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Georges Moréas, ancien commisaire principal, parle de déontologie, Gilets jaunes et ménage de printemps à la PP

par nazairien

Publie le dimanche 24 mars 2019 par nazairien - Open-Publishing

Georges Moréas, l’ancien commissaire principal, parle de déontologie et du devoir d’obéissance . (Ce commissaire ne ménage pas la "Hiérarchie" et ceux qui leurs donnent les ordres)

Celui-ci rappelle le devoir d’obéissance « sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Et le policier ou le gendarme qui exécute cet ordre, sachant qu’il est illégal, engage sa responsabilité au même titre que le donneur d’ordre – et même « l’ordre écrit ne l’exonère pas de sa responsabilité ».

L’article R 211-13 du code de la sécurité intérieure, dit que « l’emploi de la force par les représentants de la force publique n’est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire au maintien de l’ordre public… »


par Georges Moréas, commissaire principal honoraire de la Police Nationale

Pour masquer son incapacité à régler politiquement un problème de société, le gouvernement a décidé d’étêter la préfecture de police de Paris, en commençant par le préfet, Michel Delpuech, dit Louis XIV (on n’est pas à deux Louis près). Et dans la corbeille, ces prochaines semaines, les têtes risquent de s’entasser, car c’est bien la PP qui est dans le collimateur. Approche l’aube des boucs commissaires !

D’après Le Canard enchaîné, pour se dédouaner, Delpuech aurait proposé au Premier ministre, pour les manifs à venir, des mesures de quasi-guerre civile : état d’urgence (l’état de siège, c’est pour plus tard) interdiction de manifester dans la capitale, couvre-feu, fermeture des bouches de métro, etc. Des trucs aberrants, mais qui, en grattant bien, peuvent néanmoins trouver une base légale. Ce qui n’est pas toujours le cas des instructions données aux forces de l’ordre ces dernières semaines.

Pour Édouard Philippe, la raison du pataquès de samedi dernier tient au fait que la stratégie adoptée par le gouvernement n’a pas été correctement exécutée. « Il y a eu des dysfonctionnements », a-t-il souligné, faisant notamment référence au fait que les policiers et les gendarmes ont reçu des munitions moins puissantes (en fait les munitions préconisées par le fabricant) pour garnir les lanceurs de balle de défense et aussi pour en limiter leur usage. Pas un mot de reproche au ministre de l’Intérieur, responsable en droit du maintien de l’ordre public. Ni la moindre interrogation sur l’état d’esprit des CRS et des gendarmes mobiles.

On entend tout à propos de ces manifestations hebdomadaires et de cette arme, le LBD 40 : ceux qui disent « Faut tirer dans le tas ! » et ceux qui implorent « Arrêtez le massacre ! ». Mais la crainte des gens de métier, c’est de voir demain un gilet jaune pépère tué par les forces de l’ordre. Et il y a des voix qui s’élèvent dans la police (pas assez je trouve), pour dire qu’il serait temps pour ceux qui nous rabâchent que la France est un État de droit de mettre leurs instructions en adéquation avec leurs allégations. Christophe Castaner devrait prendre à son compte ce précepte républicain : dans une manifestation politique, il n’y a pas d’ennemis à combattre, mais des Français à convaincre ; plutôt que de s’exposer à un sobriquet en prônant la castagne.

En attendant, certains font de la résistance passive, comme ces OPJ d’un commissariat parisien cités par Mediapart, qui renâclent à effectuer les gardes à vue d’opérette prescrites par leur hiérarchie, des gardes à vue qui ressemblent à s’y méprendre à des arrestations administratives. Et ils n’ont pas tort, car, quelles que soient les instructions, chaque policier, chaque gendarme, est responsable personnellement de ses actes. Que ce soit en mordant les lignes du code de procédure pénale ou en dénaturant l’usage de la force légitime.

Pour s’en convaincre, ils n’y a qu’à ouvrir le code de déontologie.

Celui-ci rappelle le devoir d’obéissance « sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Et le policier ou le gendarme qui exécute cet ordre, sachant qu’il est illégal, engage sa responsabilité au même titre que le donneur d’ordre – et même « l’ordre écrit ne l’exonère pas de sa responsabilité ».

L’article R 211-13 du code de la sécurité intérieure, dit que « l’emploi de la force par les représentants de la force publique n’est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire au maintien de l’ordre public… » Les deux ministres en charge ne l’ont peut-être pas lu, eux qui préconisent a priori l’utilisation de la force pour disperser physiquement les manifestations à venir, voire pour empêcher qu’elles ne se forment. Montrant ainsi leur incapacité à neutraliser les quelques centaines de casseurs ou pilleurs qui ternissent l’image des manifestants sincères. Et pourtant, séparer le bon grain de l’ivraie, c’est l’ABC du maintien de l’ordre, tel qu’on l’apprend dans les écoles de police.

Et à cette escalade guerrière du verbe, Emmanuel Macron en rajoute une couche en déclarant vouloir faire appel à l’armée, même s’il ne s’agit en fait que de renforcer le dispositif « Sentinelle ». En droit, l’article L. 1321-1 du code de la défense rappelle qu’ « aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale » (à l’exclusion de la gendarmerie nationale). Cette réquisition doit mentionner si l’emploi de la force nécessite ou non l’usage des armes.

Je ne crois pas qu’une telle réquisition ait été prise. Il s’agirait donc d’un effet d’annonce. Mais en braquant les projecteurs sur ces jeunes soldats, il y a un vrai risque, celui d’inciter les manifestants à une confrontation qui pourrait être violente ou au contraire fraternelle. Deux situations opposées qui seraient sans appel pour le pouvoir en place.

Et à ce cafouillage « intersamedi » vient s’ajouter l’envie de créer de nouveaux textes, comme la loi anticasseurs actuellement en stand-by au Conseil constitutionnel, voire de porter l’amende pour participation à une manifestation interdite de 38 à 135 €. Ce qui en a fait sourire plus d’un.

En fait, il n’y a jamais eu un tel panel de lois et de règlements à la disposition du pouvoir exécutif pour faire face à des mouvements conflictuels. Mais il manque un petit truc : le droit de procéder à des interpellations préventives. C’est l’objet essentiel de la loi anticasseurs : donner aux forces de l’ordre des pouvoirs de police administrative et de police judiciaire pour permettre un contrôle des personnes et des véhicules dans le périmètre d’une manifestation à venir. Contrôles qui peuvent aboutir à une garde à vue, le temps pour le suspect de s’expliquer… et le temps que la manif passe.

Il existe d’ailleurs déjà un texte qui va dans ce sens. Il date de 1995 et dit que dans les 24 heures qui précèdent une manifestation, le préfet peut prendre un arrêté interdisant le port ou le transport, sauf motif légitime, de tout objet pouvant servir d’arme, et que pour assurer le respect de cet arrêté, les policiers et les gendarmes sont autorisés à fouiller les véhicules et à saisir les objets suspects. Mais le Conseil constitutionnel a émis un bémol, estimant que de telles opérations mettant en cause la liberté individuelle de chacun ne pouvaient se faire que sous le contrôle de l’autorité judiciaire, gardienne de cette liberté. Le texte existe toujours, c’est l’article L 211-3 du code de la sécurité intérieure, mais son application est soumise aux réquisitions du procureur de la République. Il perd ainsi sa raison d’être : l’initiative de terrain.

Le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur la loi anticasseurs, se montrera-t-il toujours aussi soucieux de nos libertés individuelles !

D’après Le Monde, le gouvernement va profiter des défaillances dans le dispositif du maintien de l’ordre, lors des manifestations de samedi dernier à Paris, pour mettre à bas la toute puissante préfecture de police. Les mauvaises langues murmurent qu’il s’agit d’un règlement de comptes après l’affaire Benalla… Franchement, quelle que soit la raison, je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment, car, même s’il est un peu rouillé, l’outil est là, et ce n’est pas dans la tempête qu’on change de voilure. Pour mémoire, le général de Gaulle s’y était essayé après l’affaire Ben Barka, pour finalement se contenter de créer une police nationale, ce qui n’était déjà pas si mal, mais laissant quasi intacte l’auguste maison.

http://moreas.blog.lemonde.fr/2019/03/22/gilets-jaunes-et-menage-de-printemps-a-la-pp/