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Au royaume des aveugles, les borgnes sont... malhonnêtes !

Publie le samedi 9 juillet 2005 par Open-Publishing
2 commentaires

Au risque de choquer ou de paraître effroyablement cynique, au risque d’être irrémédiablement cataloguée comme une implacable insensible et une scandaleuse provocatrice dans ce contexte international particulièrement sensible, je me dis quand-même que nos grands médias nationaux* l’ont échappé belle avec les attentats de Londres.

Sans vouloir minimiser un tant soit peu l’indicible horreur de tels actes, sans oublier un seul instant les victimes innocentes et l’absolue nécessité de condamner haut et fort toute action terroriste, on pourrait toutefois pousser le « mauvais esprit », diront certains, en notant de ces attentats qu’ils tombent à point nommé pour éviter à nos médias une déculottée qui n’aurait pas manquée d’être mémorable...

Ne revenons pas sur la partialité effrontément affichée de la campagne référendaire. Beaucoup d’encre à coulé à ce propos sans que cela semble avoir le plus petit soupçon de répercussion dans les cerveaux embrigadés.
Abstenons-nous de faire la leçon de l’élémentaire éthique journalistique, ne parlons pas de probité, de sens moral, oublions également de parler de censure et de déchéance. Effaçons de nos mémoires les omissions douteuses, les arguments mensongers, les jugements à l’emporte pièce.
Empêchons-nous d’éprouver la moindre rancœur à l’égard de ceux qui nous ont insultés, méprisés, trompés... tout a déjà été dit à ce propos.

Passons encore sur les élections iraniennes dont on nous annonçait, à grand renfort de gros titres et de prévisions fantasques, la victoire de l’honorable démocrate Rafsandjani sur l’infâme populiste Ahmadinejad.
Là encore, abstenons-nous de parler de propos mesurés et pensés, d’impartialité, de justesse d’analyse, de véritable travail de fond et de vérification sur le terrain.
Fermons les yeux sur l’incompétence, sur l’information tronquée, détournée, appropriée. Ne nous risquons pas non plus à établir la moindre comparaison entre ce populiste là et celui qui n’a pas manqué d’être débusqué derrière tous ceux qui se risquaient hors les sentiers battus de la pensée unique en osant voter non à la Constitution européenne. Oui, surtout abstenons-nous de faire le moindre rapprochement de ces dérives verbales.

Ne nous arrêtons pas non plus sur les annonces tonitruantes de victoire de la candidature parisienne pour les JO 2012.
Evitons là aussi de regarder de près ce bel esprit olympique que l’on nous a vendu, ne nous souvenons pas des affaires de dopage, n’évoquons pas la corruption du CIO, soyons charitables et ne nous mêlons surtout pas de demander des comptes sur les quelques 24 millions d’euros qu’aura déjà coûtée cette candidature avortée.
Ne nous indignons surtout pas des 2,5 milliards d’euros promis par Raffarin en cas de victoire de la candidature, alors même que « la France vit au dessus de ses moyens », ne nous étonnons pas des 2 milliards promis par la ville de Paris qui peine, paraît-il, pour financer des logements sociaux... l’olympisme vaut bien quelques sacrifices !
Ne reprochons pas non plus à nos médias de laisser peu de place à ces chiffres préférant les humours gauloises de notre boute-en-train national, excusons-les de ne pas se choquer de la précarité qui n’aurait pas manquée de naître autour des contrats précaires, de l’intérim, des CDD payés au Smic, du travail au noir et de la surenchère sécuritaire des 40 000 policiers promis pour rassurer les plus inquiets... on peut difficilement être juge et partie.

Fermons les yeux également sur les 7 attentats londoniens devenus 4 une fois passés les effets d’annonce débridés.
Là encore, ne nous scandalisons pas du manque de vérification, de la course au scoop, de l’info charognarde qui porte aux nues le sensationnel qui tue et qui tâche...
Apprêtons-nous à écouter une fois encore la grande messe des experts es-terrorismes et leurs prédictions cataclysmiques, avalons sans broncher la pilule de la démocratie bafouée, bornons-nous à notre confortable rôle de victime sans chercher à trouver dans nos médias les voix claires et nettes qui dénonceraient enfin nos « attentats démocratiques » et les morts innocentes qu’ils occasionnent. Ignorons avec la même superbe qu’ils le font, nos responsabilités et nos fautes, cherchons dans les bas fond de l’Humanité les têtes à trancher... un coupable se punit mieux qu’un responsable.

Oui fermons les yeux encore une fois... c’est la condition nécessaire si nous voulons pouvoir continuer à lire les journaux, à écouter la radio et à regarder la télévision... si nous voulons garder intacte la nécessaire confiance qui préside à l’absorption de cette information que nous concèdent ces médias.

Ils ont de la chance, rancuniers comme nous sommes, nous aurions pu leur demander des comptes sur ces « erreurs » à répétition, nous aurions pu nous révolter de ces divagations, de ces méprises, de ces non-sens, de cette malhonnêteté, de ces partis pris, de ces renoncements et de bien d’autres choses encore...

Heureusement pour eux, nos attentions volent vers ces malheureuses victimes et leurs familles plongées dans l’affliction, nos colères sont dirigées contre ces odieux fanatiques inexcusables... heureusement !

Saluons donc haut et fort cette libéralisation de la presse, qui mieux que le droit à une information impartiale, mieux que l’exigence d’un travail journalistique honnête et dégagé des pressions mercantiles, mieux que des médias d’utilité publique... nous garantit au moins la liberté chèrement gagnée... d’être les mieux désinformés !

* L’amalgame, forcément injuste, que je fais ici en englobant dans le « tout média » les journalistes, éditoriaux et autres engeances médiatiques, me pousse quand-même à saluer les rares personnes qui exercent encore ce métier avec justesse et conviction, avec sincérité et honnêteté... Peu nombreux, ils ont le mérite d’être là et de résister. Hélas, l’exception en la matière ne fait ni règle, ni école...

Laure
 http://www.e-citoyens.org

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