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Tariq Ramadan indésirable au Royaume-Uni ?

Publie le dimanche 24 juillet 2005 par Open-Publishing

L’enseignant genevois pourrait être la victime indirecte des attentats meurtriers de Londres, comme d’autres prédicateurs musulmans.

Déjà interdit d’entrée aux Etats-Unis, Tariq Ramadan ne prend toutefois pas cette menace au sérieux.

de Ian Hamel

Selon le Times, le ministre de l’Intérieur britannique Charles Clarke envisage de fermer la porte du pays aux personnes interdites d’entrée aux Etats-Unis.

Dans son édition de vendredi 15 juillet, le quotidien britannique annonce que le gouvernement va renforcer sa législation antiterroriste après les attentats suicides qui ont fait plus de 50 morts et 700 blessés.

L’une des mesures envisagées serait d’interdire systématiquement l’accès du pays à toutes les personnes qui n’ont pas obtenu de visa américain.

Deux prédicateurs dans le collimateur

C’est le cas de deux des prédicateurs les plus célèbres dans le monde musulman, le Qatari Youssef Al-Qaradhawi, qui préside le Conseil européen de la fatwa et de la recherche, et l’enseignant suisse Tariq Ramadan, auteur de nombreux ouvrages, comme Etre musulman européen, traduit en 14 langues.

Né en 1962 à Genève, Tariq Ramadan était jusqu’en 2003 professeur de philosophie à Genève et d’islamologie à l’Université de Fribourg.

En 2004, il avait été recruté comme enseignant par la prestigieuse université catholique de Notre Dame, à South Bend, en Indiana. Mais quelques jours avant la rentrée, en août, son visa était révoqué sans explication par les Etats-Unis.

Quant à Youssef Al-Qaradhawi, célèbre pour son émission La charia et la vie, regardée par 10 millions de musulmans le dimanche soir sur la chaîne Al-Jazira, il n’a plus pu mettre les pieds sur le territoire américain depuis 1998.

Pas d’implication

Le Times se montre très critique vis-à-vis des deux intellectuels musulmans, qu’il qualifie « d’extrémistes religieux ». Rappelant que Tariq Ramadan est le petit-fils d’Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, le quotidien britannique affirme que l’enseignant genevois justifie « les attentats suicides ». Ce qui est inexact.

Non seulement les deux hommes ne sont pas impliqués dans les attentats de Londres, mais ils les ont même immédiatement dénoncés de la manière la plus ferme.

Dans un article publié le 9 juillet dans un autre quotidien anglais, le Guardian, Tariq Ramadan écrit que condamner ne suffit pas, « nos valeurs, nos sociétés et notre avenir communs exigent que nous prenions conscience de nos responsabilités partagées et de l’urgente nécessité de nous engager ensemble ».

L’enseignant suisse réfute cette menace

Tariq Ramadan ne semble pas prendre la menace ministère britannique de l’Intérieur au sérieux. « Ce sont des bêtises » de la presse, a-t-il brièvement répondu à swissinfo.

L’enseignant suisse, qui a passé un an à la fondation islamique de Leicester. Il se trouve d’ailleurs justement à Londres où il participera dimanche à une conférence sur la lutte contre les extrémismes, co-organisée par la police métropolitaine de Londres.

« Il n’est pas du tout acquis que ces nouvelles lois passent et, de toute façon, je ne suis pas interdit d’entrée aux Etats-Unis », dit-il. Après la révocation d’un premier visa obtenu en mai 2004, Washington lui avait en effet demandé de déposer un nouveau dossier suite à la campagne de soutien dont il avait bénéficié Outre-Atlantique, relève-t-il.

Il s’était alors exécuté et, n’ayant pas reçu de réponse deux mois plus tard, il avait fini par renoncer à son poste en Indiana.

Tariq Ramadan n’a donc jamais été formellement interdit d’entrée sur le territoire américain. « Je suis en Grande-Bretagne maintenant et je suis en contact officiel avec les autorités britanniques qui m’ont dit de ne pas prendre en compte les articles publiés à mon sujet », souligne-t—il.

Voix modérées

Le ministère de l’intérieur britannique indique pour sa part qu’il ne commente pas les cas individuels d’autorisation de séjour. Mais, souligne une porte-parole, « le ministère se réserve le droit d’interdire l’entrée aux personnes qui représenteraient une menace pour la sécurité du pays ».

Elle note toutefois qu’il est « essentiel pour le gouvernement de travailler avec des intellectuels islamistes modérés » comme Tariq Ramadan. « Des voix comme la sienne peuvent aider la Grande-Bretagne à lutter contre le radicalisme », ajoute-t-elle.

http://www.swissinfo.org/sfr/swissi...