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Privatisation d’ADP : Macron et les copains de la finance

par Hélène Grumal

Publie le vendredi 12 avril 2019 par Hélène Grumal - Open-Publishing

Comme l’a dévoilé Le Canard Enchaîné, un conseiller de la présidence de la République s’apprête à retourner chez Ardian au moment même où ce fonds d’investissement privé est candidat à une prise de participation dans Aéroports de Paris avec les départements d’Ile-de-France. Ça fait désordre…

Le Canard Enchaîné a révélé l’information dans son édition du mercredi 3 avril 2019 : Emmanuel Miquel, conseiller entreprise, attractivité et export de la présidence de la République depuis juin 2017, après avoir passé trois ans comme senior advisor dans le fonds privé d’investissement Ardian et œuvré comme trésorier de l’association de financement d’En marche !, a décidé de retourner aujourd’hui… chez Ardian. « La commission de déontologie est saisie », précise Le Canard. Le contraire eût été étonnant.

Des questions déontologiques ne manqueront pas de se poser en effet au vu d’un tel parcours professionnel, malheureusement de plus en plus courant. Mais ce nouvel aller-retour privé-public d’un jeune loup de la finance, qui fut également un pilier de la levée de fonds du futur président de la République durant la campagne présidentielle, tombe surtout particulièrement mal au moment même où Ardian est candidat au rachat d’Aéroports de Paris (ADP), aux côtés des départements d’Ile-de-France.

En effet, pour éviter que le contrôle d’ADP ne soit cédé à un groupe privé, les sept départements d’Ile-de-France (hors Paris) se sont portés candidats au rachat de 29,9 % du capital d’ADP. Mais comme l’investissement (environ six milliards d’euros) est hors de leur portée financière, ils n’ont rien trouvé de mieux que de s’allier avec Ardian, un fonds d’investissement… privé, dont le métier est bien de valoriser au maximum ses prises de participations avant de les revendre.

La logique du discours laisse perplexe : pour éviter de vendre au privé, on vend donc au privé, mais avec un peu de public en vitrine. Pour « protéger » une infrastructure majeure du pays et garantir les projets d’investissements indispensables, on veut la vendre à… des financiers purs et durs. Jugez du peu : « La branche Infrastructure d’Ardian, accompagnant les projets industriels, vient de réunir la respectable somme de dix milliards d’euros pour acheter des portions de routes, de pipelines et d’aéroports au sein de l’Union européenne. Moyennant quoi Ardian promet à ses investisseurs un rendement de 10 % ! Appétissant… », indique ainsi Le Canard Enchaîné. Mais de tels rendements annoncés sont généralement peu compatibles avec les investissements que vont nécessiter les aéroports parisiens pour faire face à la hausse attendue du trafic : l’ambition de construire un projet industriel sur des infrastructures majeures ne pèse pas lourd face aux exigences de rentabilité à court terme.

Et en la matière Ardian ne s’embarrasse pas de scrupules :« Le 28 mars, le groupe a annoncé la cession de sa participation de 49,2 % dans les parkings Indigo, acquis en 2014. A l’époque, la société était valorisée deux milliards d’euros ; elle en vaut aujourd’hui entre trois et quatre milliards. Les nouveaux proprios sont Français et Allemand mais Ardian a été à deux doigts de revendre à un groupe chinois », précise la journaliste du Canard.

Comment les départements d’Ile-de-France ont-ils pu s’embarquer dans ce mauvais Plan B ? Pour justifier leur proposition, ils ne craignent pas les paradoxes : ils disent bien vouloir éviter « des opérateurs purement privés pour un actif aussi stratégique qu’ADP qui n’auraient comme priorité que le seul rendement. » N’est-ce pas pourtant là, justement, le premier objectif d’un fonds d’investissement ? « Ils sont prêts à pactiser avec des requins de la finance et à se retrouver un jour face à des Chinois », s’étonne un industriel cité par Le Canard.

Aujourd’hui, cette révélation d’un nouvel épisode du copinage entre la politique et la finance vient encore plus plomber ce plan B. Elle vient confirmer, s’il en était encore besoin, qu’un actif stratégique comme ADP ne peut pas être bradé à des acteurs purement financiers, qui ont vocation à se retirer du capital des entreprises une fois qu’ils ont fait fructifier leurs actifs. Cela reviendrait à faire d’ADP une cible potentielle permanente.

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