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11 Septembre 1973 : LES DERNIÈRES PAROLES DE SALVADOR ALLENDE (video)

par Roberto Ferrario

Publie le mercredi 11 septembre 2019 par Roberto Ferrario - Open-Publishing
2 commentaires

Mes amis,

C’est certainement la dernière fois que j’aurai à m’adresser à vous. La force aérienne a bombardé les tours de Radio Portales et de Radio Corporación. Mes paroles ne sont pas marquées d’amertume mais de déception, et seront le châtiment moral de ceux qui ont trahi leur serment : les soldats du Chili, les commandants en chef titulaires et l’amiral Merino, qui s’est promu lui-même, sans oublier Monsieur Mendoza, général perfide qui, hier encore, manifestait sa fidélité et sa loyauté au gouvernement, et aujourd’hui vient de s’autoproclamer directeur général des carabiniers.

Devant ces faits, il n’y a qu’une seule chose que je puisse dire aux travailleurs : je ne démissionnerai pas !

Placé à un tournant historique, je paierai de ma vie la loyauté du peuple. Et je suis certain que la semence déposée dans la conscience digne de milliers et de milliers de Chiliens ne pourra être arrachée pour toujours.

Ils ont la force, ils pourront asservir, mais les processus sociaux ne s’arrêtent avec le crime ni avec la force.

L’histoire nous appartient et ce sont les peuples qui la font.

Travailleurs de ma patrie,

Je tiens à vous remercier de votre loyauté de toujours, de la confiance que vous avez deposée en un homme qui ne fut que l’interprète des grands désirs de justice, qui donna sa parole de respecter la Constitution et la loi, et qui l’a tenue.

Dans cet instant ultime, le dernier où je puisse m’adresser à vous, je vous demande que vous mettiez à profit cette leçon : le capital étranger et l’impérialisme, unis à la réaction, ont créé le climat pour que les forces armées rompent leur tradition, celle que leur enseigna le général Schneider et que réaffirma le commandant Araya, qui tombèrent victimes de la même couche sociale qui, aujourd’hui, attend bien au chaud qu’une main étrangère lui rende le pouvoir pour continuer à défendre ses profits et ses privilèges.

Je m’adresse tout d’abord à la modeste femme de notre terre, à la paysanne qui a cru en nous, à l’ouvrière qui a travaillé plus, à la mère qui a compris de notre préoccupation pour les enfants.

Je m’adresse aux travailleurs des professions libérales qui ont eu une conduite patriotique, à ceux qui ont agi contre la sédition encouragée par les organisations corporatives, ordres de classe qui ne cherchent qu’à défendre les avantages que la société capitaliste n’accorde qu’à une poignée.

Je m’adresse à la jeunesse, à ceux qui chantèrent et communiquèrent leur joie et leur esprit de lutte.

Je m’adresse à l’homme du Chili, à l’ouvrier, au paysan, à l’intellectuel, à tous ceux qui seront persécutés... car dans notre pays le fascisme s’est déjà fait connaître depuis longtemps dans les attentats terroristes, faisant sauter les ponts, coupant les voies ferrées, détruisant les oléoducs et les gazoducs, bénéficiant du silence de ceux qui avaient l’obligation d’assurer la défense... L’histoire les jugera !

Radio Magallanes sera sûrement réduite au silence, et le son tranquille de ma voix n’arrivera plus jusqu’à vous.

Peu importe, vous continuerez à l’entendre, je resterai toujours à vos côtés ; mon souvenir sera au moins celui d’un homme digne qui fut fidèle à la loyauté des travailleurs.

Le peuple doit se défendre, mais pas se sacrifier. Le peuple ne doit pas se laisser cribler ni écraser, mais il ne doit pas non plus se laisser humilier.

Travailleurs de ma patrie,

J’ai crois au Chili et en son destin. D’autres hommes sauront dépasser ce moment gris et amer où la trahison prétend s’imposer. Allez de l’avant et sachez que dans un avenir plus proche que lointain s’ouvriront à nouveau les larges avenues par où s’avancera l’homme libre pour construire une société meilleure.

Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vivent les travailleurs !

Celles-ci sont mes dernières paroles.

J’ai la certitude que mon sacrifice ne sera pas inutile ; j’ai la certitude qu’il sera tout au moins une leçon morale pour châtier la félonie, la couardise et la trahison.

Salvador Allende


Messages

  • Gloire éternelle à SALVADOR ALLENDE tombé sous les coups du fascisme, botte secrète du Capitalisme qui n’ose pas dire sa véritable nature ! Celle-ci étant de défendre ses privilèges coûte que coûte parce que le fascisme est sa créature si besoin est, toujours là pour tenter de pérenniser sa dictature politique et économique ! Sa prétention de défense de la démocratie c’est d’assurer et faire survivre son régime maudit ! Le Président ALLENDE savait bien que son Idéal était celui des Peuples cherchant à se libérer de leurs chaînes ! Son sacrifice n’a pas été vain , d’autres Révolutionnaires se sont levés depuis sur le continent Américain et ailleurs ! L’expérience de ce Président courageux à servi pour parvenir enfin à des majorités pauvres et misérables à gagner leur dignité à vivre dans un pouvoir à leur écoute et qui leur appartient et non plus à une minorité d’exploiteurs avides et assoiffés de gains qui sont toujours SANS FIN parce que c’est cela la dogmatique capitaliste !

  • "Le peuple doit se défendre, mais pas se sacrifier. Le peuple ne doit pas se laisser cribler ni écraser, mais il ne doit pas non plus se laisser humilier."
    Allende et son gouvernement ont, en bons sociaux-démocrates (plus radicaux que les nôtres), désarmé le peuple. Au sens politique (trop consensuel en espérant arrêter un coup d’état qui s’annonçait depuis longtemps) comme au sens militaire (interdiction a été faite de former des milices révolutionnaires. Les martyrs c’est bien mais pas quand ils entraînent dans leur sillage tout un peuple et le sacrifie. ça n’enlève rien, bien sûr, à la violence insu portable des factieux derrière Pinochet. Mais l’histoire en aurait été toute autre si le peuple avait été armé ... dans tous les sens du terme.