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La pandémie capitaliste

par VIA CAMPESINA

Publie le mardi 7 avril 2020 par VIA CAMPESINA - Open-Publishing

https://viacampesina.org/fr/communique-de-la-via-campesina-face-a-la-crise-il-faut-maintenir-notre-humanisme-nonaublocus/

Communiqué de La Via Campesina :

Face à la crise, il faut maintenir notre humanisme #NonAuBlocus

6 avril 2020

(Harare, le 6 avril 2020) La Via Campesina appelle à défendre les principes humanitaires comme condition indispensable pour lutter en solidarité et en unité face à la crise de COVID 19. De plus, LVC dénonce encore plus fortement les pratiques impérialistes et l’ingérence des États-Unis dans ce contexte. Nous considérons qu’il est urgent de lever le blocus économique et de mettre fin à la persécution politique et à la sale campagne contre Cuba et le Venezuela. Ces pays ont besoin de conditions concrètes pour répondre souverainement, efficacement et en temps opportun aux besoins de leurs peuples et protéger la dignité et la vie dans tous les sens du terme. Le blocus les empêche notamment d’avoir accès aux ressources et aux intrants requis pour faire face à la crise du coronavirus dans des conditions optimales.

La pandémie capitaliste et celle du COVID 19 révèle le spectre d’un «  système en crise,  » pervers, inégal et injuste, qui continue de profiter et d’opprimer les classes ouvrières et populaires du monde, en rendant la vie encore plus précaire et en menaçant la survie de l’humanité. Cela contraste fortement avec la solidarité et l’humanisme du gouvernement cubain et de sa révolution qui a déployé sur le champ et sans distinction de nationalité ou de frontières des «  Brigades médicales cubaines  » dans divers pays du monde, notamment en Italie, l’un des principaux foyers de propagation en Europe, dans le but de contribuer solidairement à la lutte mondiale contre la pandémie.

Alors que de nombreux États et mouvements organisés de la planète, comme La Via Campesina, s’emploient à faire face à la crise du coronavirus, nous dénonçons la montée de la menace de profiter de la situation pour mener des agressions économiques, politiques et même militaires : justification de l’usage excessif de la violence, attaques contre les processus démocratiques, création d’un climat de guerre et de mort, et application de mesures coercitives et totalement illégales contre les peuples.

En ce sens, nous dénonçons comme crime contre l’humanité la persécution par les États-Unis des avions et des navires qui tentent d’apporter des médicaments et d’autres fournitures médicales au Venezuela et à Cuba pour combattre le fléau. Nous appelons donc le monde entier à dénoncer ces pratiques perverses et génocidaires, et les États à faire pression pour mettre fin immédiatement à ces blocus et à ces attaques internationales contre ces nations. En pleine urgence mondiale, le maintien de ces agissements antidémocratiques et coloniaux constitue un crime contre l’humanité. Il est vital que Cuba et le Venezuela garantissent à leur population la nourriture et les médicaments en temps opportun. Ainsi, ils pourront appliquer pleinement les protocoles de détection et de contrôle des cas possibles d’infection de COVID 19.

Enfin, La Via Campesina affirme l’importance de l’unité des peuples, au-delà des États, pour surmonter cette crise. Nous disons #RestezChezVousMaisPasEnSilence. Ainsi, nous construirons ensemble la nouvelle société que nous voulons et dont nous avons besoin, en priorisant la vie, et non les profits. Tout comme le peuple cubain et la révolution bolivarienne nous le montrent, aujourd’hui et depuis toujours, nous continuons de résister en solidarité, avec internationalisme et dans le respect de la dignité humaine et de la vie.

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https://viacampesina.org/fr/lettre-ouverte-aux-citoyen%c2%b7ne%c2%b7s-coronavirus-la-necessaire-refondation-de-nos-systemes-agricoles-et-alimentaires/

Lettre ouverte aux citoyen·ne·s. Coronavirus : La nécessaire refondation de nos systèmes agricoles et alimentaires

7 avril 2020

Par le secrétariat national de la Confédération Paysanne. Lettre publiée le 20 mars 2020.

La crise du Coronavirus que nous traversons est avant tout sanitaire. Mais ces effets touchent nos vies dans leur ensemble et engendrent des conséquences de grande ampleur qui secouent les économies de tous les pays du monde. C’est un épisode fulgurant avec un trait révélateur important : elle montre que bien de domaines de notre quotidien doivent être extraits des logiques de compétition mondiale, de recherche de profit à tout prix, de financiarisation de l’économie réelle, de spécialisation des territoires.

Il devient ainsi commun d’entendre parler, dans le débat public, de l’importance de la souveraineté. Dans le domaine de la fabrication des médicaments et de la santé, par exemple. Dans ses allocutions récentes, le Président de la République Emmanuel Macron à lui-même déclaré que « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie [..] à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle ». Dans cette lettre ouverte, nous voulons nous pencher sur le domaine alimentaire, pilier essentiel de notre société, qui doit être reconnu comme tel.

La souveraineté alimentaire devient une idée prégnante dans ces temps de crise où la sécurité alimentaire de tout le pays est sous pression, et nous, Confédération paysanne, estimons que c’est le moment approprié pour parler de l’avenir du système alimentaire qui la fonde. Nous estimons en effet que si la crise est avant tout sanitaire, notre réponse à celle-ci ne peut être que politique, et puisqu’on ne reviendra pas à la situation antérieure au COVID-19, cette réponse engage notre avenir.

Si on continue à piller les ressources naturelles, à considérer la terre, le vivant et la main d’œuvre comme des marchandises comme les autres, à produire l’alimentation comme une denrée industrielle standardisée et échangeable à travers la planète, comment ferons-nous face à l’effondrement de la biodiversité, aux conséquences sanitaires et agronomiques du changement climatique ? Si on continue à breveter le vivant et déléguer la production de semences à des firmes multinationales, qu’en sera-t-il en période de crise si nous n’avons pas la main sur la base de toute notre alimentation ?

Si on continue à construire des filières internationalisées dont le moindre choc économique, sanitaire, climatique engendre une volatilité catastrophique des marchés, comment garantir des prix justes, stables et sécurisés pour nous paysans qui vous nourrissons ici et ailleurs ? Si on continue à prôner l’agrandissement et l’industrialisation de nos structures agricoles et donc à favoriser la disparition de nos emplois paysans et la dépendance au secteur de l’agrobusiness, comment ferons-nous alors que nous avons besoin de paysan.ne.s nombreux.euses pour faire face aux enjeux de climat, de biodiversité ou de crise sanitaire qui sont et seront devant nous ? Si on continue à spécialiser les territoires, à segmenter les filières, à faire parcourir aux biens agricoles et agroalimentaires le tour de la planète, comment ferons-nous quand nous nous rendrons compte que la France ne produit plus que la moitié des fruits et légumes consommés par sa population ?

Comment ferons-nous si nos acheteurs internationaux ne s’approvisionnent plus auprès de nous, pour leur production de veaux, de chevreaux, de lait ou de blé ? Si on continue à baser notre modèle alimentaire sur la consommation d’énergies fossiles, la destruction des cycles naturels, le recours permanent à la technologie, nous ne saurons pas faire face aux réactions du vivant, de notre planète. Il est illusoire de croire à une maîtrise totale des sociétés humaines sur la nature par une artificialisation et technologisation croissante de nos modes de vie. Nous avons besoins de pouvoir compter sur les savoir-faire paysans et leur connaissance de la complexité des écosystèmes.

Les tendances actuelles à la disparition de l’emploi paysan et à la mondialisation des échanges nous exposent à une concurrence acharnée sur les prix et les moyens de production à l’échelle mondiale. Les accords de libre-échange aggravent la situation sur le plan social, économique, sanitaire et écologique. Il est grand temps que cela change.

Il n’est pas question de répondre à la mondialisation et au système financier capitaliste par une autarcie ou le repli sur soi, mais bien de remettre au cœur des politiques publiques la question de l’autonomie. Ce principe d’autonomie nous est plus que cher : il guide depuis des années nos luttes paysannes et fonde l’agriculture paysanne, projet agricole et alimentaire de la Confédération paysanne.

Nous espérons que la situation actuelle permette à chacun.e de se rendre compte de la valeur du travail paysan et de l’importance de l’autonomie paysanne pour la résilience de nos systèmes alimentaires.

La Confédération paysanne, inspirée par des valeurs humanistes, a toujours porté la question de la répartition : répartition des moyens de production, répartition des richesses à l’échelle internationale. La recherche d’autonomie est pleinement complémentaire avec la solidarité humaine qui traverse les frontières et qui est nécessaire dans des cas de crise. Un système économique relocalisé, équitable, qui place les considérations sociales et le travail avec la nature au cœur de la réflexion, est la voie d’avenir à suivre. Nous avons besoin de paysan.ne.s nombreux.euses pour relever les défis de demain !

Toutes les questions que la pandémie du coronavirus pose de manière aigüe remettent en cause nos systèmes alimentaires dans leur ensemble, et leur avenir sera fondé par les réponses que nous donnons à cette crise.

Repensons l’organisation de nos filières, de notre consommation, de notre alimentation. Repensons nos systèmes alimentaires pour un accès à une alimentation de qualité pour tou.te.s. Repensons les de sorte à les fonder sur une protection accrue, ambitieuse et durable du monde paysan. Cette protection ne veut pas dire absence d’évolution mais, au contraire, un accompagnement fort par les politiques publiques d’une agriculture créatrice d’emplois de qualité, rémunératrice, productrice d’une alimentation diversifiée, résiliente aux chocs, respectueuse de l’environnement et du vivant, relocalisée et ancrée dans son territoire. Une agriculture capable d’être la base pour une sécurité sociale alimentaire, prochaine grande avancée sociale de notre siècle.

La pandémie actuelle a des répercussions importantes sur nous tous. Nous sommes parmi les premiers impactés, nous, les paysans qui vous nourrissent. La Confédération paysanne appelle à un soutien indéfectible aux paysannes et paysans, aujourd’hui, et elle demande aussi que ce soutien soit durable. Dès aujourd’hui, les modes de distributions et commercialisations qui font vivre des dizaines de milliers de paysan.ne.s et concernent des millions de citoyen.ne.s sont sous pression. Il faut trouver des solutions concrètes, innovantes et durables pour tou.te.s les paysan.ne.s, touché.e.s, parce qu’ils.elles dépendent du système mondialisé, de contrats avec la restauration hors domicile, de marchés de plein vent dont l’ouverture est incertaine. Il faut les trouver avec eux et pour eux, en faisant des propositions pleinement responsables et efficaces face à l’urgence sanitaire. Réguler les marchés, rééquilibrer la chaîne de valeur au profit des agriculteurs.trices, stopper la concurrence effrénée, sont des mesures urgentes pour garantir un revenu digne aux agriculteurs et agricultrices. L’alimentation et l’agriculture doivent redevenir dès demain l’un des socles et des fondements de nos sociétés. Le métier de paysan, producteur d’alimentation, doit retrouver un statut et une situation à la hauteur de l’enjeu auquel nous répondons : satisfaire le besoin premier de la population de se nourrir sainement, en quantité et qualité.

On voit actuellement qu’il est possible d’avoir des actes politiques forts face à des enjeux planétaires, ici une menace sanitaire. Cela nous prouve que nous pouvons agir pour changer notre système économique et améliorer notre mode de vie vers plus de justice sociale et climatique. Il faut maintenant que nous nous donnions les moyens de répondre à l’urgence sociale dans la production agricole et à l’urgence climatique et écologique que nous avons à relever collectivement. Il est plus que temps maintenant de prendre des décisions qui aboutissent à plus de solidarité et de responsabilité.

Tirons les enseignements sur notre système économique et financier actuels pour l’avenir de notre société. Revalorisons nos paysans et redonnons tout son sens à nos métiers de l’alimentation pour repositionner ce secteur au cœur de notre projet de société !

Relocalisons notre agriculture et nos systèmes alimentaires en France, en Europe, et pour tous les peuples ! 

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