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Haidi, la maman de Carlo Giuliani : "En Italie, nous avons trop souvent oublié"

Publie le samedi 23 juillet 2005 par Open-Publishing

INTERVIEW de Haidi : se souvenir, c’est dénoncer

de LORIS CAMPETTI traduit de l’italien par karl&rosa

Don Andrea Gallo, le prêtre Angéliquement anarchiste, comme il se définit dans son dernier livre, la décrit comme une "petite femme extraordinaire" et il a raison. Si hier aussi - quatre ans après ce coup tiré par la Beretta 92 calibre 9 long, dont était équipé le carabinier qui a tué Carlo - piazza Alimonda s’est remplie à nouveau de personnes, c’est grâce à la petite Haidi Giuliani : c’est grâce à sa ténacité, à sa capacité de rassembler autour d’elle la partie meilleure de ce pays sans mémoire qui est le nôtre. Nous lui avons parlé au terme de l’émouvante cérémonie dans l’endroit qui pour beaucoup s’appelle depuis longtemps "Piazza Carlo Giuliani - ragazzo", le lieu où devrait être érigée une plaque à la mémoire du fils de Haidi et de Giuliano, si la mairie de Gênes le permet. La décision est attendue lundi prochain.

Encore ici, Haidi, quatre ans après. Quelle est la signification de ce rendez-vous ?

Tu vois, je suis assise sur la marche où je suis restée jour et nuit les premiers mois après le meurtre de Carlo. Je ne le fais pas pour m’exhiber, crois moi, je ne cherche pas la visibilité. C’est que si nous arrêtions de rappeler ce qui s’est passé et de nous retrouver, une lourde pierre serait posée sur les faits de Gênes. Pense combien de fois cela est arrivé en Italie, ces dernières décennies.

Se souvenir de Carlo nous aide à réfléchir. Quelle est ta réflexion aujourd’hui ?

Carlo nous fait dire que la démocratie est un bien transitoire dont les frontières sont déplacées selon les intérêts du pouvoir. La légalité aussi est devenue flexible. Nous avons une Constitution splendide qui nous protège, nous donne des garanties importantes. Hélas, elle n’est ni appliquée ni respectée. Je ne suis pas en train de parler seulement de piazza Alimonda et du G8 de 2001, je pense à la manière dont sont traités les migrants, aux Centres de rétention et à tant d’autres choses.

Il y a tant de personnes, d’autres arriveront pour le concert, l’exposition, les débats de ces jours d’initiatives pour Carlo. S’il y a un absent, c’est la politique. La nôtre aussi.

Moi, de par mon caractère, je regarde toujours les personnes et les personnes je les vois. Il s’agit de personnes qui font de la politique, pour moi c’est ça la politique, la vraie. Si tu parles de la "Politique" avec une majuscule, tu as raison, mais généraliser ne sert à rien. Pour soutenir les frais liés aux initiatives de ces jours, nous avons été aidés par la Province et par les Coopératives, comme les années passées. Ce n’est qu’ainsi que nous arrivons à payer le théâtre pour l’exposition. Une absence me blesse particulièrement et c’est la Gênes qui reste à regarder. Il y a des camarades génois, tant de jeunes et d’amis de Carlo ici dans la place, mais les personnes venues d’ailleurs, de toute l’Italie, sont peut-être plus nombreuses.

La mémoire, insistent les jeunes des centres sociaux génois, ne peut pas être un paquet à mettre au congélateur, mais elle doit être vivifiée par l’action collective. Es-tu d’accord ?

La mémoire a une valeur quand elle est dénonciation. J’espère pouvoir continuer à le faire ces jours-ci, dans la rue, aux concerts, à l’exposition, dans les débats. Et comme je crains beaucoup l’indifférence du pays, je suis de près les procès et je vous demande à vous aussi de les suivre avec beaucoup d’attention. Le procès aux 25 manifestants est un procès à nous tous qui ne renonçons pas à dénoncer. Nous devons aider, économiquement aussi, ceux qui sont en train de s’engager sur le versant légal.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...