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"Qui est le plus barbare ?"

Publie le jeudi 14 juillet 2005 par Open-Publishing

"Qui est le plus barbare ?", écrit un musulman en colère
LE MONDE | 14.07.05 | 12h21 • Mis à jour le 14.07.05 | 12h21

Le quotidien britannique de centre-gauche, The Guardian a publié mardi 12 et mercredi 13 juillet deux "commentaires" signés par deux musulmans qui éclairent les raisons de la sourde colère qui monte dans les communautés musulmanes et favorise le recrutement des "djihadistes" prêts à passer à l’action. Pour les deux auteurs, l’invasion de l’Irak a joué et joue encore un rôle déterminant dans cette colère. Salim Lone, ancien porte-parole de la mission des Nations unies en Irak, est en colère. "Oui, les terroristes sont barbares" , écrivait-il mardi. "Mais il ne faudrait pas oublier les crimes contre l’humanité récemment commis à Falouja, Nadjaf, Qaïm, Jénine et dans les villages et les montagnes d’Afghanistan. Qui est le plus barbare ? (...) Pour chaque Occidental tué par des terroristes musulmans depuis la fin de la guerre froide, au moins cent musulmans sont morts dans les guerres et les occupations perpétrées par l’Ouest."

"Né et élevé dans le Yorkshire", comme il le souligne lui-même en rappelant que trois des quatre auteurs présumés des attentats de Londres venaient de cette région anglaise, Dilpazier Aslam, journaliste stagiaire au Guardian , rappelait mercredi que 2 749 personnes ont été tuées dans les attaques du 11 septembre 2001. "Pour découvrir le coût de la "libération" des Irakiens, note-t-il, il faut multiplier ce chiffre par huit. Et encore, vous êtes encore loin du minimum estimé, de 22 787 civils tués à ce jour." "Mais maintenant que Londres a été touchée par le terrorisme, il n’est pas "cool" de dire cela", écrit Dilpazier Aslam. Les Britanniques se demandent : "Pourquoi nous ?" "Même interrogation chez les mères irakiennes tandis que les "dommages collatéraux" augmentent de jour en jour en Irak", assène l’auteur.

"NE FAITES PAS DE VAGUES"

"Les deuxième et troisième génération de musulmans [immigrés au Royaume-Uni] n’ont pas l’attitude silencieuse et la retenue de leurs anciens. Nous sommes beaucoup plus impertinents dans nos opinions et on se moque de savoir si elles vont ou non faire des vagues. Les jeunes musulmans britanniques n’en peuvent plus de ces soi-disant "leaders communautaires" qui restent silencieux tandis que monte la colère dans les rues. Je suis allé prier dans une mosquée de Leeds récemment pendant le mois de ramadan (...). Il y avait des centaines de gens, beaucoup originaires d’Irak. Pas un mot de l’imam sur Falouja [la ville irakienne qui venait d’être écrasée par l’armée américaine]".

"Pour l’Aïd, à la fin du ramadan, poursuit Aslam, je suis allé prier à Sheffield. La plupart des gens présents étaient furieux de ce qui se passait en Irak. Là encore, pas un mot de l’imam." Il faut arrêter cela, conclut Dilpazier Aslam. "Car l’attitude du "ne faites pas de vagues" de nos anciens ne veut pas dire que l’agitation décline, elle signifie au contraire qu’elle montera jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de la contenir."

Patrice Claude
Article paru dans l’édition du 15.07.05