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Menaces d’expulsion et opérations de communication contre le squat des 400 Couverts, Grenoble

Publie le dimanche 24 juillet 2005 par Open-Publishing
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Après avoir demandé le concours de la force publique pour expulser les squatters des 400 couverts, la mairie de Grenoble nomme un médiateur pour les convaincre d’abandonner les lieux sans mots-dire et avec le sourire. Cette médiation a lieu aujourd’hui, entre René Rizardo, élu des années Dubedout désigné par la mairie, et les squatters.
Le texte ci-dessous résume les positions qui seront portées par les squatters à cette occasion et propose une analyse critique de ce dispositif de médiation.

MEDIATION : OPERATION DE COMMUNICATION

Le squat des 400 couverts, c’est une petite ruelle du centre ville de Grenoble squattée depuis bientôt 4 ans. Lieu d’habitation pour 25 personnes et d’organisation de nombreux événements publics, c’est un espace d’expérimentation de pratiques autogestionnaires et conviviales, contestataires et hors des circuits marchands.

La mairie de Grenoble, propriétaire des lieux, a décidé de s’en débarrasser en entamant une procédure d’expulsion. Le Tribunal de Grande Instance lui a donné raison en ordonnant notre expulsion immédiate le 8 juin dernier. Depuis lors, nous attendons, matin après matin, l’arrivée des "hommes en bleu".

Mais parce qu’il serait trop facile pour M. Destot et ses sbires de s’en tirer toujours avec des expulsions en catimini au beau milieu de l’été, nous sommes déterminé-es à empêcher cette expulsion ou, du moins, à tout faire pour qu’elle ne soit pas passée sous silence. Aucune manœuvre médiatique, aucune menace judiciaire des propriétaires, aucune stratégie de culpabilisation des pauvres, ne doit invisibiliser le cortège de violences sociales et policières qui accompagne les expulsions.

Nous refusons de quitter les lieux et de nombreux-ses voisin-es, ami-es, associations et collectifs nous ont fait part de leur actif soutien. Pour ces raisons, et par peur d’une expulsion-scandale, la mairie propose, après trois semaines de silence, le recours à un médiateur, afin de parvenir à "l’évacuation des locaux tout en évitant l’expulsion".

NOUS REPONDONS QUE NOUS SOMMES D’ACCORD POUR EVITER L’EXPULSION !

*** Diviser pour mieux régner ***

Un des arguments de la Mairie porte sur "l’individualisme des squatters qui s’opposent à la construction de logements sociaux". [Le projet immobilier prévu à la place du squat des 400 Couverts compte 12 logements sociaux et 18 grands appartements destinés à la vente]. Nous ne sommes pas contre les programmes de logement social, même si nous avons beaucoup à en redire, et que nous aspirons à poser à la racine le problème de la "crise" permanente du logement.

Que l’on s’entende bien : les obstacles principaux à la construction de logements sociaux ne sont pas 25 squatters, mais bien des budgets municipaux ridicules à côté de ceux alloués à la communication ou à des constructions de prestige. Les problèmes de logement sont le fruit de choix politiques. Les décideurs tentent de faire oublier leurs responsabilités en divisant la population, en montant les gens les un-es contres les autres. Locataires contres squatters, salarié-es contre chômeur-euses, nationaux contre étranger-es... Nous sommes solidaires de fait des personnes rencontrant de grandes difficultés d’accès au logement, notamment par notre participation au collectif "Défends-Toit", regroupement de collectifs et de personnes confrontées à des difficultées de logement.

*** Les bulldozers de la norme ***

Mais au-delà de cette question, c’est bien de l’autonomie des personnes dans leur choix d’habitation dont il est question. Ce qui dérange les autorités, c’est que des gens sortent de la norme et décident par eux-mêmes. Ainsi la mairie de Grenoble expulse en plein hiver des gens qui campent sur les berges de l’Isère ou encore des gens du voyage qui logent en caravane sur une friche inoccupée depuis des années. Certes, pour une part, ces personnes aimeraient probablement avoir d’autres possibilités de logement, mais pour les autres, il s’agit bien d’un choix de mode de vie. Pourquoi ces choix ne seraient-ils pas audibles ? Pourquoi ne pourrait-on pas vivre dans un collectif de 15 personnes ? Entre générations différentes ? Avec des animaux ? Entre femmes ? Pourquoi n’y a-t-il aucune place pour des expérimentations différentes selon les besoins de chacun-e, en matière de logement, mais aussi de création, d’espace de rencontres ?

Le squat des 400 couverts est un de ces terrains d’expérimentation et d’invention d’une autre ville. Notre initiative ne s’oppose pas à un projet de logements sociaux mais défend la construction d’une autre culture de vie répondant à des valeurs de solidarité et de partage, articulées sur la critique d’un monde capitaliste, marchandisé et autoritaire.

*** Une médiation pour l’image ****

Proposer une médiation rentre dans la stratégie municipale de communication cherchant à s’assurer une "sortie honorable" à cette crise sans assumer ses responsabilités. Elle utilise pour cela sa carte joker "René Rizardo" : cet ex-directeur de l’Observatoire des Politiques Culturelles et ex-adjoint à la culture de Dubedout, est connu pour les rôles de "médiateur" (ou "pacificateur de conflits sociaux") qu’il a tenu dans les années 1970.

Il va sûrement essayer de négocier le départ volontaire des squatters en échange d’un relogement temporaire. Ces propositions posent de sérieuses questions de fond sur les différences de traitement. La Mairie propose-t-elle des médiations pour les squats moins connus ? Les réfugié-es et autres sans-papier-ères qui restent des mois ou des années sans logement ont-ils droit à des médiateurs de prestige comme M. Rizardo ? Et la mairie a-t-elle pensé à faire des propositions concrètes à ces gens dans le besoin dont elle se dit si préoccupé ?

En réalité, la Mairie n’a rien à gagner en proposant un arrangement à des gens dont on entend jamais parler. L’intérêt des ses gestes de générosité est de :
 Faire disparaître discrètement des squatters qui font trop de bruit, en ignorant et méprisant tout ce qui fait leur projet.
 Donner une image ouverte de la politique municipale qui permet de légitimer d’autres actes moins glorieux.

Pour le cas des 400 Couverts, la Mairie sait pertinemment qu’elle ne peut apporter aucune solution réaliste. Mais, en communiquant autour de sa pseudo-proposition, elle nous fera passer pour "fermé-es au dialogue", alors que, jamais, elle n’a essayé de comprendre notre démarche. Une fois de plus la Mairie de Grenoble montre son grand mépris à l’égard des initiatives alternatives et cherche la parade qui lui permettra d’anéantir le squat des 400 couverts tout en sauvant les apparences.

*** Nettoyage de la ville ***

Les élus socialistes choisissent le mois de juillet et les vacances d’été pour régler leurs compte avec leurs oppositions par une tentative d’éradication de la mouvance des squats politiques à Grenoble. Des lieux comme la Kanaille, la Mèche, Bora-Bora, Resistor, Le Schmogul, les 400 couverts ont été ou vont prochainement être expulsés. Les méthodes sont les mêmes que celles employées contre les opposants au grand stade en 2004 ou ces derniers jours vis-à-vis du média d’enquête critique "Piècesetmaindoeuvre.com" : police et intimidation. Régler les problèmes à coup de descente de police, merci bien ! ben bravo ! Non mais...

*** Nous n’avons rien à négocier ***

Concrètement, la traverse des 400 Couverts, sa vie sociale, sa situation dans un quartier précis, et tout ce qui y a été construit matériellement, ne peut pas disparaître. C’est une chose « unique », intransportable, indéplaçable d’un coup de baguette magique. Une rue au centre-ville, entièrement organisée autour de principes rares dans cette société, un foisonnement de projets solidement installés ? une cohérence à l’échelle d’une rue. Ce qui s’est créé ici est une alchimie fragile entre un espace, des constructions physiques et des liens sociaux.

Il n’y a pas de relogement possible aux 400 couverts. Il n’y a pas de proposition acceptable de la part de la mairie. Nous continuerons à défendre la traverse des 400 couverts et toutes les pratiques d’occupation et de recherche d’autonomie.

**********Pour mémoire, la traverse des 400 Couverts, c’est une traverse entière occupée :
 6 bâtiments squattés et réhabilités depuis 3 ans et demi
 le domicile de 25 personnes et une vie collective quotidienne
 le Chapitonom, un lieu public fait maison, plus d’une centaine d’événements à prix libre organisés en trois ans (concerts, projections, lectures, pièces de théâtre, débats...).
 un four à pain en torchis (terre, paille, crottin de cheval), construit au printemps 2003 pour pouvoir faire du pain, des pizzas, des gratins au feu bois, et utilisé notamment pour les repas de quartier dans la traverse
 un atelier filtrage d’huile (qui nous sert pour expérimenter les moteurs à l’huile de tournesol)
 l’infokiosque (une bibliothèque de plus de 1000 livres, brochures, revues sur des questions politiques, intégrée dans un réseau francophone et dans le site http://infokiosques.net)
 une zone de gratuité (où chacun-e peut se servir de vêtements, objets, etc., et déposer ceux dont il/elle ne se sert pas)
 une yourte, tente mongole auto-construite d’habitat semi-nomade
 un jardin potager
 un compost à l’odeur contenue
 un toit végétal
 un square réaménagé, repeint, décoré de mosaïques
 un griottier, un abricotier, un pêcher plantés dans la rue
 un lieu de réunions et de stockage pour des collectifs et des associations (fraka, indymedia-grenoble, groupe autour de l’anti-psychiatrie, réseau huile de tournesol, distros iosk et zanzara athée...)
 des halles pour y stocker de la récup et des conserves maison
 une pharmacie axée sur la médecine alternative et les plantes médicinales
 une salle de répétition accueillant des ateliers danse, théâtre, boxe française et self-défense féministe
 un atelier informatique basé sur les logiciels libres (unix-gnu-linux) avec des échanges de savoirs
 un labo-photo
 un atelier de réparation vélos
 une cuisine collective permettant d’organiser des restos à prix libre
 ponctuellement, des ateliers vitrail, menuiserie, sérigraphie, poterie, couture, prise de vue... et réhabilitation des maisons (électricité, plomberie, charpente, maçonnerie, carrelage, chaux, et décorations les plus folles) !

Tous ces espaces et ces activités ont été réalisés avec les moyens du bord, sans subventions et pratiquement sans argent, hors des circuits marchands et institutionnels. Ils sont reliés entre eux par des échanges et des rencontres entre les personnes, habitantes ou participantes à ces activités, par un état d’esprit et des questionnements communs. A travers nos pratiques, nous voulons remettre en cause différents principes et systèmes, depuis ceux de la "consommation culturelle" jusqu’à ceux d’une société de profit, de compétition, de "croissance"... La vie de la traverse est rythmée par les glanages et bricolages, les recherches de rapports humains sans dominations, les réunions, les banquets sur nappe blanche, les liens ville-campagne, les discussions de fond, les moments de convivialité avec les voisin-e-s, la circulation des savoir-faire, la participation à des manifestations et des luttes sociales (notamment autour du logement, à travers le collectif Défends-toit)...

Plus d’informations sur Indymedia-Grenoble
et sur grenoble.squat.net

Messages

  • La médiation avec M. Rizzardo n’a pas eu lieu "aujourd’hui" 24 juillet, mais le 15 juillet, et s’est déroulée sans surprise... Il a proposé de négocier une "reprise du dialogue avant l’expulsion", et a promis de discuter un relogement "une fois que les squatteurs/euses se seraient engagé-e-s à partir". De leur côté, les squatteurs/euses ont présenté pourquoi ils et elles ne pouvaient accepter cette parodie de négociation. La vie aux 400 Couverts continue, la traverse s’embellit, cabanes et mezzanines s’ajoutent aux maisons déjà protégées de barricades peintes. Des actions diverses d’information et/ou de protestation ont lieu presque tous les jours dans la ville.