quels magasins seront concernés ? A priori, ce serait surtout des hypermarchés accusant des baisses de chiffre d’affaires. Et 20 hypermarchés, ce sont 2000 emplois directs ! Et combien d’indirects ? » Alarmistes et anxiogènes, les syndicats passent sous silence l’essentiel de l’opération : céder des magasins à la concurrence, ce n’est pas les fermer ni licencier. Et si certains magasins vont bien devenir locataire de leurs murs, on ne voit pas très bien le rapport avec l’emploi des salariés qu’évoque le syndicat.

Le timing des charges répétées contre la direction de Casino pose lui aussi question. Celle-ci voit dans le communiqué de la CFDT un « tissu de mensonges ». Le directeur des ressources humaines, Jean-Claude Delmas, ne comprend pas : « Je trouve le document scandaleux et accusateur. C’est une démarche malveillante en direction de Casino et de ses collaborateurs. Si certains actifs sont cédés, dont quelques hypermarchés et supermarchés qui étaient durablement déficitaires, sans qu’il y ait de plan social, c’est pour répondre à l’amélioration de la dette et pour pouvoir investir dans d’autres activités stratégiques. »

Casino-Carrefour, la hache de guerre pourrait toujours servir

Depuis plusieurs mois, Casino s’est en effet séparé de plusieurs de ses plus grandes surfaces afin de rembourser une partie de la dette contractée au fil des années pour appuyer ses investissements. Une dette qui a servi aux attaques sur les marchés. En 2018, le titre Casino Perrachon a été attaqué à de multiples reprises. Rebelote en 2019. Les 14 et 15 mars derniers, le titre a de nouveau été pris pour cible par des vendeurs à court terme – short sellers – perdant près de 10 points à la Bourse de Paris en deux jours. Le 14 au matin, la direction du groupe publiait pourtant ses résultats pour 2018, très encourageants. Mais la veille, le 13 mars, une pétition était mise en circulation sur Internet, relayée sur Twitter par un représentant syndical SNEC… chez Carrefour. Tiens, tiens.

Rapide retour en arrière sur l’épisode Carrefour. Nous sommes le dimanche 24 septembre 2018. A Saint-Etienne, la moutarde monte au nez de la direction de Casino : à 23h, un conseil d’administration spécial est convoqué, un communiqué de presse sort dans la foulée. « Casino a été sollicité depuis quelques jours par Carrefour en vue d’une tentative de rapprochement. Le groupe Casino entend mener toutes les actions nécessaires pour défendre l’intérêt social et l’intégrité du groupe. Le conseil d’administration a décidé à l’unanimité de ne pas donner suite à cette approche. Il observe également que celle-ci est faite alors que le marché du titre Casino a fait l’objet de manipulations spéculatives coordonnées à la baisse d’une ampleur inédite depuis plusieurs mois ». Chez Casino, les syndicats sont dans leur rôle et expriment leur inquiétude pour les emplois dans la balance, car un rapprochement avec Carrefour fait peur. Mais, aujourd’hui peut-être instrumentalisés à leur insu, ils pourraient provoquer ce qu’ils redoutent, suivant l’exemple de ce que Carrefour a fait de Dia.

Quand Carrefour sabordait Dia

Cinq mille. C’est le nombre de salariés qui se sont retrouvés sur le carreau en 2018 quand Carrefour a liquidé 273 magasins Dia. Ce qui ne sera pas le cas chez Casino. Pourtant, la CFDT de la Loire est persuadée de « la volonté de sacrifier les enseignes historiques stéphanoises Géant et Casino ». Des accusations très virulentes qui font surtout le jeu des fonds spéculatifs qui gardent un œil sur le cours en Bourse qui oscille actuellement autour de 39 euros, espérant qu’il dévisse encore. En affaiblissant l’image de leur propre groupe, les syndicats donnent des munitions aux spéculateurs, et de gros calibre. Ils sont bien en train de tirer une balle dans le pied de leurs adhérents, en prenant le risque de provoquer ce qu’ils dénoncent. Absurde… ou intentionnel ?