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Ou va notre CGT

par jodez

Publie le dimanche 14 juin 2020 par jodez - Open-Publishing

Où va notre CGT ?

Associée par l’histoire aux plus grands succès de notre classe ouvrière, notamment aux avancées sociales et démocratiques de 1936, 1945 et 1968, intimement liée aux résistances du monde du travail lors des dernières décennies, partie prenante de tous les combats patriotiques, antifascistes, antiracistes, anticolonialistes, féministes, internationalistes et anti-impérialistes du XXe siècle, la CGT reste la principale référence des travailleurs qui gardent au coeur les vertus du syndicalisme de classe et de masse, associant ce que Benoît Frachon appelait après la charte d’Amiens la “double besogne” : défense au quotidien des conditions de vie des travailleurs et visée hautement revendiquée d’une société débarrassée de l’exploitation capitaliste.

Or, le moins qu’on puisse dire est que, malgré certains engagements courageux mais ponctuels qui vont rarement à leur terme dans la pratique, la Confédération CGT s’est désormais bien éloignée du syndicalisme de classe et de masse pour “coller” de manière délétère et mortifère au “syndicalisme rassemblé” derrière un Laurent Berger qui est à la fois le chef de file de la CFDT et le président en titre de la CES qui accompagne toutes les contre-réformes maastrichtiennes : privatisations en cascade, casse des retraites solidaires et par répartition, compression de la dépense publique, destruction du code du travail, des statuts, du CDI et des conventions collectives, délocalisations et désindustrialisation ; tout cela s’effectue au nom d’un “dialogue social” fictif qui n’est que l’habillage des régressions édictées par l’UE, par le MEDEF et par les euro-gouvernements successifs à leur dévotion.

Alors que la CES a ignoré et méprisé les luttes des camarades cégétistes contre les deux lois « Travail » successivement inspirées par Macron, que Berger a poignardé dans le dos les luttes de la SNCF, d’EDF, d’Air France et de Renault, que la CFDT a soutenu toutes les contre-réformes scolaires et universitaires, qu’elle a porté la contre-réforme de l’indemnisation du chômage et qu’elle a directement inspiré la maléfique retraite par points (comme Nicole Notat avait inspiré le plan Juppé en 1995…), voilà que sans le moindre mandat de la confédération et des bases CGT, Philippe Martinez vient de signer un texte qui est en rupture totale avec les traditions combatives de notre organisation syndicale.

Ce texte, cosigné par l’ensemble des syndicats français réformistes affiliés à la CES (UNSA comprise) et appuyé par la confédération allemande DGB, chef de file européen du syndicalisme euro-réformiste de collaboration des classes, approuve sans réserve la proposition Merkel-Macron que la Commission européenne lève auprès des marchés financiers un emprunt européen qui serait ensuite ventilé par la commission entre les “régions européennes” sinistrées par la crise sanitaire, tout en sommant les pays membres de l’UE, donc également leurs syndicats, de s’aligner sur la demande franco-allemande d’emprunt en se réclamant, comme d’ordinaire, de l’introuvable notion d’ “Europe sociale”… Or, pour ne prendre qu’un exemple, c’est de Bruxelles que sont venues depuis 2010 plus de 60 injonctions exigeant des pays membres de l’« Union européenne » de réduire leurs dépenses de santé !

Tant par la qualité hautement compromettante de leurs signataires que par son contenu, ce texte CGT-CFDT-UNSA-FO-DGB – qui suscite déjà fort justement de vives réactions d’instances combatives de la CGT – est hautement dangereux et condamnable. Tout d’abord, il fissure le front des organisations syndicales françaises qui venaient de combattre ensemble, contre la CFDT et sans le moindre appui des syndicats allemands, la contre-réforme des retraites ; il fait du jaune en chef Laurent Berger le chef d’orchestre français et européen du syndicalisme d’euro-accompagnement. Alors qu’il faut préparer toute la CGT à combattre les innombrables mesures réactionnaires que Macron, l’UE et le MEDEF prennent ou s’apprêtent à prendre pour réduire les conquêtes ouvrières, tailler dans l’emploi industriel, parachever les privatisations et les mesures de précarisation, le texte franco-allemand place directement la CGT en appui de Macron et également de Merkel, l’orchestratrice continentale de l’euro-austérité et de l’étranglement financier des petits pays (souvenons-nous de la manière barbare avec laquelle a été traitée la Grèce !). Dans la continuité du traité d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019, ce texte “syndical” franco-allemand valide l’abandon total de souveraineté économique et budgétaire (après celui de la souveraineté monétaire en 1992 à la suite de l’adoption du traité de Maastricht) de la France et des autres pays puisque l’emprunt européen accroîtra notre dépendance à l’égard des marchés financiers d’une part, de la Commission européenne d’autre part, tout en contournant l’État-nation français et en renforçant la concurrence financière entre euro-régions françaises calquées sur le modèle fédéraliste allemand. Et il est bien évident que pour recevoir cette prétendue “manne financière”, les régions concernées joueront sur le moins-disant social et environnemental, tandis que la République française, sommée de s’endetter, devra s’engager à rembourser sans avoir aucun regard sur l’emploi des sommes empruntées servant à accroître la “dette souveraine” française, ainsi que les déséquilibres territoriaux français, déjà ravageurs.

Ajoutons que ce texte ne dit mot (et pour cause !) de la nécessité d’annuler la pseudo-“dette souveraine” prétendument “due” aux capitalistes internationaux par la France, ni du rééquilibrage indispensable des échanges à l’intérieur de l’UE (un seul pays ayant autant d’excédents commerciaux que l’ensemble des autres ont de “dettes” !), ni de la manière dont l’euro, calé sur le mark et sur les intenables “critères d’austérité” de Maastricht, mine l’économie des pays d’Europe méridionale et orientale… En outre, le texte franco-allemand reste plus que muet sur les énormes dépenses militaires que la France et l’Allemagne consentent actuellement pour mettre en place une “armée européenne” destinée à guerroyer contre le peuple russe sous la conduite de l’OTAN.

Bref, il est inimaginable qu’au nom de la CGT, Philippe Martinez ait pu signer un communiqué qui, objectivement, constitue à la fois une trahison sociale à l’encontre des salariés français (et allemands) et une trahison tout court à l’égard de la souveraineté et de l’unité indivisible de la nation française, sans même parler du mépris pour les autres peuples d’Europe dont témoigne cette méthode social-impérialiste privilégiant l’”axe franco-allemand”. On ne saurait davantage tourner le dos aux traditions à la fois anticapitaliste, patriotique, internationaliste et anti-impérialiste de la CGT, dont on doit rappeler qu’elle a constamment combattu l’Europe supranationale du capital, s’opposant notamment à la Communauté Européenne de Défense (1954), le Traité de Maastricht (1992) et la « Constitution européenne » (2005).

On ne saurait non plus se tromper davantage de partenariat international en prenant appui sur la CES, cette courroie de transmission de Bruxelles et du patronat européen, alors même que la Fédération Syndicale Mondiale, que la CGT a contribué à créer et à laquelle elle a très longtemps adhéré, n’a cessé de soutenir nos luttes sur des bases de classe internationalistes.

C’est pourquoi, nous, militants de base de la CGT dans différents secteurs,

soulignons la gravité et l’extrême illégitimité de cette déclaration cosignée par Philippe Martinez et alertons solennellement que si cette orientation n’est pas au plus tôt dénoncée par la confédération et/ou par un maximum de structures syndicales de la CGT, fédérations, branches, UD et UL, sections d’entreprises, simples militants et vétérans, ce sont la raison d’être et l’unité même de la CGT qui sont menacées à court et à moyen terme avec d’énormes conséquences négatives pour le monde du travail et pour notre pays ;
nous nous félicitons de la multiplication de premières réactions à cette forfaiture syndicale de la part des cheminots CGT, de fédérations, de la CGT-Energie de Paris, d’UR, d’UD et d’UL, ainsi que du Front syndical de Classe (FSC).

Devant la gravité de la situation, avant que la confédération finisse par acter une mutation syndicale européiste et contre-réformiste imposée d’en haut qui achèverait de diviser, de dénaturer et de détruire, voire de déshonorer, la C.G.T., nous adjurons toutes celles et tous ceux qui veulent reconstruire une CGT combative, unie, de classe et de masse, anticapitaliste et anti-impérialiste, totalement indépendante de Macron, de Berger, de l’UE et du MEDEF, à se rencontrer au plus tôt et à s’exprimer ensemble, y compris dans la perspective de fixer une ligne offensive sur le plan des méthodes de lutte et des thèmes revendicatifs (construire le « tous ensemble en même temps » jusqu’au blocage du profit capitaliste pour l’abrogation de l’ensemble des contre-réformes patronales, macronistes et maastrichtiennes, pour la reconstruction des services publics, la reconstitution du secteur public industriel et bancaire indispensable au “produire en France”) en cessant toute allégeance envers le syndicalisme jaune et social-maastrichtien représenté en France par la CFDT, et en Europe par la CES et par le DGB

Ce n’est pas nous, syndicalistes de classe, qui nous exprimons rapidement, tous ensemble et en même temps, contre les euro-dérives réformistes, voire contre-réformistes d’un certain appareil confédéral, qui nuirons à l’unité de la CGT : c’est au contraire si nous laissons ces tendances destructives s’affirmer, sans rencontrer de contre-attaque interne suffisante et en disposant du triple appui public de Berger, de la CES et de la DGB qu’il faudra craindre le pire pour l’efficacité, l’unité et l’honneur de notre CGT de classe.

Bernard, syndicaliste CGT retraité du Livre
Gilliatt, syndicaliste CGT des transports de voyageurs
Jo Hernandez, ancien syndicaliste CGT EDF et ancien secrétaire UD CGT Tarn
Thomas, syndicaliste CGT dans la fonction publique
Anna, syndicaliste CGT Métallurgie
Damien, syndicaliste CGT Métallurgie