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L’activisme de la CFDT locale fait polémique chez Casino, à Saint Etienne

par Mathieu Nicolas

Publie le lundi 25 mars 2019 par Mathieu Nicolas - Open-Publishing

L’agitation pré-électorale a saisi les élus syndicaux stéphanois de Casino, au moment où le groupe de distribution fait face à de nombreuses attaques. La CFDT Casino a choisi l’attaque frontale et le sensationnalisme médiatique pour frapper les esprits. Sa proximité avec leurs homologues de Carrefour et l’irresponsabilité de la démarche font pourtant polémique à Saint-Etienne.

Ce n’est un mystère pour personne… en difficulté sur le cœur de son modèle économique (l’hypermarché en périphérie urbaine pour résumer), Carrefour pourrait rêver de mettre la main sur les pépites du groupe Casino, comme Monoprix ou Cdiscount et tenter une sortie par le haut. En septembre 2018, des discussions ont bien eu lieu, mais Casino a claqué la porte au nez : le groupe Casino n’est pas à vendre, car contrairement à son puissant concurrent, il se porte plutôt bien, comme en attestent les bons résultats 2018 après une année pourtant chahutée.
Le groupe Casino reste chahuté sur le terrain boursier : ayant massivement investi pour se transformer efficacement, le groupe est endetté. Or, c’est le seul prétexte qu’attendaient les hedge funds pour lancer l’offensive. Le cours du titre Casino chute lourdement à plusieurs reprises sous l’action simultanée (d’aucuns diront « coordonnée ») des fonds activistes anglo-saxons, spécialisés dans la vente à découvert, consistant à gagner de l’argent en spéculant à la baisse en dépit de toute rationalité économique, ou de considération pour les salariés.

Mais la baisse du cours ne profite pas qu’à ces « fonds vautours » : plus le cours baisse, plus la perspective d’une OPA devient potentiellement financièrement alléchante pour Carrefour. Quitte à jouer la carte de la subversion ? En tout cas, l’agitation syndicale s’invite sous d’étranges auspices qui posent question.
Tout a commencé la veille de la présentation des résultats, par un simple tweet : un syndicaliste SNEC CFE CGC de Carrefour relaie bien à propos une pétition interne de la CFE-CGC… Casino. Solidarité entre syndicats ? Peut-être, mais l’entrisme des syndicats Carrefour chez Casino va un peu plus loin. Le 20 mars, c’est au tour de la CFDT Loire de monter au front dans un document alarmiste relayé par le quotidien régional Le Progrès. Sur la base d’une analyse non communiquée et d’une part éloquente de spéculation, le syndicat promet l’avenir le plus sombre au groupe de Saint-Etienne. Cette prise de position anxiogène à l’excès fait figure de douche froide pour les salariés. Pourtant, les cessions d’actifs non stratégiques vont se poursuivre dans les années qui viennent, mais ni plan social, ni licenciement ne sont heureusement à l’ordre du jour.

Cette prise de position de la CFDT Loire consterne en interne : non seulement la direction, qui dénonce sans ambages un acte de « malveillance », mais aussi le SNTA FO Casino, le syndicat majoritaire qui rappelle sans détour que « les syndicats ont également une grande responsabilité vis-à-vis de leurs collègues, celle de ne pas déployer de fausses informations ou de fausses rumeurs à caractère anxiogène et chacun doit veiller à ce que les déclarations reflètent la réalité. » La CFDT Loire, piquée au vif, n’a pas tardé à répliquer dans un tract dénonçant ses détracteurs comme des menteurs, sans toutefois apporter d’éléments supplémentaires.
L’explication de ce jusqu’auboutisme de la CFDT est vraisemblablement à chercher du côté de la signature : Guillaume Touminet, Secrétaire général de l’Union départementale CFDT Loire, qui est venu le 22 mars à des négociations syndicales avec Casino accompagné de… Thierry Duchez, délégué central CFDT Carrefour Market, trésorier du comité d’entreprise Carrefour Market et du CCE Carrefour…

Pour ceux qui en doutait encore, Carrefour a donc bien ses entrées chez Casino, le ticket d’entrée étant fourni par « connivence syndicale ». On se demande seulement si ces derniers réalisent bien les dangers du jeu auxquels ils se prêtent. Carrefour est encore en plein plan social, et compte tenu du sort réservé à la dernière enseigne rachetée par Carrefour (feu l’enseigne Dia), les salariés auraient toutes les raisons de s’inquiéter de cette proximité de leurs syndicats avec Carrefour. Il est d’ailleurs surprenant de constater l’activisme de la CFDT lorsqu’il s’agit des affaires internes de Casino, au moment même où Carrefour annonce un accord de rupture conventionnelle collective portant sur 1500 suppressions de postes, plan jugé « cohérent » par… la CFDT. A en perdre son latin.