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RSF et Robert Ménard financés par le département d’Etat et la CIA via la "NED" ?

Publie le jeudi 7 juillet 2005 par Open-Publishing

RSF et Robert Ménard financés par le département d’Etat et la CIA via la
« National Endowment for Democracy » ?

Cuba et les journalistes "embedded" [1]

Par MAURIZIO MATTEUZZI [2] Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio et Caroline Godard (Librairie Pharos, Marseille)

C’est extraordinaire, et ça devrait nous donner à penser, de voir à quel
point Cuba, 45 ans après sa révolution castriste, suscite encore amour
et haine. Amours passionnées et haines implacables. C’est dans ce
contexte qu’on doit lire le dernier numéro de Latinoamerica [3] (246
pages, 15 euros), la revue trimestrielle de Gianni Minà [4], axé sur Cuba et l’âpre polémique avec Robert Ménard - le fondateur directeur de Reporters sans frontières - polémique qui a aussi eu quelque vif écho dans les pages de il manifesto. Minà, comme le savent nos lecteurs, est un polémiste notoire.

Lui, aime Cuba (et l’Amérique latine) ; les autres
peuvent l’aimer ou le détester, mais même ceux qui le détestent (et ils
sont nombreux, à droite comme à gauche), ne peuvent pas faire
abstraction de ce qu’il écrit, ou dit, sur la réalité cubaine. La
polémique, en dernière analyse, provient du fait que Rsf et en
particulier Ménard, font preuve depuis des années à l’égard de Cuba (et
plus récemment aussi contre le Venezuela de Chavez) d’une acrimonie très
particulière (et suspecte), qui va au-delà de la critique légitime des
aspects négatifs (qui ne sont pas rares) du régime cubain ; acrimonie
que Minà (mais pas seulement lui) ne retrouve pas quand le couple
Menard-Rsf décochent ses flèches vers d’autres réalités.

Tout autant si
ce n’est plus critiques et critiquables. Comme par exemple l’Irak occupé
par les américains, la Palestine sous domination d’Israël, la Colombie
du président pro USA Uribe. Si, à Cuba, il est difficile de nier que la
liberté de la presse, pour qui n’est pas d’accord avec le gouvernement
castriste, est rare et qu’une vingtaine de journalistes indépendants
sont en prison - qui, avec l’ensemble des autres dissidents internés,
portent à un total de presque 300 les « prisonniers de conscience » dont
parle Amnesty-, ailleurs, les journalistes, au lieu de les emprisonner,
on les tue. En Irak, souvent par les « tirs amis » des libérateurs
américains, en Colombie souvent par les paramilitaires amis du président
Uribe et entraînés par les « conseillers » ou « contractors »
américains.

Sur Ménard-Rsf, Minà tire à boulets rouges (mais de façon documentée,
jusqu’à preuve du contraire), en les accusant, dès l’éditorial, (« L’
ambiguïté des chroniqueurs italiens à Cuba ») d’avoir un rôle
déterminant dans l’ « information embedded qui triomphe à l’heure
actuelle » (chez nous il suffit de lire Il Corriere et La Repubblica), d
’être eux-mêmes embedded avec les groupes par qui l’organisme est
financé. Parmi lesquels, dans la longue liste de noms et sigles,
émergent l’Etat français et le Département d’Etat américain. On ne peut
pas ne pas noter que, même dans la dernière lettre réponse de Rsf au
manifesto (parue hier [5]), Ménard ou celui qui parle en son nom, ne dément pas du tout l’accusation la plus grave adressée et réitérée par
Minà : celle d’avoir reçu des financements de la National Endowment for
Democracy, un groupe « privé pro-democracy », fondé par Reagan en 83,
qui, avec ses riches dotations en dollars, est la longa manus du
Département d’Etat ou de la Cia, aux quatre coins du monde. (C’est
peut-être ce qui explique que dans le rapport 2004 de Rsf sur les USA,
les tortures terribles infligées aux détenus d’Abu Ghraib deviennent
seulement des « traitements dégradants » ?)

Une accusation politique
précise que Minà lui même argumente avec une rigueur de détails dans la
section Documents de sa revue, par un large passage sur « Comment la Cia
finance Reporters sans frontières », dans lequel entre autres il demande
comment il se fait que Ménard « ignore » le cas de 3000 personnes
capturées par les américains entre 2002 et 2004 sur la base des lois
anti-terrorisme, et dont on n’a plus jamais rien su (à propos de l’imam
Abu Omar.).

Si Cuba et la polémique avec Ménard en constituent la partie principale,
Latinoamerica parle aussi d’autre chose : de la très riche réalité du
continent de l’espoir (de notre espoir) ; des révoltes populaires
indiennes en Bolivie et en Equateur, de la Colombie martyrisée (article
de Guido Piccoli), du Brésil « controversé » de Lula (avec une interview
de Frei Betto qui explique pourquoi il a quitté le poste de conseiller
du président), du nouvel Uruguay avec sa direction socialiste et,
revenons à nos moutons, de la « School of Americas, la fabrique des
gorilles » (de Linda Pennetta) qui se demande, comme nous le faisons en
guise de conclusion : « Si, comme le dit Bush, les gouvernements qui
soutiennent des assassins d’innocents sont criminels, que penser des
Etats-Unis ? ».

Edition de dimanche 3 juillet de il manifesto
 http://abbonati.ilmanifesto.it/Quot...


[1Embedded, littéralement, « au lit avec », soit : ceux qui couchent avec.

[2Maurizio Matteuzzi est spécialiste de l’Amérique latine à la rédaction de il manifesto

[4Journaliste de la RAI, animateur de débats télévisés, désormais de plus en plus tardifs dans les grilles de programmes. Il est aussi chroniqueur dans différents quotidiens et hebdomadaires italiens.

[5Voir, pour les italophones, l’article
http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...
, il manifesto, samedi 2 juillet 2005.]